Le New York Times, dans son supplément Style du jeudi 4 novembre, vient de me consacrer un long portrait (2500 mots / pleine page) signé Spencer Morgan (cliquer pour lire l’article dans le Purple Diary). C’est, pour un parisien amoureux de New York, une consécration incroyable de mon travail et de presque deux décennies de publication de Purple. Si je vous en parle, c’est que cela concerne mon sujet sur le blog de la Règle du Jeu. De fait, l’angle rédactionnel choisi par le journaliste qui m’a interviewé deux fois deux heures, et qui a appelé une vingtaine de personnes autour de moi, n’est pas exactement mon éventuelle crédibilité dans le monde de l’art et de la mode (que cet article est supposé analyser en même temps qu’il le consacre), mais ma vie sexuelle, ou plutôt ce qu’il désigne comme « my ethos of creative and sexual freedom ». Et l’article s’achève sur l’histoire de ma rupture (que j’espère passagère) avec Natacha Ramsay — le post sur le Purple Diary que j’avais fait à cette douloureuse occasion fin juin 2010 est entièrement cité.
Étonnant, troublant même pour moi cette approche plus sensationnelle qu’intellectuelle de la part d’une institution comme le New York Times. Mais aussi intéressant pour notre sujet. En effet, ce ne sont pas la cinquantaine d’expositions d’art contemporain que j’ai organisées dans le monde, ni les centaines de séries de mode que j’ai conçues, pas plus que les nombreux catalogues que j’ai préfacé, qui semblent le point d’investigation de l’article. Le fait que je connaisse personnellement la presque totalité des artistes et créateurs de mode de ma génération pour les avoir rencontrés, interviewés, fréquentés régulièrement, et que, pour la plupart, ils respectent mon travail et pourraient facilement témoigner de sa différence dans le monde formaté de la presse de mode et d’art, n’est pas du tout le sujet non plus… Clairement le succès de mon parcours personnel et professionnel — que cet article est supposé valider au yeux du monde — n’est pas la question. Ce qui concerne le New Yorkais intellectuel lecteur du New York Times c’est que ce supposé succès s’accompagne d’une sexualité ouverte, d’une intimité livrée sans complexe à l’Internet et d’une liberté de mœurs qui semble aujourd’hui aussi étrange que scandaleuse. Comment peux-t-on réussir dans une industrie du luxe, de l’apparence et de l’argent que sont le monde de l’art et de la mode à l’époque de Larry Gagosian et de VLMH, et risquer ainsi de compromettre son image par ce qui apparaît tout au long de l’article comme une addiction sexuelle à laquelle ma position de « demi-célébrité » me permettrait de laisser libre cours dans tous les recoins de mon activité. Voilà qui fait problème ! Voilà qui fait sensation ! Voilà ce qui semble motiver un portrait d’une page auprès du public le plus intellectuel de l’Amérique d’aujourd’hui.
Entre les lignes, ce portrait détaillé me fait passer pour le bruyant défenseur d’une liberté sexuelle « old fahsion », comme venue d’une fixation naïve sur les années 70 que la génération de mes parents a depuis longtemps elle-même passablement renié. Mes amis américains m’expliquent que l’Amérique est également fascinée et terrorisée par la chose sexuelle, et qu’en période de paranoïa généralisée — de la peur du sexe à la phobie du terrorisme — je fais figure d’exception. Pour autant le papier n’aborde en rien les raisons de l’importance de la nudité dans Purple (ce qui appartient fondamentalement au vocabulaire de la mode et de l’art), pas plus que le sens que je donne à la liberté sexuelle aujourd’hui. C’est l’objet de ce blog… C’est tout le contraire qui apparaît : l’article se termine sur ma rupture de cet été avec Natacha qui apparaît clairement comme l’échec de ce mode de vie que j’incarne. Vous pouvez plier le New York Times et reprendre une vie sexuelle normale…
I have gone to the trouble of finding, and reading, carefully, the article in The New York Times you refer to: my first impression is that the gist and drift of the article are both entirely positive (as far as you are concerned). The author of the piece, employing a well-worn journalistic conceit, writes with a certain detachment from his subject, to lend an aura of impartiality and critical acumen to his approach and thereby to render his reportage the more trustworthy. The juicy tidbits from your private life on the other hand seem quite simply a bid to heighten the authenticity of the story, there being fewer inhibitions to encroaching on someone’s privacy in New York than there are in Paris. A certain amount of that typically American quality of jejuneness helps to concoct this special mix spiced to suit the palate of the (would-be) hip reader. That’s all. The quotation from you, cited in the article, to the effect that people nowadays are less free precisely BECAUSE of the lack of the old-world inhibitions (which somehow served as a curtain behind which freedom could really reign in the old days, less visibly but more truly than today) seems original and merits further reflection. For the rest, if anything, the write-up seems to take pains to boost the importance or social significance of its subject, although I for one have never heard of you before. Have you heard of me? No. (But there are millions who have.) 🙂
La conclusion me paraît excellente ! Rien à redire 🙂