Bien qu’il fournisse aussi une narration au long-cours, l’intellectuel français Bernard-Henri Lévy apparaît à l’écran seulement quelques fois dans «Peshmerga» et «La Bataille de Mossoul», et c’est au bénéfice de ses deux documentaires. «Peshmerga», le plus long des deux, a pour but de mettre des visages sur les soldats Kurdes en guerre contre Daech au Kurdistan irakien, une région où les conflits ont tendance à se dissoudre dans un brouillard de mots et de concepts.

Tous les rôles que Lévy a endossés au cours de sa carrière (correspondant de guerre, philosophe) permettent à ses documentaires de s’engager sur de nombreux fronts. Lévy ne s’intéresse pas seulement aux bataillons qu’il accompagne, et dont il narre les exploits avec sa langue colorée et lyrique, mais aussi à l’histoire de la région (les confins du nord de l’Irak), du passé le plus ancien aux accords Sykes-Picot.

Mis à part les Kurdes, beaucoup de groupes ethniques et religieux ont co-existé pacifiquement dans la région pendant des siècles. Parmi eux les Yézidis, cibles d’une tentative de génocide perpétrée par l’Etat islamique. On apprend aussi beaucoup de l’histoire des Juifs dans la région, l’on rencontre un prêtre chrétien célébrant la messe en Araméen et l’on visite un monastère qui semble paradoxalement paisible dans cet environnement.

Mais les deux films sont d’abord et avant tout des journaux de guerre. «Peshmerga», d’après le nom donné aux combattants kurdes, suit ces soldats sur la ligne de font au nord-ouest qui sépare les territoires tenus par les Kurdes du fief de Daech. Le film nous présente des hommes tels que le général Sirwan Barzani et son oncle Massoud Barzani, alors Président du Kurdistan, ainsi que celui d’un bataillon de femmes soldates. D’autres personnages sont des blessés, ou sont là pour nous remonter le moral, telle Helly Luv, la chanteuse pop, décrite comme la Madonna kurde. Lévy dresse le portrait de celui qu’il nomme «le général aux cheveux gris», avant que ce dernier ne soit tué hors-champ, quelques secondes, nous dit le récit, après une scène de tirs comprise dans le film.

Les combats sont souvent filmés à une proximité effarante du feu, et quelques fois, l’on se demande qui est le caméraman, et quel appareil est utilisé (un téléphone ? Une GoPro ?). Un caméraman du nom de Tayyeb manque d’ailleurs de mourir quand son pickup saute sur une mine. Lévy nous sidère par ses images de Mossoul saisies aux drones, une ville, dit-il avec surprise, qui a toujours l’air de ressembler à une vivante capitale d’un Etat.

La ville devient la ligne de front de «La Bataille de Mossoul», un second opus indispensable après «Peshmerga», avec qui il forme un diptyque. A la fois suite et épilogue, il saisit la libération de la ville du joug de l’Etat islamique en 2016 et 2017. Les décombres des immeubles sont vus plus clairement, de même que la confusion générale, bien que le second film prenne aussi quelques moments de pause, et même, de façon incongrue, des accents poétiques, avec cette petite fille tenant son chat dans sa fuite de Mossoul.