Avec sa sortie antisémite et conspirationniste (« la proximité de [Hillary] Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France », dans Nice-Matin du 19 octobre) Jean-Frédéric Poisson a propulsé le langage à peine codé de l’ultra-droite dans le champ de la droite issue de la famille républicaine. Découvert par le grand public depuis qu’il est devenu l’un des sept candidats à la primaire du parti Les Républicains et du centre, l’homme est loin d’être un inconnu pour quiconque suit de près la mouvance de la droite la plus extrême. Très proche de Christine Boutin depuis de longues années, il a été élu en 2012 dans la circonscription des Yvelines dont elle était auparavant la députée, puis a pris sa succession à la présidence du Parti chrétien-démocrate, créé par l’ancienne ministre catholique intégriste. L’un comme l’autre sont comme il se doit parmi les adversaires les plus acharnés du droit à l’avortement et du mariage homosexuel.

 

Cohérent avec l’univers de l’extrême droite, l’homme est un supporteur du président syrien Bachar al-Assad, qu’il a rencontré à deux reprises, à Damas. En juillet 2015 il y était allé seul et, à l’issue d’une entrevue ponctuée de rires amicaux, l’avait alors décrit comme «courtois, souriant, moderne dans sa manière de parler, pas du tout guindé», ajoutant «entre l’image de boucher et celui que j’ai rencontré, on ne doit pas parler du même homme». Le président du Parti démocrate-chrétien y était retourné en octobre 2015, cette fois accompagné de Véronique Besse, députée de Vendée et membre du Mouvement pour la France fondé par Philippe de Villiers, et de Xavier Breton, député Les Républicains de l’Ain.

 

Se ranger du côté de celui qui est bien, quoi qu’en dise Poisson, le boucher de la Syrie, va rarement sans une forte complaisance envers l’Iran des mollah. On ne sera ainsi pas surpris des conseils de Poisson à la diplomatie française pour qu’elle cesse de condamner Bachar al-Assad et se rapproche plutôt des Iraniens, qui contribuent politiquement, financièrement et militairement au maintien au pouvoir de celui-ci. Pas plus qu’on ne s’étonnera de la faiblesse qu’éprouve le député des Yvelines pour le principal pilier international de la mafia sanguinaire de Damas, à savoir Poutine, dont l’un des relais en France, le site Russia Today, bien connu pour son complotisme, interviewait tout récemment celui qui avait tout pour lui plaire en accusant la candidate aux présidentielles US d’être soumise aux «lobbies sionistes». Antisémitisme à peine masqué, soutien à Bachar al-Assad, penchant pour l’Iran, poutinisme peu discret, il était logique que le compagnon idéologique de Christine Boutin exprime en juin dernier son inclination pour le plus tristement célèbre des admirateurs de Poutine, Donald Trump.

 

Comment ne pas s’inquiéter qu’un Jean-Frédéric Poisson se retrouve aujourd’hui parmi les candidats à la primaire de la droite ? Et que se serait-il passé si le Crif n’avait pas aussitôt réagi avec vigueur contre ses propos scandaleux ? Les condamnations, à droite, n’ont jusqu’à présent pas été très nombreuses. Heureusement qu’on a toutefois entendu Nathalie Kosciusko-Morizet, aussi ferme que claire, suivie, avec un peu moins de fermeté, par Bruno Le Maire, puis, sans la même clarté, par Christian Estrosi, tandis que Thierry Solère, qui préside la Commission d’organisation de la primaire, annonçait que la question Poisson serait examinée le 26 octobre. Au moment où ces lignes sont écrites (vendredi 21 octobre 19h) on n’a pas vu Sarkozy, Fillon, Coppé ou Juppé exprimer une dénonciation en règle des propos de leur concurrent. Lequel s’est bien évidemment fendu par la suite d’une déclaration regrettant toute interprétation erronée de ce qu’il avait dit à Nice-Matin et écrivant au président du Crif : « Je regrette que mes propos aient pu vous blesser ou causer des craintes ou des doutes dans votre esprit. J’ai manifesté en bien des occasions mon soutien indéfectible aux juifs de France. Je condamne avec la dernière énergie toute forme d’antisémitisme. »

 

Faut-il en conclure que l’incident est clos ? Soit Jean-Frédéric Poisson est un grave imbécile qui ne se rendait pas compte du caractère antisémite et conspirationniste de ce qu’il déclarait au quotidien du sud-est, soit c’est un pitoyable roublard dont les subites déclarations d’amour aux Juifs ne trompent que ceux qui veulent y croire. On pencherait plutôt pour la seconde hypothèse, d’autant que le président du Parti chrétien-démocrate participera début décembre, à Paris, à un meeting rassemblant plusieurs personnalités de la «droite hors les murs», dont Robert Ménard, Philippe de Villiers, Karim Ouchikh (Rassemblement Bleu Marine) et encore Christian Vanesse, dont la réputation de rigoureux défenseurs d’une démocratie exempte de racisme, d’antisémitisme et d’homophobie n’est plus à faire.

 

Il est à espérer que celui dont l’un des principaux slogans est qu’il faut «Libérer la France de Mai 68», ainsi que le pense également son concurrent Nicolas Sarkozy, devenu par ailleurs bienveillant à l’égard de Poutine, tout comme leur concurrent commun Fillon, soit exclu de la primaire. Sans quoi la droite et le centre en arriveraient à accepter et banaliser la présence dans leurs familles politiques de cet antisémitisme dont Poisson n’est que l’expression à peine dissimulée.

8 Commentaires

  1. Non! Pourquoi exclure quelqu’un qui s’exprime sur une vérité connue de tous qui prennent la peine de s’informer… De plus, le devoir ou le droit de l’exclure ne vous revient pas…

  2. Ce qu’on aura toujours le plus grand mal à concevoir, c’est que les Juifs sont des êtres humains. Or les hommes, s’ils sont fondés à élaborer des systèmes du monde, ne peuvent en aucun cas s’anéantir dans ce qu’ils ont échafaudé. Les Juifs ne sont pas une religion. Ils n’ont donc aucune chance d’être un radicalisme religieux. C’était vrai il y a un quart d’heure, ce sera vrai dans un quart de millénaire. On dira les Juifs de France et il faudra entendre les Français d’origine juive comme on pourrait parler d’Italo-Americains à propos d’Enrico Fermi ou de Martin Scorcese. Un migrant est concomitamment émetteur et récepteur d’une mémoire et d’une autre, d’une histoire et d’une autre, dont il assurera la transmission aux uns et aux autres. Les Juifs sont des hommes, donc des hommes et des femmes, donc des êtres pensants. Ils peuvent, en recourant à cette faculté qu’ils partagent avec leurs congénères, fabriquer beaucoup de choses. Une religion monothéiste. Une autre religion monothéiste. Une théorie de la mécanique quantique. Un Subterranean Homesick Blues. Ils pensent et produisent de la pensée. Avec plus ou moins de discernement. Toujours avec indépendance. Que cela leur plaise ou non et qu’ils le fassent à l’intérieur ou l’extérieur du Temple. C’était censé fonctionner ainsi avant même le face-à-face simultané de chacun des Benéi Israël devant la Tente d’Assignation. Et quand Clinton juge scandaleuse la résolution antijuive de l’UNESCO, son jugement ne fait pas d’elle une marionnette du lobby juif américain, mais une femme qui pense, qui va et apprend, qui sait de quoi elle parle, qui prend la parole à bras le corps de son prochain. Les Juifs, donc, la pensée juive, donc, la pensée émanant de Juifs assurément perfides pour qui souhaiterait les voir trahir les libertés quintessentielles de leur arbitre, ces Juifs qui ne sont étrangers qu’à ce qu’ils ne sont pas ont aussi contribué à cimenter la République. Rien d’étonnant au fait que leurs détracteurs les plus obsessionnels exècrent les Francs-maçons. En attaquant les Juifs, on aura peine à nous persuader que l’on défend la République contre quelque adversaire originel quand, au contraire, on forcera un rempart très puissant élevé sur deux, trois millénaires de construction mentale contre les dérouteurs de l’État droit.

    • Aparté : Il est certes contradictoire que le judaïsme se caractérise par ce paradoxe identitaire qui veut que le Juif ne soit jamais autant juif que lorsqu’il sait faire un avec le non-juif. Et, dans ce faux mouvement, que ceux que sa contre-nature repousse soient voués à se rejeter eux-mêmes. C’est en cela qu’on ne peut pas réduire les Juifs ni au culte ni à la culture dont procède leur statut à part parmi les nations que l’unité de leur peuple démontable a parfois subjuguées.

    • Disparité : Les Juifs sont aussi divers et indivisibles que l’est la république. Multiculturalistes jusques au Saint des Saints. Très bizarres ou trop évidents. Les viser en bloc est non seulement injuste mais, d’un point de vue strictement rationnel, tout à fait inepte. Ils sont ici et là sans que l’on sache qui est ici ou là. Au centre de la cible et dans le dos du tireur. Ils sont un peuple… à part… entière.

    • Décalage : Si nous commencions à nous inquiéter de ce que pourrait en faire le Bœuf acéphale désailé, voilà belle lurette que nous n’adresserions plus la parole à personne. Quoi que nous proposions, que nous ayons atteint nos cibles a fortiori, celles-ci se confectionneront une arme calquée au millimètre sur la nôtre, et là, comme si de rien n’était, elles la retourneront contre nous. Et elles se foutrons bien, les bougresses, que leur flèche se soit fichée dans le mauvais mur, puisque leurs fanatiques n’y verront que du feu.

  3. Le président du PCD est l’ami des Juifs comme la fondatrice de son parti est celle d’Éric Zemmour. Le genre à adorer les déicides à partir du moment où, trop heureux de figurer autour et non au beau milieu de la table d’un hôte anthropophage, ces derniers vont fièrement cautionner pour leur bienfaiteur les honteuses thèses, auxquelles le procès de Maurice Papon avait ambitionné de donner le coup de grâce. Les Poisson ne sont plus légion chez feu Monsieur Drumont. Ils n’en pèsent pas moins lourdingue, à bâbord comme à tribord. Fluctuat nec mergitur. Une devise efficiente aussi longtemps que le coefficient de résistance de la coque lui permet de se prendre les gnons pour tout l’équipage. Mais c’est à l’intérieur qu’on est de plus en plus rudement battu par les flots, et il est à craindre que les premiers désespérés préfèrent tenter leur chance sur un radeau mal ficelé plutôt que s’escrimer en vain à réparer un cercueil flottant dont la dislocation pourrait sembler plus salutaire.

  4. Bien étrange l’absence général de contre argument et la recherche basé uniquement sur la diabolisation ad hominem alors qu’auparavant le burkini était une forme de complot par des musulmans extrémistes. c’est assez effrayant ce deux poids deux mesures.