Soucieux avant toute chose d’épargner à leurs hommes la perte de leur chef si cher et si précieux, bien des Généraux, dans l’histoire militaire, traversant la guerre à distance respectueuse des combats, sont morts, l’âge venu, couverts de médailles, dans leur lit.
Les circonstances exactes de la mort du Général Magdid Harki ne nous sont pas encore connues. Il semble, d’après les premiers témoignages qui nous parviennent de l’état-major, à Erbil, qu’il soit mort, les armes à la main, à la tête de ses Peshmergas, en repoussant sur les hauteurs des Monts Zerdik l’attaque des commandos-suicide de Daech, le 16 décembre dernier.
Nous étions montés l’été dernier, avec Bernard-Henri Lévy et la petite équipe qui l’accompagne dans l’aventure de « Peshmerga », son prochain film, par une mauvaise piste sur les hauteurs des Monts Bachik, jusqu’à la position des Peshmergas qui surplombe la plaine de Ninive aux mains des Fous de Dieu, avec Mossoul, la capitale tombée en leur pouvoir, dans le lointain.
Au premier abord, rien ne le distinguait d’eux, sauf sa prestance. Le général Harki avait réuni ses hommes, une centaine de Braves qui bivouaquaient dans ce fortin isolé qu’ils avaient construit eux-mêmes au long des mois d’hiver. La cinquantaine juvénile, avec sa belle gueule d’acteur américain, le contraste était saisissant entre ses cheveux entièrement blancs et la jeunesse du visage, qu’éclairait pour notre accueil un franc sourire plein de jovialité et de joie de vivre.
A peine débarqués de nos véhicules, il nous prit carrément dans les bras, les uns après les autres, et, sans transition, nous fit faire au pas de course « le tour du propriétaire », sur le chemin de ronde avec ses meurtrières courant tout le long d’un amoncellement de pierres sèches et de sacs de sable au-dessus de la pente qui descendait vers les villages déserts à 500 mètres en contre-bas, où était tapi l’ennemi invisible de Daech. Des casemates de béton, émergeait un canon de petit calibre, quelques mitrailleuses. Trois pick-up avec une 12.7 montée à l’arrière constituaient sa cavalerie légère. Pas d’armement lourd, pas d’artillerie de campagne. Rien d’autre. Un poste de fortune, comme des centaines d’autres sur les mille kilomètres de front tenu par les Kurdes, face à Daech.
Nous étions venus avec un vieux chanteur kurde aveugle. Tous les hommes firent cercle autour de l’homme, le général dit quelques mots de bienvenue, et le vieux, entonnant un péan en l’honneur des combattants, psalmodia le mot de Peshmerga de longues minutes, dans le recueillement de la troupe. A la fin de l’hymne, tous dressèrent leurs armes avec des hourras et reprirent en chœur la chanson. Le rituel du thé rouge et brûlant clôtura la cérémonie dans un préau qui servait de réfectoire. Le général ne cessait d’évoquer des souvenirs, des anecdotes qui faisaient rire l’assemblée des soldats et nous-mêmes, tant l’atmosphère était contagieuse, sans que nous en comprenions un mot. Le vieux chanta encore quelques chansons, les hommes battaient la mesure. Avant de repartir, le général nous introduisit dans sa carrée, une pièce en torchis avec un matelas par terre. Le soir tombait. On fit la relève des sentinelles. On salua et remercia les soldats.
Le général nous prit de nouveau dans ses bras, avec un grand rire pour chacun de nous.
Nous avons appris sa mort avec beaucoup de peine. Nous nous sommes croisés peu de temps, mais cela a suffi pour l’amitié et l’admiration devant le courage tranquille de ce général d’une petite armée sans moyens qui montait la garde pour nous tous, face à la barbarie.
J’ai cherché dans Victor Hugo quelque vers en hommage, par-delà les siècles, à Magdid Harki, ce jeune, trop jeune, si vivant général Peshmerga, mort sur les Monts Bachik.
« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau. »
Quelle triste nouvelle. Les seuls à véritablement affronter l’état islamique, en première ligne, quasiment sans moyens
Si seulement ils étaient davantage aidés…
Les Peshmergas sont des exemples de courage !
Merci de vous faire le relai de ce qui se passe réellement sur place. Un aperçu concret de la situation, à l’inverse de tous les fantasmes que l’on s’imagine autour de Daesh depuis la France…
Tandis que les occidentaux deviennent de plus en plus frileux, les Kurdes se distinguent.
Bravo aux courageux combattants kurdes et mes hommages au général Harky
Les Kurdes meurent en affrontant les barbares. Seront-ils « récompensés » à la fin ?