Cela fait huit ans que la Communauté internationale fait tout pour amener la République islamique d’Iran à renoncer à ses ambitions nucléaires. Cela fait huit ans aussi que les dirigeants iraniens, Réformateurs et Conservateurs confondus, soufflent le chaud et le froid sur l’Occident, jonglant sans cesse avec des discours contradictoires, misant sans fin sur la surenchère rhétorique et atomique tout en poursuivant leurs activités.
Il y a quatre ans, le Conseil de Sécurité de l’Onu a décidé d’une première série de sanctions internationales à l’encontre des Iraniens. Des sanctions mesurées, ciblées tout d’abord sur les matériaux pouvant revêtir un double usage civil et militaire dans le but d’enrichir le programme nucléaire iranien, puis touchant peu à peu aux avoirs à l’étranger des responsables du pays, avant de s’attaquer aux banques iraniennes abritant ces sommes. Mais la porte est toujours restée ouverte. Et le but avoué de ces mesures a toujours été de faire revenir les Iraniens à la table des négociations, afin de les forcer à mettre un terme à leur programme.
Or en mai dernier, les Iraniens se sont payés le luxe d’accepter un accord atomique Turco-Brésilien de transfert d’uranium, mettant dos à dos l’Occident et ces deux pays émergents en quête de légitimité internationale, qui avaient pourtant réussi en un jour là où Américains et Européens avaient échoué depuis huit ans. Quatre salves de sanctions onusiennes plus tard, les Occidentaux passent à l’offensive…
Le 17 juin dernier, l’Union européenne et les Etats-Unis décident de sanctions unilatérales punissant sévèrement les entreprises européennes investissant en Iran dans le secteur de l’énergie. Résultat direct et immédiat : le 28 juin, le Français Total, qui s’est copieusement enrichi en Iran depuis 1995, annonce qu’il cesse de vendre de l’essence à la République islamique.
Le 2 juillet, le président américain Barack Obama ratifie une vague de sanctions unilatérales américaines supplémentaires, « les plus dures » jamais approuvées jusque là, votées une semaine plus tôt par le Congrès. Leur but : « Viser l’Iran là où cela fait le plus mal », dixit le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid. Pour ce faire, les Américains décident de pénaliser les importations d’essence en Iran, véritable point faible du Régime iranien, obligé, malgré les secondes réserves de pétrole au monde, d’importer la moitié du carburant qu’il consomme, en raison notamment de la vétusté de ses usines de raffinage.
Et là non plus, les effets ne se sont pas fait attendre. Mais dans un secteur que l’on n’attendait pas…
Lundi, Mehdi Aliyari, secrétaire de l’Union des compagnies iraniennes, cité par l’agence de presse iranienne ISNA, annonce que les avions des compagnies iraniennes Iran Air et Mahan Airlines(compagnie privée) ne sont plus autorisées à être ravitaillées dans les aéroports allemands, britanniques et émiratis, jetant un froid sur les passagers iraniens d’Iran et de la diaspora, pour qui ces deux compagnies sont parmi les seules à leur permettre de circuler directement entre l’Iran et l’Europe. « Refuser de fournir du carburant aux avions de ligne iraniens(…) constitue une violation des conventions internationales« , déplore notamment Aliyari.
Une information, qui est pourtant vite démentie, autant à Londres, Berlin, qu’à Dubaï.
« Le ravitaillement des avions de ligne iraniens n’est pas interdit par les sanctions européennes ou les sanctions de l’Onu et aucune interdiction de ce type n’est prévisible dans un proche avenir », indique notamment le ministère allemand des Transports.
Mardi, le ministère iranien des Affaires étrangères, conforte son homologue allemand et contredit son compatriote, secrétaire de l’Union des compagnies iraniennes. « Aucune restriction de ce genre n’a été imposée », annonce Ramin Mehmanparast, porte-parole du ministère, avant d’ajouter : « La propagation de semblables informations erronées vise à créer un climat négatif et équivaut à une sorte de guerre psychologique contre notre peuple ».
Nouveau rebondissement quelques heures plus tard : on apprend du Financial Times Deutschland que la Compagnie pétrolière britannique BP n’a pas renouvelé son contrat de fourniture de carburant avec les compagnies aériennes iraniennes, ce qui expliquerait leurs difficultés à ravitailler. « Il s’agit d’une décision commerciale pour les compagnies de savoir comment répondre aux sanctions américaines », annonce dans la foulée une source proche du gouvernement anglais.
Et ce n’est pas fini. A Bruxelles cette fois, la Commission européenne annonce que deux tiers des vols de la compagnie nationale iranienne Iran Air sont désormais interdits dans l’espace aérien des 27 Etats de l’Union européenne. Dans un communiqué, l’exécutif européen affirme que le comité de sécurité aérienne de l’UE a soutenu à l’unanimité cet élargissement des restrictions frappant la flotte d’Airbus A320 et de Boeing 727 et 747 d’Iran Air.
Officiellement, selon Helen Kearns, le porte-parole de la Commission, cet élargissement de l’interdiction a été uniquement motivé par des raisons de sécurité. « Nous ne considérons ici que des critères de sécurité – nos contrôles sont effectués selon des niveaux techniques élevés pour garantir le respect des normes de sécurité », explique-t-elle lors d’une conférence de presse (il faut néanmoins rappeler que la cause principale du délabrement de la flotte iranienne est l’embargo américain sur la vente d’avions et de pièces détachées). Pourtant, le timing de cette décision, tout juste quatre jours après l’adoption par Obama de sanctions additionnelles, est pour le moins étonnante…
Quoi qu’il en soit, il semble désormais évident que la Communauté internationale a entamé cette semaine une nouvelle phase dans sa tumultueuse relation avec la République islamique, en joignant cette fois le geste à la parole. Une nouvelle posture qui a le don d’inquiéter à Téhéran.
La preuve, aujourd’hui, Ali Akbar Salehi, le chef du programme nucléaire iranien avoue que les sanctions internationales pourraient ralentir le programme nucléaire de Téhéran, sans pour autant l’arrêter. Hier, la République islamique a affirmé être prête à rouvrir les négociations sur son programme nucléaire dès septembre.
Pourtant, de nombreux Iraniens craignent d’être une nouvelle fois les seuls à devoir faire les frais de cette sempiternelle guerre psychologique que se mènent Iran et Occident depuis maintenant trente et un ans. Le message envoyé à Téhéran a beau être fort. Les dommages provoqués risquent néanmoins de s’avérer limités. Et le peuple iranien, lui, ne risque guère plus de planer…