Dimanche 15 décembre, Maurizio Serra, diplomate et écrivain, était l’invité d’Alexis Lacroix lors du séminaire de La Règle du jeu consacré à Italo Svevo, à l’occasion de la parution de l’essai Italo Svevo, ou l’antivie (Grasset).
« Cette biographie est, au fond, la seule biographie de celui qui a écrit ce livre-monde qu’est La Conscience de Zeno, en 1923, et qui a sans cesse interrogé sa propre identité au miroir de cette identité problématique mais éminemment européenne, qu’est l’identité triestine, sa ville d’origine qu’il n’a, à vrai dire, jamais vraiment quittée. »
Alexis Lacroix
Pour Maurizio Serra, il est nécessaire d’évacuer le cliché selon lequel Italo Svevo serait « le Proust italien », rappelant qu’«il y a d’autres oeuvres qui font preuve de ce même besoin d’investigation profonde » autour de la conscience et de l’inconscient.
Autour de la langue de Svevo, chargée de ce qui a été nommé lors du séminaire « le triestinisme », le biographe rappelle le mot du poète Umberto Saba à propos d’Italo Svevo : « Il préférait mal écrire en italien ce qu’il aurait pu bien écrire en allemand».
Concernant l’actualité de Svevo de nos jours, Maurizio Serra insiste sur la modernité de la vision internationaliste de la condition humaine ainsi que l’opposition à l’étroitesse des clichés et des conventions qui occupaient la réflexion de Svevo.
Le contexte personnel de la vie de Svevo, grand industriel, a été évoqué, notamment à travers la figure d’Olga, la belle-mère de l’écrivain, au rôle « maternel et puissamment dominateur », qualifiée par Alexis Lacroix de… Cruella !
Au détour de récits d’anecdotes sur la vie de Svevo, alors que Jean-Paul Enthoven, éditeur de la biographie chez Grasset, interroge également Maurizio Serra sur le personnage d’Olga, nous apprenons que cette dernière, par obsession et paranoïa, avait coutume d’engager des ouvriers analphabètes afin de s’assurer que les secrets de fabrication soient bien gardés…
Outre les thèmes de la psychanalyse et du rire presque chaplinien, il a longuement été question de ce sentiment éprouvé par Svevo, illustré par la métaphore du passage de la frontière dans les dernières pages de La Conscience de Zeno, de « n’être jamais entier ».