Soucieux d’une apparence de respectabilité, le FN a été contraint ces dernières semaines de supprimer l’investiture de plusieurs candidats aux prochaines municipales. Ces innocents ne pensaient pas mal faire en exprimant ouvertement sur Facebook ou via Twitter les haines constitutives de l’ADN frontiste : antisémitisme, racisme, homophobie, xénophobie… Alors hop, n’est maintenant plus tête de liste Joris Hanser qui, comme tout un chacun à l’extrême droite, avait «liké» le tueur nationaliste serbe Radovan Karadzic, Poutine ou Bachar al-Assad, et proclame que «la Seconde Guerre mondiale, ce n’est pas que la Shoah» ; crac radié François Chatelain, ce ballot oublieux des nouvelles règles frontistes et qui en était encore à mettre sur Facebook un drapeau israélien en flammes avec pour légende «Ici c’est la France» ; tchac virée Anne-Sophie Leclere qui, photomontage nauséeux à l’appui, comparaît Christiane Taubira à un singe et relayait la propagande anti-mariage pour tous des Jeunesses nationalistes, l’un des pires groupuscules de nazillons.
En avril, Marine Le Pen avait dû prendre la défense de sa nièce Marion Maréchal-Le Pen lors de la publication d’une photo montrant cette dernière entourée de jeunes chefaillons fascistes et/ou skinheads lors de la célébration des 40 ans du parti fondé par Jean-Marie Le Pen. Expliquant que pas plus qu’elle-même la jeune élue FN ne pouvait savoir qui étaient tous ceux qui se faisaient prendre en photo à ses côtés, elle avait alors affirmé devant les caméras que son parti se faisait fort de se débarrasser des «extrémistes» membres – certainement à l’insu de son plein gré – de sa formation : «On remercie les balances. On joue un peu au “jeu de la taupe“, dès qu’il y en a un qui sort, “Bing !“». Et geste brutal à l’appui, elle montrait qu’elle flanquait un grand coup sur le museau de ces «taupes».
Las, l’entreprise de nettoyage officiel n’a visiblement pas les résultats escomptés, si tant est d’ailleurs que les chefs frontistes aient jamais eu l’intention de faire le ménage dans leurs rangs, ce qui aurait pour conséquence de leur faire perdre un bon paquet de militants. On apprend ainsi que deux récentes prises de guerre, respectivement transfuges du Front de gauche et de l’UMP, viennent de quitter le FN après avoir découvert que, décidément, on y voit et entend de bien vilaines choses.
Arnaud Cléré, qui au nom de l’UMP avait scellé une alliance avec le Front National en vue des municipales dans sa commune de Gamaches (Somme) avait été exclu de son parti et avait dans la foulée rejoint le SIEL (Souveraineté, indépendance et libertés), un sous-courant, présidé par Paul-Marie Coûteaux, du Rassemblement bleu Marine. Or, dit-il, il a découvert que «les idées, les propos qu’on peut recueillir lors de réunions FN, xénophobes, homophobes, etc. sont effectivement toujours là, et ça, ça [le] choque». Il assure même avoir vu, lors d’une réunion des têtes de listes à Hénin-Beaumont, deux personnes «tatouées avec des croix nazies sur leur bras». Lui qui croyait que «ce genre de personnages n’existait plus au Front National» a fait son mea culpa et demandé à être réintégré à l’UMP. L’autre déçue du parti d’extrême droite est la marseillaise Anna Rosso-Roig, venue du Parti communiste et qui avait renoncé au printemps à figurer sur les listes Front de gauche pour rallier celles du Rassemblement bleu Marine. La malheureuse, qu’avait accueillie à bras ouverts Gilbert Collard, s’est rendue compte que les dirigeants locaux du FN sont trop «radicaux» et tiennent des propos qui l’ont outrée. Ce devait être gratiné pour que cette opposante au mariage pour tous qui redoute «l’islamisation de la France» en vienne à «s’éloigner» publiquement de ses nouveaux petits camarades qu’elle juge «obsédés par le cosmopolitisme».
Anna Rosso-Roig et Arnaud Cléré étaient sans doute de grands naïfs souffrant d’une forte myopie. Il leur aurait en effet suffi de s’informer un peu, ne serait-ce qu’en faisant un petit tour sur les pages Facebook de militants du FN, pour voir les ignominies que ces gens vomissent. Un exemple parmi d’autres : un certain Lionel Estivant publie sa photo en costume-cravate destinée à accompagner sa candidature aux cantonales de 2011. Se jugeant sans doute ridicule, lui qui est habituellement affublé de la tenue standard de skinhead, il commente ainsi son portrait : «déjà q ils ont tiré la gueule quand je leur est envoyer une photo avec une légère tendinite du bras droit» [nous avons respecté l’orthographe d’origine]. Ce à quoi l’un de ses amis répond : «T es aussi crédible en costar qu en djellabah. Remet ta chemise brune et ton brassard et on va foutre le feu au sénat. Hehe.» Il semble que ce jovial garçon – dont l’un des aliments intellectuels est un groupe Facebook exhalant l’antisémitisme et portant le nom «Canal + ne fait que tapiner pour l’oligarchie» – n’ait pas encore été repéré comme «taupe» par Marine Le Pen. Au contraire on la voit poser tout sourire avec lui. Foin de sottises : vieux FN et Rassemblement bleu Marine, même combat !