Jusquʼà quel niveau de bassesse lʼambition politique de François Fillon lʼamènera-t-il à se vautrer ? Déjà, le 8 septembre, sʼalignant sur la radicalisation à droite de lʼUMP et sur la montée du Front national dans lʼopinion, il avait conseillé de voter, aux municipales par exemple, sʼil fallait choisir entre un candidat FN et un PS, pour «le moins sectaire des deux». Façon de dire que le parti de Marine Le Pen nʼétait plus à rejeter au-delà de la frontière stricte le séparant des courants républicains et ouvrant ainsi la possibilité dʼalliances avec lui.
Lʼancien Premier ministre vient de faire pire encore. Invité à un colloque en Russie auquel participait également Poutine – auquel il a donné, tout sourire, du «cher Vladimir» – , il sʼest ouvertement aligné sur la diplomatie russe à propos de la Syrie : le candidat déclaré aux présidentielles de 2017 a en effet dénoncé lʼoption affirmée par le gouvernement français de sanctionner militairement le régime de Bachar al-Assad pour son utilisation de gaz sarin le 21 août contre la population civile. Prenant la posture anti-américaine qui plaît tant dans ce marécage pestilentiel qui va de la Droite forte de lʼUMP aux groupuscules les plus ultras de lʼextrême droite, en passant par le FN, il a dénoncé ce qui serait lʼalignement de François Hollande sur Obama : «Je souhaite à cet égard que la France retrouve cette indépendance et cette liberté de jugement et d’action qui, seules, lui confèrent une autorité dans cette crise», a-t-il proclamé, et aussitôt tweeté tout satisfait quʼil était de sʼafficher dans le bloc de ceux qui laissent les Syriens se faire massacrer. Car la position de Fillon est quʼil ne faut pas intervenir contre lʼassassin Assad sans lʼaval du Conseil de sécurité de lʼONU. Ce même Conseil où la Russie poutinienne bloque systématiquement ne serait-ce que la plus molle condamnation du régime quʼelle protège – et arme. Ce que lʼancien «collaborateur» de Sarkozy sait pertinemment. Pas étonnant que le visage ordinairement glacial du maître du Kremlin se soit réchauffé dʼun large sourire après les 10 minutes de péroraison de lʼancien «gaulliste social».
Il ne sʼagit pas ici de sʼoffusquer parce quʼune personnalité française, ancien Premier ministre qui plus est, critique la politique de son pays lorsquʼil est à lʼétranger. Cʼest bien secondaire. Ce qui est grave, ce qui est gravissime, cʼest que lʼun des plus importants représentants de la droite républicaine apporte un soutien de fait à lʼhomme sans lequel les massacres en Syrie auraient cessé et Assad aurait été renversé, lʼhomme qui est lʼallié de lʼIran des mollah, lʼhomme qui vise à prendre la tête du bloc international des ennemis des démocraties occidentales. Fillon est-il devenu poutiniste ? On espère que ce nʼest pas le cas. Mais il a choisi, avec un cynisme rare, dʼaller dans le sens du courant néo-isolationniste qui sévit de plus en plus ici. Il nʼest pas inutile de savoir que lʼisolationnisme (cette vision étriquée et imbécile qui faisait préférer la Corrèze au Zambèze, qui faisait dire quʼon nʼallait pas mourir pour Dantzig pour contrer Hitler) est largement exploité par le Front national, dont lʼanti-américanisme est lʼun des fructueux fonds de commerce. Dans les rangs lepénistes on préfère Poutine à Obama. Lʼancien Premier ministre ne lʼignore pas. Les propos quʼil vient de tenir en Russie étaient en réalité un nouveau clin dʼœil à la droite extrême et à lʼextrême droite. Pour devenir président Fillon a choisi de flatter ce quʼil y a de pire aujourdʼhui dans lʼesprit dʼune fraction de ses concitoyens. Il a aussi décidé de faire satisfaire ses ambitions en piétinant les victimes du monstrueux Bachar al-Assad. Cʼest une ignominie.
Fillon aurait fait un bon colllabo bien de chez nous, il est ahurissant de lire des déclarations aussi irresponsables, tout cela pour caresser le poil d’une droite nationaliste, souverainiste et finalement anti républicaine. Cet homme-là est la honte de notre nation, il devrait se retirer de la vie politique ou se présenter avec l’étiquette Front National. Tant qu’à être pourri, autant l’être totalement, pardon totalitairement.
Ma mémoire me trahit ou quand Super-Holbrooke atterrit à Dayton, il n’a jamais été question de serrer Slobodan et ses épurateurs, qu’on amena à signer à peu près tout ce qui rendrait possible, quelques années plus tard, leur mise hors-jeu définitive. On les avait laissé berner, laissés imaginer que l’un dans l’autre, au fond et sur les bords, ils ne s’en sortaient pas si mal que cela. Si le vice-Premier ministre Jamil est amené à gober la transition démocratique, nous tenons là peut-être notre troisième voie, où la solution politique prévaut pour la haute justice sans se faire la complice des tyrans par effaçage d’ardoise. Car un tyran privé de tyrannie se voit retirer son seul espoir d’échapper au Jugement premier. Là, l’évitement des frappes doit être appréhendé comme un report de frappes. Car frappes il y aura eu dès l’instant qu’on aura bien eu les désimunisés renversés par les urnes. Les assassins peuvent aussi se faire battre au contre-la-montre. Un temps pour la paix internationale. Un temps pour la justice internationale. Mais non! Qu’est-ce qu’il y a? Les frappes… Quoi, les frappes? Les frappes, je veux dire, les frappes churchilliennes, Milosevic… il les a eues, non? Tu veux dire qu’il les aura… Si tu veux, bon. Il aura fallu qu’il les ait! Ouais. Ah, tu vois? Bon, je recommence. Sarkozy s’est agacé de la façon dont son prochain, devenu son successeur, gérait la crise syrienne. Or Sarkozy n’est pas au panthéon. Qu’il offre donc à ceux qui auront eu la chance de lui survivre une raison de l’y mettre et aille avec cet empressement qui est sa marque de fabrique se jeter corps et âme dans les bras d’un destin moins tacticien que stratégique. Suivant l’exemple d’un ex-Prime Minister trop jeune pour la retraite, il pourrait, en solo comme au sein d’un Quartet, mettre son expérience et sa stature au service d’une mission cardinale donnant par la même occasion une leçon de morale à l’ex-Premier ministre. Qu’ils se fassent pendant sous l’effet d’une visite buzzifère à Obama, moins lèche-bottes mais nettement plus léchée que ne le fut celle de Droopy à N°8, fignolée jusqu’à la moindre pièce de géomécanique. Dans un monde moins con, le chef chuchoté de l’opposition ne craindrait pas d’aider son adversaire à régler une situation critique aux conséquences insoupçonnables, partant que ce dernier ne pourrait plus aller se targuer d’en être venu tout seul à bout. Dans un monde moins con, le chef de l’État ne cracherait pas sur les efforts déployés par les deux côtés de son corps temporairement éternel et rassemblerait toutes les forces qui sont les siennes au secours d’une opposition démocratique. C’est devant ces affronts aux principes les plus élémentaires de l’humanisme que naquit jadis un front républicain auquel nous ne cessons de nous référer, nous qui savons que nous ne lui devons rien de moins que de surêtre. J’en appelle au sens du commun, que dis-je, au sens de la communauté des principales forces d’opposition mondiales. Je les invite à prendre leur part de responsabilité dans le conflit qui oppose au prochien notre prochain. Que l’opposition russe soit reçue à Paris, à Londres, à Washington. Que Rafsandjani nous dise ce qu’il pense de l’Armée syrienne libre! Nous y sommes. Copé s’est dit prêt à frapper dès l’instant qu’une coalition aurait pris forme, qui contiendrait plusieurs pays de la Ligue arabe. Je le prends au mot. Un fonceur n’attend pas pour démontrer de sa bravoure à l’échelle qu’il envisage d’escalader. Hollande ne pourra pas y aller sans la France. Hollande ne pourra pas ne pas y aller avec la France. Il ne pourra pas mépriser le concours du principal parti d’opposition d’une république dont il domine les armées. Je déclare, jusqu’à nouvel ordre, 2017 année obscène.