Le 12 juin dernier, dans l’enceinte du Sénat américain, Bernard-Henri Lévy a déclaré :

« La déportation d’enfants, la russification imposée à des âmes sans défense, l’effacement de l’Ukraine jusque dans sa progéniture – cela, je ne l’avais jamais vu ni imaginé. »

Il évoquait l’enlèvement illégal de 19 546 enfants ukrainiens de tous âges. La Russie est responsable de ces kidnappings, et leur nombre pourrait être encore plus élevé.

Ces mots ont impacté les spectateurs présents à la projection, en avant-première et sous l’égide du sénateur Chuck Grassley, de Notre guerre, le nouveau film de BHL. 

Ses livres et ses documentaires, nous le savons, ont témoigné de nombreuses atrocités. De la guerre de libération du Bangladesh dans les années 1970 aux massacres de Peuls au Nigeria, des atrocités au Darfour à l’enquête sur l’assassinat fascislamiste de Daniel Pearl, du génocide au Rwanda à la destruction de Mossoul, de Kaboul à Mogadiscio, de la guerre des tranchées en Bosnie à la guerre des drones en Ukraine… la liste est longue.

Et pourtant, ceux qui l’écoutaient ce soir-là ont bien perçu que l’enlèvement des enfants ukrainiens, ce crime contre l’humanité, lui était particulièrement insupportable. Un public qui a ensuite découvert, lors du visionnage de Notre guerre, le témoignage digne d’un film d’horreur de Vladyslav Rudenko – ce jeune ukrainien sauvé après avoir été arraché à sa famille par la soldatesque russe –, ainsi que les déclarations du président Zelensky sur la grave et délicate entreprise de rapatriement de ces enfants. 

La projection est intervenue à un moment crucial. Le samedi 20 avril, la Chambre des représentants venait d’approuver une nouvelle aide militaire et économique à l’Ukraine ; le Sénat devait ensuite se prononcer sur une résolution en ce sens. C’est dans ce contexte qu’il a été rappelé, au sein du même Congrès, qu’aucun accord de paix ne saurait être envisagé sans au préalable le retour des enfants ukrainiens enlevés. Menés par le sénateur républicain Grassley et unis autour de BHL, les législateurs du Congrès ont ouvert les yeux sur l’ampleur d’une atrocité trop peu dénoncée.

Cette étape de la tournée américaine de Notre guerre a été un moment de profonde solidarité avec l’Ukraine. Des cris de « Slava Ukraini » suivis en chœur de la réponse « Heroyam Slava » ont résonné au Sénat. Diplomates, Généraux du Pentagone, anciens responsables des administrations Trump et Biden, représentants d’ONGs, vétérans, activistes ukrainiens vêtus de vychyvanka et drapeaux à la main, tous étaient réunis pour écouter le message d’urgence du dernier volet du « quatuor ukrainien » de Lévy.

L’ambassadrice Oksana Markarova a ouvert la soirée en remerciant l’engagement unique et de longue date du philosophe-cinéaste envers le peuple ukrainien. Dans un échange avec Andrew Desiderio de Punchbowl News, Bernard-Henri Lévy a insisté sur la nécessité de renforcer sans tarder les sanctions contre la Russie. Il a également fait le récit de ce qu’il a pu voir, en première ligne, dans les bunkers où les drones sont pilotés. Les liens qu’il a noués avec les soldats et les Généraux ukrainiens, au fil de ses nombreux séjours sur le terrain depuis le début de la guerre, ainsi que les situations critiques affrontées ensemble, ont également ému l’auditoire.

Mais l’effet le plus marquant du film réside peut-être dans sa capacité, ce 12 juin, à créer une certaine unité politique. Le Sénat américain reste profondément divisé, avec des positions souvent inconciliables. Pourtant, la cause des enfants ukrainiens s’est imposée comme l’un des rares sujets capables de rassembler les parlementaires.
La cause ukrainienne est largement soutenue par l’opinion américaine, ce que perçoivent les élus. Des événements tels que la projection de Notre guerre renforcent cette sensibilité au sein du Sénat. 

Alors que l’échange entre le philosophe-cinéaste et le public touchait à sa fin, les téléphones ont commencé à vibrer et les alertes à affluer de CNN, Fox News et BBC : Israël venait de lancer une attaque sur les sites nucléaires iraniens. La salle a rapidement été saisie par des interrogations sur les conséquences possibles de cet événement majeur et sur une éventuelle intervention américaine.

J’ai échangé avec une militante ukrainienne de premier plan, responsable d’une organisation humanitaire à Washington. Elle s’est exclamée : « Slava Israël. Les drones qui frappent nos écoles, nos hôpitaux, qui tuent nos enfants, viennent de la République islamique d’Iran. Il était temps. Cette guerre est aussi notre guerre. »

Et c’est ainsi que le soutien indéfectible de Bernard-Henri Lévy à l’Ukraine, engagé dès 2014 et la Révolte de la Dignité jusqu’à aujourd’hui, est apparu comme une grille de lecture de la situation. La guerre menée par l’Ukraine est aussi la nôtre – tout comme celle qu’Israël entreprend aujourd’hui. Deux fronts, une seule guerre. Ce soir-là, à Washington, parmi ceux qui savent ce que la liberté exige, le film de Bernard-Henri Lévy a marqué les esprits. Tandis que les nouvelles du Moyen-Orient s’imposaient comme l’histoire en train de s’écrire, un sentiment dominait : celui d’un pas vers la victoire.

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