C’est un grand honneur pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui au nom de notre pays qui se bat pour la liberté tout en continuant à créer.
Cette année, j’ai traversé un petit village près de Kiyv, Dymer.
Le 25 février 2022 des combats ont eu lieu aux abords de ce village, des enfants ukrainiens ont connu l’expérience de se cacher dans des abris. Peut-être qu’un jour un petit garçon qui s’est réfugié dans ces abris changera le monde du cinéma, tout comme l’a déjà fait, autrefois, quelqu’un venant de ce même village. Car Dymer est le village natal d’un homme dont le nom est aujourd’hui connu dans le monde entier et ici : Louis Mayer, cofondateur de la Metro-Goldwyn-Mayer. Son parcours est une preuve que la terre ukrainienne donne naissance à des personnes de vision et de force.
En poursuivant sur cette route, dans la région de Kiyv, au milieu des ruines, j’ai aperçu un immeuble, ce fut le siège de Filmotechnic, l’entreprise fondée par l’ingénieur ukrainien Anatoliy Kokouch en 2006. Cette société a reçu deux Oscars pour des réalisations techniques, notamment pour le développement du système d’une grue stabilisatrice qui s’appelle « U-Crane » – tous les techniciens de cinéma ici présents la connaissent.
Lorsque nous parlons de cinéma, du cinéma ukrainien, nous ne parlons pas seulement d’écrans, de caméras, de festival ou de grues, nous parlons de mémoire d’un peuple qui documente sa lutte, sa douleur, sa beauté, son rêve.
Sergueï Paradjanov, Oleksandr Dovjenko, Kira Mouratova… Chacun d’eux n’a pas seulement créé des films. Ils ont bâti des espaces de liberté. Dovjenko a dit un jour : « Deux personnes regardent le sol, l’une voit une flaque d’eau, l’autre voit des étoiles. Tout est question de regard. » Là où les Ukrainiens voient des étoiles, les Russes aujourd’hui ne voient que des flaques.
Aujourd’hui notre peuple est grand dans sa résistance et notre cinéma est à la hauteur de cette grandeur. Nous espérons que notre nation deviendra une étoile qui inspirera les étoiles de demain et leur fera créer des chefs-d’œuvre de cinéma.
Aujourd’hui, je veux remercier tous les réalisateurs, acteurs, producteurs et scénaristes ukrainiens qui n’ont pas arrêté, qui continuent de montrer au monde non seulement notre tragédie mais aussi notre humanisme, notre force, notre humour et nos rêves.
Merci à ceux, Ukrainiens ou non, qui filment à Kiyv sous les sirènes d’alerte aérienne.
Merci à ceux qui documentent la vérité jusque depuis les tranchées.
Et merci à ceux qui font en sorte que le monde n’oublie pas que l’Ukraine n’est pas seulement une guerre. C’est une culture ? C’est un talent. C’est une voix qui sonne de plus en plus haut et fort.
Gloire au cinéma ukrainien, gloire à l’Ukraine, merci au Festival de Cannes.