Monsieur le Président,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mes chers Collègues,

L’Europe est à un tournant critique de son histoire. Le bouclier américain se dérobe, l’Ukraine risque d’être abandonnée, la Russie renforcée.

Washington est devenue la cour de Néron, un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique.

C’est un drame pour le monde libre, mais c’est d’abord un drame pour les États-Unis. Le message de Trump est que rien ne sert d’être son allié puisqu’il ne vous défendra pas, qu’il vous imposera plus de droits de douane qu’à ses ennemis et vous menacera de s’emparer de vos territoires tout en soutenant les dictatures qui vous envahissent.

Le roi du deal est en train de montrer ce qu’est l’art du deal à plat ventre. Il pense qu’il va intimider la Chine en se couchant devant Poutine, mais Xi Jinping, devant un tel naufrage, est sans doute en train d’accélérer les préparatifs de l’invasion de Taïwan.

Jamais dans l’histoire un président des États-Unis n’a capitulé devant l’ennemi. Jamais aucun n’a soutenu un agresseur contre un allié. Jamais aucun n’a piétiné la Constitution américaine, pris autant de décrets illégaux, révoqué les juges qui pourraient l’en empêcher, limogé d’un coup l’état-major militaire, affaibli tous les contre-pouvoirs et pris le contrôle des réseaux sociaux.

Ce n’est pas une dérive illibérale, c’est un début de confiscation de la démocratie. Rappelons-nous qu’il n’a fallu qu’un mois, trois semaines et deux jours pour mettre à bas la République de Weimar et sa Constitution.

J’ai confiance dans la solidité de la démocratie américaine et le pays proteste déjà. Mais en un mois, Trump a fait plus de mal à l’Amérique qu’en quatre ans de sa dernière présidence. Nous étions en guerre contre un dictateur, nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traître.

Il y a huit jours, au moment même où Trump passait la main dans le dos de Macron à la Maison-Blanche, les États-Unis votaient à l’ONU avec la Russie et la Corée du Nord contre les Européens réclamant le départ des troupes russes.

Deux jours plus tard, dans le bureau ovale, le planqué du service militaire donnait des leçons de morale et de stratégie au héros de guerre Zelensky avant de le congédier comme un palefrenier en lui ordonnant de se soumettre ou de se démettre.

Cette nuit, il a franchi un pas de plus dans l’infamie en stoppant la livraison d’armes pourtant promise. Que faire devant cette trahison ? La réponse est simple : faire face.

Et d’abord ne pas se tromper. La défaite de l’Ukraine serait la défaite de l’Europe. Les Pays-Baltes, la Géorgie, la Moldavie sont déjà sur la liste. Le but de Poutine est le retour à Yalta où fut cédée la moitié du continent à Staline.

Les pays du Sud attendent l’issue du conflit pour décider s’ils doivent continuer à respecter l’Europe ou s’ils sont désormais libres de la piétiner.

Ce que veut Poutine, c’est la fin de l’ordre mis en place par les États-Unis et leurs alliés il y a 80 ans, avec comme premier principe l’interdiction d’acquérir des territoires par la force.

Cette idée est à la source même de l’ONU, où aujourd’hui les Américains votent en faveur de l’agresseur et contre l’agressé, parce que la vision trumpienne coïncide avec celle de Poutine : un retour aux sphères d’influence, les grandes puissances dictant le sort des petits pays.

À moi le Groenland, le Panama et le Canada, à toi l’Ukraine, les Pays-Baltes et l’Europe de l’Est, à lui Taïwan et la mer de Chine.

On appelle cela, dans les soirées des oligarques du golfe de Mar-a-Lago, le « réalisme diplomatique ».

Nous sommes donc seuls. Mais le discours selon lequel on ne peut résister à Poutine est faux. Contrairement à la propagande du Kremlin, la Russie va mal. En trois ans, la soi-disant deuxième armée du monde n’a réussi à grappiller que des miettes d’un pays trois fois moins peuplé.

Les taux d’intérêt à 25 %, l’effondrement des réserves de devises et d’or, l’écroulement démographique montrent qu’elle est au bord du gouffre. Le coup de pouce américain à Poutine est la plus grande erreur stratégique jamais commise lors d’une guerre.

Le choc est violent, mais il a une vertu. Les Européens sortent du déni. Ils ont compris en un jour à Munich que la survie de l’Ukraine et l’avenir de l’Europe sont entre leurs mains et qu’ils ont trois impératifs.

Accélérer l’aide militaire à l’Ukraine pour compenser le lâchage américain, pour qu’elle tienne, et bien sûr pour imposer sa présence et celle de l’Europe dans toute négociation.

Cela coûtera cher. Il faudra en terminer avec le tabou de l’utilisation des avoirs russes gelés. Il faudra contourner les complices de Moscou à l’intérieur même de l’Europe par une coalition des seuls pays volontaires, avec bien sûr le Royaume-Uni.

En second lieu, exiger que tout accord soit accompagné du retour des enfants kidnappés, des prisonniers et de garanties de sécurité absolues. Après Budapest, la Géorgie et Minsk, nous savons ce que valent les accords avec Poutine. Ces garanties passent par une force militaire suffisante pour empêcher une nouvelle invasion.

Enfin, et c’est le plus urgent, parce que c’est ce qui prendra le plus de temps, il faudrait bâtir la défense européenne négligée, au profit du parapluie américain depuis 1945 et sabordée depuis la chute du mur de Berlin.

C’est une tâche herculéenne, mais c’est sur sa réussite ou son échec que seront jugés dans les livres d’Histoire les dirigeants de l’Europe démocratique d’aujourd’hui.

Friedrich Merz vient de déclarer que l’Europe a besoin de sa propre alliance militaire. C’est reconnaître que la France avait raison depuis des décennies en plaidant pour une autonomie stratégique.

Il reste à la construire. Il faudra investir massivement, renforcer le Fonds européen de défense hors des critères d’endettement de Maastricht, harmoniser les systèmes d’armes et de munitions, accélérer l’entrée dans l’Union de l’Ukraine, qui est aujourd’hui la première armée européenne, repenser la place et les conditions de la dissuasion nucléaire à partir des capacités françaises et britanniques, relancer les programmes de boucliers antimissiles et de satellites.

Le plan annoncé hier par Ursula von der Leyen est un très bon point de départ. Et il faudra beaucoup plus.

L’Europe ne redeviendra une puissance militaire qu’en redevenant une puissance industrielle. En un mot, il faudra appliquer le rapport Draghi. Pour de bon.

Mais le vrai réarmement de l’Europe, c’est son réarmement moral.

Nous devons convaincre l’opinion face à la lassitude et à la peur de la guerre, et surtout face aux comparses de Poutine, l’extrême droite et l’extrême gauche.

Ils ont encore plaidé hier à l’Assemblée nationale, Monsieur le Premier ministre, devant vous, contre l’unité européenne, contre la défense européenne.

Ils disent vouloir la paix. Ce que ni eux ni Trump ne disent, c’est que leur paix, c’est la capitulation, la paix de la défaite, le remplacement de de Gaulle Zelensky par un Pétain ukrainien à la botte de Poutine.

La paix des collabos qui ont refusé depuis trois ans toute aide aux Ukrainiens.

Est-ce la fin de l’Alliance Atlantique ? Le risque est grand. Mais depuis quelques jours, l’humiliation publique de Zelensky et toutes les décisions folles prises depuis un mois ont fini par faire réagir les Américains.

Les sondages sont en chute. Les élus républicains sont accueillis par des foules hostiles dans leurs circonscriptions. Même Fox News devient critique.

Les Trumpistes ne sont plus en majesté. Ils contrôlent l’exécutif, le Parlement, la Cour suprême et les réseaux sociaux.

Mais dans l’histoire américaine, les partisans de la liberté l’ont toujours emporté. Ils commencent à relever la tête.

Le sort de l’Ukraine se joue dans les tranchées, mais il dépend aussi de ceux qui, aux États-Unis, veulent défendre la démocratie, et ici de notre capacité à unir les Européens, à trouver les moyens de leur défense commune, et à refaire de l’Europe la puissance qu’elle fut un jour dans l’histoire et qu’elle hésite à redevenir.

Nos parents ont vaincu le fascisme et le communisme au prix de tous les sacrifices.

La tâche de notre génération est de vaincre les totalitarismes du XXIsiècle.

Vive l’Ukraine libre, vive l’Europe démocratique.

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