Pourquoi maintenant ? C’est la question qui peut être posée.
Les films ont des vies successives. Parfois, au gré des bruissements du monde – parlons ici de tonnerre –, ils s’imposent à nouveau.
Ainsi, faut-il revoir L’Ukraine au cœur de Bernard-Henri Lévy, co-réalisé avec Marc Roussel. Troisième long-métrage du duo sur la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine, ce film tourné au cours de l’été 2023 n’a rien perdu de son actualité.
Le cinéma tel qu’il est pensé par le philosophe est un cinéma de témoignage. Il y a ce mouvement initial (aller voir), et ce mouvement de retour (dire et montrer ce que l’on a vu). On pourrait se dire : l’alerte vaut tant que son sujet est à l’ordre du jour, et puis il devient archive, mémoire. Or les images de L’Ukraine au cœur n’ont rien de froid, rien de dépassé. La trilogie ukrainienne réalisée par l’écrivain-cinéaste, et à plus forte raison son dernier opus diffusé le 1er juin 2024 sur la chaîne Public Sénat à 21h, ne périme pas, parce que nous n’en avons pas terminé avec cette guerre – je dis « nous » parce que c’est aussi la nôtre.
Donc, pourquoi maintenant ?
Je pense à ce village réduit à l’état de ruines, Robotyné. De Robotyné, on n’en parle pas assez. Pourtant, c’est un symbole de ce qui se passe là-bas, à l’Est. En août 2023, tandis que Bernard-Henri Lévy filme « Kherson sous les eaux et Bakhmut sous les bombes, […] les premières images de la cathédrale d’Odessa dévastée par un missile, […] les villes fantôme de Chassiv Yar ou de Koupiansk », les braves soldats ukrainiens avaient conquis cette parcelle de leur terre. C’était l’une des victoires de cet été-là. Aujourd’hui, à l’heure où je commence d’écrire ces lignes, le Ministre de la Défense russe vient d’annoncer, bombant le torse, que ses troupes « ont entièrement libéré le village de Robotyné dans la région de Zaporijjia ». Il faudrait interroger le renversement lexical qui dit le renversement des valeurs : l’armée russe libératrice ? Quel défaut de vérité, quelle malhonnêteté que celle de l’agresseur, de l’oppresseur, qui se présente en sauveur. C’est pour cela qu’il faut revoir le documentaire de BHL : explorant la vérité du champ de bataille, il montre et explique pourquoi l’Ukraine ne peut pas, ne doit pas perdre. On comprend alors, si Robotyné est un échec aujourd’hui, qu’il faudra demain que la victoire ukrainienne advienne. Lévy illustre tant le courage des soldats et des civils, que leurs difficultés pour se battre, il montre l’aide européenne, américaine, qui n’arrive pas, ou pas assez.
À l’heure où les Russes lancent une nouvelle offensive dans la région de Kharkiv, entendre ou réentendre un tel discours est nécessaire. L’Ukraine au cœur place ce conflit au centre de nos préoccupations : c’est qu’il est un enjeu pour nous aussi.
Et à la veille des élections européennes, BHL nous rappelle que le sort de l’Europe se joue aussi (surtout ?) dans le Donbass, sur les fronts de Kharkiv et de Kherson.
La diffusion de « L’Ukraine au cœur » sera suivie d’un entretien avec Bernard-Henri Lévy dans « Un monde en doc » ce samedi 1e juin à 21h, sur Public Sénat.
Depuis longtemps je trouve, comme beaucoup ici à « La Règle du Jeu », que nous sommes beaucoup trop timorés face à cette menace poutinienne. Il est temps, comme le disait un personnage du film « Dr Folamour », d’entamer enfin le corps à corps nucléaire et d’en finir avec cette menace récurrente venue de l’Est !