Connaissez-vous David Levinthal ?
Photographe, et artiste, majeur de la scène new-yorkaise.
Présent, avec ses images (souvent des Polaroid) de poupées Barbie, de motels, de highways, de joueurs de base-ball ou de hockey, de cow-boys au lasso, d’American beauties ou de scènes du Wild West, au Centre Pompidou et au Whitney, au Met et au MoMA.
Et auteur, là, bientôt, d’un livre de photos sur la guerre du Vietnam qui sortira chez Kehrer Verlag et dont le literary editor de Tablet, mon ami David Samuels, me transmet les épreuves.
J’ai mis, en vérité, un peu de temps à comprendre.
Un soldat courbé en deux, courant, la main retenant son casque, le fusil qui pointe vers le sol…
Un deuxième, l’arme braquée, un ciel rouge derrière lui, comme un enfer qu’il aurait fui – mais pour aller vers quoi ?
Cette colonne d’hommes, intrépides et apeurés, marchant, car ils n’ont pas le choix, le corps au plus près du char, comme s’il pouvait les protéger…
Ces autres, fiévreux – oui, l’image est fixe, mais on les devine grelottant d’une mauvaise fièvre, épuisés : dans quelques heures ils tituberont et ils ne sauront pas eux-mêmes si c’est de peur, de honte ou de fatigue…
J’ai mis un peu de temps, oui.
D’abord parce que j’ai vu, dans ma vie, des scènes en tout point semblables à celles-ci : en Ukraine, bien sûr, avec les unités spéciales engagées sur les fronts de Bakhmout, Kherson ou Zaporijia ; à Mossoul, à la fin du règne de Daech, quand je fus embarqué dans des bataillons kurdes, puis irakiens, qui allaient libérer le tombeau de Jonas ; en Libye, sur les fronts d’Ajdabiya ou de Misrata, où l’on n’avait parfois le choix qu’entre la lumière aveuglante du soleil et celle de la mort, embusquée de l’autre côté de la dune, et qui n’attendait, pour frapper, que d’être regardée en face ; ailleurs encore, souvent ailleurs – j’ai fait, dans ma vie, sur à peu près tous les continents, tant de reportages ! je connais si bien le tumulte de cette mort au travail qui se referme sur les hommes comme l’eau noire derrière la barque ! je reconnais la chose, en principe, au premier coup d’œil et, là, donc, je l’ai reconnue…
Et puis j’ai fait mon calcul mental : David Levinthal, né à New York en 1949 ; à un an près, mon âge et l’âge que j’avais lorsque, comme toutes les âmes bien nées, c’est-à-dire nées à l’Histoire et à son Tragique, je défilais, dans les rues du Quartier latin, contre le napalm, l’agent orange qui défoliait les forêts de Hoang Lien ou Ba Vi, les millions de tonnes de bombes de l’opération Rolling Thunder, bref, contre l’absurde, démente, criminelle, guerre du Vietnam ; et Levinthal pouvait très bien avoir été jeune, très jeune grand reporter quand j’étais encore étudiant – il aurait pu couvrir l’offensive du Têt tandis que je scandais, avec les maoïstes parisiens : « il faut créer, non plus un, mais deux, trois, plusieurs Vietnam pour en finir avec l’impérialisme, le malheur, l’oppression… »
Et puis j’ai évidemment compris.
La main, et l’œil, ne tremblent pas assez.
Je n’entends pas, dans ces images, le bourdonnement d’abeilles noires que fait la vraie guerre.
Et Levinthal, ici, n’est pas le petit camarade de Sean Flynn, Tim Page, Gilles Caron ou Larry Burrows ; il n’a pas croisé Marie-Laure de Decker dans les rizières rouges du phosphore déversé par les bombardiers du général Westmoreland ; il n’est ni de la compagnie héroïque qui a soufflé à Michael Herr son mythique Putain de mort, ni des têtes brûlées légendaires qui ont, avant ou après avoir perdu la raison, inspiré Coppola et Kubrick.
C’est un artiste.
Un « habile faussaire » comme disait Gore Vidal de Norman Mailer.
Il est le contemporain de Cindy Sherman et de ses photogrammes tirés de films imaginaires ; de Barbara Kruger et de ses publicités inventées ; de Richard Prince et de ses photos de photos ; de Francesco Vezzoli qui nous avait fait jouer, avec Sharon Stone, dans le faux clip d’une fausse campagne présidentielle américaine où elle incarnait une sorte de George W. Bush et moi une doublure de John Kerry.
Et ces soldats apeurés, ces nuages de fumée hauts comme un horizon, ces terres incendiées comme dans un tableau de Hieronymus Bosch, tout cela est de la mise en scène ; de la pose hyperréaliste ; ce sont des champs de bataille en miniature créés sur un coin de table de son atelier de Manhattan ; et ces soldats qui m’avaient paru, au premier regard, si vivants sont comme les figurines morbides posées par les frères Chapman sur les scènes d’apocalypse, saturées de cruauté, de leur Fucking Hell.
Que veut dire, alors, Levinthal ?
Que tout cela n’est qu’un jeu ? Un événement gelé ? Les traces d’une mémoire morte, neutralisée, muséifiée ? Et qu’au même titre que les poupées Barbie ou les motels, cette guerre fait juste partie de la mythologie américaine et de ses semblants ?
Ou bien que la guerre du Vietnam était l’enfer sur terre et que cet enfer est encore là, se rouvrant, comme une bouche d’ombre, à Avdiivka, au Proche-Orient, ailleurs, on n’en finit jamais, néant vaste et noir d’un sang qui ne se fige pas, interminable vertige ?
La réponse, ce matin, à ce point de nos vies, dans le vacarme des combats qui grondent à toutes les portes, ne fait, hélas, pas de doute.
OUI! Que dire de la guerre qui est rarement « une miniature »? Peut-être l’artiste tente d’en atténuer les émotions qui l’affectent? Qui pourrait répondre? L’artiste lui-même ? Celui ou celle qui s’interroge devant cette production ? Le commentateur qui ne sait pas résister à son envie de commenter ? En effet: Comment taire ? Qui a laissé trainer dette manière de sentence: « Si tu n’as rien à dire pourquoi ne pas se taire? » Bon! Je clos là.
Une réalité qui n’est pas réalité et moins encore une habile falsification mais « l’idée que [des jouets] ces objets apparemment inoffensifs puissent acquérir un tel pouvoir et une telle personnalité simplement par la façon dont ils sont photographiés ».
En sélectionnant soigneusement la profondeur de champ, nous dit David Levinthal, et en la réduisant, on peut créer cette impression du mouvement, d’une réalité qui n’est pas la réalité.
Des images des guerre en noir et blanc, de prises de vue de front, avec des contours flous, dont surgit la mort, donnent une forte tension visuelle, la sensation d’une impressionnante réalité qui se profile devant nous.
Levinthal parvient par cette série d’images, dont nous voyons ici une reproduction, à immortaliser la guerre et sa tragédie et raconter avec l’aide de simples soldats en plastique les moments les plus terrifiants que l’humanité est capable de produire.
Des images certes « artificielles » mais crées avec un talent artistique dont le but est de faire passer une réalité par son effrayante signification.
Chaque objet, c’est le message de Levinthal, peut changer d’essence, modifier la fonction pour laquelle il a été construit, en fonction du contexte dans lequel il est inséré et de la manière dont il est photographié.
C’est à bien y voir la définition de l’art même.
Bigre ! la perspective d’une solution à deux États s’éloigne avec l’annonce d’une occupation à durée indéterminée de Gaza par Tsahal après la guerre. À qui la faute ? qui d’Israël ou de l’Oumma rejette toute alternative à un processus de paix qui n’aurait pas pour conséquence inéluctable l’avènement programmé d’un État islamique d’Israël au côté de l’État, colonisé a priori par le farceur décolonial, de Palestine ?
Alliés naturels d’un entremêlement de colonies de peuplement qui allaient s’attarder à l’endroit même où les Benéi Israël reconquéraient leur indépendance et restauraient la seule souveraineté qui fût jamais en des lieux ô combien emblématiques pour toute civilisation issue de l’universalisme abrahamique, les plus ou moins proches voisins du peuple dont Yehoshou’a avait parachevé la libération amorcée par Moshè, ne conçoivent pas d’autre horizon au conflit éternel qui les opposent au peuple de l’Éternel que son évacuation de sa propre Maison. La stratégie du coucou ne profitera pas à l’Ininvincible Armada. Elle rapportera un démenti cuisant à ses oiseaux de mauvaise augure, parasites d’un ordre international en phase de réajustement.
Israël n’a jamais colonisé Gaza. Il n’a d’ailleurs jamais rétrocédé Gaza à qui que ce fût ; il eût fallu pour cela qu’il restituât cette bande d’allumage à ceux qui s’y étaient arrogé, entre 1948 et 1967, un exercice de la souveraineté infesté de frérisme. Ce mauvais scénario finit à la poubelle bien avant 2005 et ce n’est pas l’assassinat de Sadate qui allait arranger son affairisme. Par conséquent, Israël n’a jamais rendu Gaza à l’Égypte, mais bien plutôt cédé une partie de son territoire souverain aux ex-colons nomades qui s’attardaient en cette province d’empire sur laquelle s’étaient succédé une longue série de mégalos avides d’inscrire leur nom dans le marbre massif et scintillant des guerres de Religion.
La contestation de l’État d’Israël est une négation de l’existence des Juifs en tant que tels. Cette posture hideuse contrevient gravement et cruellement au droit international. Hélas pour Nous, elle se répand. Le 7 octobre, les commanditaires du Hamas ont décidé d’un Grand Tournant dans l’histoire du conflit des conflits. Face au changement de paradigme, l’exécutif d’urgence d’Israël est fondé à n’avoir confiance qu’en Jérusalem pour assurer la sécurité de l’État des Juifs.
Le bureau politique du Hamas bénéficie de la protection complice et non moins stratégique d’un méta-empire sunno-chî’ite dont il n’est que l’émanation. Le pantin manipulateur du Reich islamique d’Iran poutinise son discours en évoquant une guerre totale qu’il feint de ne point redouter, alors même que celle-ci n’aurait d’autre débouché que sa déroute expéditive.
Les ONG humanitaires tentent de dissimuler en kit les arsenaux du prochain pogrom à l’intérieur des fûts alimentaires dont les Israéliens, sous le regard moraliniste des Nations, éprouvent quelque réticence à accepter de bonne grâce l’acheminement machiavélique. Ils nous somment de nous ressaisir.
Quel programme politique pour cette période d’occupation d’un territoire que préoccupe la Djihadeuse décoloniale ? La déradicalisation, peut-être… quelque chose qui ressemblerait à un grand chantier civilisationnel de dénazification, requérant le concours d’une authentique résistance arabo-musulmane capable de proposer une alternative solide à cette idéologie immonde qui seule semble parvenir à fédérer les foules auxquelles on a réduit la nation, l’État, la citoyenneté, la possibilité même de faire société partout où l’islam des temps modernes choisit de réindustrialiser le rouleau compresseur médiéviste. Ce qui a toujours fait défaut au processus de paix. Non pas l’islam des Lumières, mais le musulman des Lumières. Un musulman qui se montrerait enfin apte à remettre Dieu à Sa place, à prendre l’Autre en considération et, en premier lieu, à reconnaître l’ampleur de la dette spirituelle et temporelle qu’ont contractée les fossoyeurs de son irréductible singularité envers le terrible cortège des martyrs qui avaient eu le malheur de faire obstacle à leur lugubre volonté de puissance.