Les containers sont sagement alignés dans cette base militaire du centre d’Israël. Ils sont réfrigérés. Le doux ronronnement des blocs électrogènes rythme les paroles du colonel qui nous reçoit. Nous sommes sur la base de Choura. Une porte s’ouvre, une deuxième, puis une autre. Les fumées de la réfrigération se dissipent doucement par un chaud matin d’automne, en ce lundi 23 octobre. Nous découvrons des brancards, des racks où s’empilent dans des sacs, des corps, des dizaines de corps. Un deuxième container plein, lui aussi. Plus loin, dans un autre, posés au sol et emballés, des têtes décapitées, des membres arrachés. Nous sommes face aux restes humains de plus de cent cinquante victimes des massacres du 7 octobre commis par le Hamas palestinien sur la terre d’Israël. 

Ces corps, ou ce qu’il en reste, ont maintenant 16 jours, 16 longs jours, où ils n’ont pu malgré le travail inhumain des médecins, dentistes, rabbins, avocats être encore identifiés. Les chairs sont brulées, les corps carbonisés. Le lieutenant-colonel Weinberg, un rabbin militaire, nous explique qu’en vingt ans d’armée et de combats, il n’a jamais assisté à un tel déferlement de violence et de cruauté. Deux enfants enlacés et brûlés, une mère enceinte éventrée, le bébé sorti vivant puis tué au couteau comme sa mère, des enfants et des bébés décapités. Les identifications par l’ADN sont rendues impossibles quand toute la famille a été assassinée. Les empreintes dentaires sont difficiles d’accès dans un sud en guerre. Des jeunes femmes officiers de Tsahal sont là pour accompagner les familles, les prévenir, organiser les identifications. Je retrouve Thelma, une ancienne étudiante de Sciences-Po âgée de vingt-six ans. 

Face à ces plus de cent-cinquante corps de Juifs inconnus martyrisés, nous, les dirigeants des principales associations juives françaises, venus pour un voyage de solidarité en Israël à l’initiative du Président du Crif, Yonathan Arfi, faisons silence puis dans un murmure qui s’élève prononçons un kaddish pour nos frères et sœurs, filles et fils d’Israël sur la Terre d’Israël, assassinés par des barbares d’un autre temps. Ces barbares de tous les temps, ces propagateurs de la haine mortifère et criminelle des Juifs.

Nous nous éloignons, l’odeur tenace de la mort nous accompagne, le car blindé descend lentement vers le sud. Notre guide Motti, rompt le silence qui nous étreint, il nous demande, pour s’entrainer, d’enfiler nos gilets et casques, nous descendons vers la frontière avec Gaza. Un panneau « kibboutz Nahal Oz » est aperçu – un de ces kibboutz martyr du sud. Notre car bifurque, nous longeons de pauvres palissades grillagées avec quelques barbelés, protection dérisoire contre un assaut armé, nous nous arrêtons, kibboutz de Kfar Aza. 

Le colonel Golan, yeux bleus enfoncés et fatigués, nous reçoit en tenue de combat, arme à l’épaule, avec quelques uns de ses officiers. Il nous parle à l’ombre d’un arbre sur une pelouse manucurée au milieu des fleurs. À notre gauche une jeep des assaillants criblée de balles, au sol un moteur d’ULM calciné. Mon regard se porte vers ces petites maisons blanches de ces kibboutz pacifiques et fraternels. Ces fermes emblématiques d’une utopie collectiviste qui a réussi. Elles sont noires de suie. Là des éclats de balles, des portes enfoncées ou dynamitées, des fenêtres arrachées. Au sol des vêtements de tous âges piétinés.

Le colonel Golan raconte. Le samedi 7 octobre à 7 heures du matin près de 150 terroristes du Hamas lourdement armés de kalachnikovs, de lance-roquettes, de pains de plastique, de grenades, parcourent les 800 mètres que séparent Gaza de ce Kibboutz, né en 1942, de 700 âmes pacifistes et de gauche. Ils sont entrés simultanément par les trois barrières de sécurité qu’ils ont fait sauter. Ofir, le responsable du Kibboutz, celui dont le rêve était un jour de bâtir une zone industrielle israélo-palestinienne, fut le premier à défendre sa communauté. Il fut immédiatement tué. Peu de temps après, son fils tombe en protégeant les siens. Les hommes défendent leurs maisons, leurs foyers. Ils verrouillent leurs familles dans ces pièces abris, parfois illusoires face à des grenades et des armes automatiques. Le combat inégal est acharné, ils meurent un à un. Puis les tueurs du Hamas entrent dans plus de cent maisons. 

Devant nous se dresse celle de la famille Kutz, un couple et trois adolescents. Une partie du mur extérieur est déchiqueté par un tir de roquette, des traces de balles. Les cinq membres de la famille Kutz ont été assassinés, froidement dans le doux confort de leur petite maison où ils avaient construit ensemble un cerf-volant de la paix. Cerf-volant qui ce jour-là devait voler au-dessus de Gaza. Cerf-volant rivé au sol pour l’éternité. 

Plus loin une maison brûlée en partie, une pièce calcinée, quelques traces de sang. Un terroriste ici a violé la mère puis la fille, les a menottées et ensuite égorgées. Quand Noam arrive avec son unité trente minutes après le début des massacres, il doit avec ses hommes pénétrer dans chaque maison où les terroristes se sont barricadés au milieu du sang de leurs victimes. Dans celle-ci, Noam, est touché à la jambe puis au ventre, il réussit à sortir sous les tirs nourris du tueur, ses hommes arrivent, liquident le violeur-égorgeur du Hamas. Trop tard, une mère et sa fille gisent égorgées dans leur sang.

Des explosions, un bruit sourd au loin. « Ne vous inquiétez pas c’est notre artillerie. Cependant si vous entendez comme un sifflement, c’est un missile du Hamas et vous avez 5 secondes pour plonger, vous allonger et protéger votre tête et corps. » nous dit imperturbable le colonel Golan qui enfile son casque équipé d’un tissu de camouflage.

Nous avançons dans la rue principale de ce qui fut un paisible village agricole. Le sol est jonché d’éclats de bois brûlés, des douilles de balles jonchent le sol par centaines, des fusils Galils comme des Kalachnikovs. 

Dans cette autre maison, un jeune couple de vingt ans, Netta et Irene, sont dans leur salon. Ils n’avaient pas entendu l’alerte. Des coups sont frappés. Une grenade dégoupillée atterrit dans la pièce où ils dégustent leur café du matin. Netta n’hésite pas, il plonge, son corps couvre la grenade. Irene le voit se faire déchiqueter pour la sauver. Un soldat arrive, entend l’explosion, casse la fenêtre et extrait Irene au moment où le terroriste surgit dans le simple logement de ce jeune couple. Nous y sommes entrés. Des douilles au sol, des murs brûlés et criblés de balles, au sol, le sang de Netta, vingt-un an, le sang de celui qui s’est sacrifié pour la jeune femme qu’il aime. 

Plus de 100 maisons du Kibboutz ont été reprises une à une durant des combats qui ont duré vingt-cinq heures. Plus de cent terroristes ont péri, de nombreux soldats israéliens qui ont accouru dès les premières attaques aussi. Dans tout le sud, aux premières heures du 7 octobre, des centaines de jeunes ont sauvé des milliers de vie. Le colonel Golan tient une poêle à la main. Étrange. Il nous montre au dos l’estampille de Gaza. Les terroristes avaient emporté leurs poêles, car ils avaient comme objectif de rester longtemps avec des otages.

Un jeune lieutenant-colonel, Ethan Dana Picard, barbe de quelques jours, yeux sombres, visage émacié et creusé sous son casque, prend la parole en français. Il nous montre sur une carte du sud l’organisation méthodique des attaques. Chaque Kibboutz, chaque village ou ville attaqués est cerclé de rouge. Des dizaines de points tachent cette carte de ce sud martyr. Je lui demande d’où vient son excellent français, il est né à Nice et venu en Israël à l’âge de trois ans. Militaire de carrière, il se bat pour son pays depuis 21 ans et n’a jamais vu une telle barbarie. Le jour de l’attaque, comme beaucoup de ces braves de cette nation en arme, à la première alerte, il a foncé sur Sdérot où il a rassemblé ses hommes pour défendre un rond-point. Plus de 40 tueurs ont essayé de passer, dix furent tués. Ethan a déploré la mort de certains de ses hommes, héros qui ont protégé une ville entière.

Le colonel Golan reprend la parole, avec son unité de « Search and Rescue » ils furent les premiers à arriver sur les lieux du festival de musique Tribe of Nova. Ils ont dû porter plus de 300 corps de jeunes assassinés et brûlés à l’aube dans ce désert du Negev. Porter 300 corps assassinés de jeunes israéliens qui dansaient.

Nous nous séparons, l’artillerie tonne près de nous, à 800 mètres on voit les immeubles de Gaza. Les militaires et kibboutzniks qui nous accompagnent nous demandent de revenir quand Kfar Aza sera reconstruit et que les cris des enfants sur les balançoires retentiront à nouveau. Nous reviendrons, nous serons là à leurs côtés. Sur 700 habitants à la veille du 7 octobre, 70 ont été assassinés, 13 ont disparu, 7 ont été enlevés.

Nous remontons vers le nord, soudain une sirène d’alerte de missile, nous enfilons gilets et casques, le bus s’immobilise, position de sécurité. Un court instant pour nous, mais 16 ans d’alertes quotidiennes pour ce million d’Israéliens du sud vivant constamment sous les attaques de roquettes et de missiles tirés par la dictature mortifère du Hamas à Gaza. Un quotidien de menace trouvant son paroxysme dans cette chevauchée meurtrière de près de 3.000 assassins assoiffés de sang juif, de viol de toutes les femmes quel que soit leur âge, des petites-filles aux grands-mères. Ces cavaliers de l’enfer.

Une salle officielle à Jérusalem, trop officielle, au ministère des affaires étrangères ornée du drapeau israélien, d’un chandelier et de quelques photos. Des femmes en deuil nous accueillent, un père, un frère. Ce sont trois familles franco-israéliennes dont les leurs ont été assassinés et/ou enlevés dans Gaza. Adar Dan-Jaoui n’a plus de nouvelles de son fils Erez, douze ans, de sa fille si belle, Saar, seize ans, et de leur père Ofer Calderon, 53 ans. Ils sont tous trois captifs la terreur islamique. Sa mère Carmelia Dan, 80 ans, et sa nièce Noya, jeune autiste de douze ans, enlevées elles aussi viennent d’être retrouvées assassinées. Le cri d’une mère dont on a volé le bien le plus précieux, dont on a arraché la vie. Ce cri déchire la salle. Elle lit ses notes, pour ne pas craquer, surtout ne pas craquer et mobiliser ce qui lui reste de force pour nous appeler à l’aide, nous dirigeants des institutions juives françaises, pour que nous l’aidions à ramener ses enfants vivants. « Vos enfants sont nos enfants » exprimera en notre nom à toutes et tous, Yonathan Arfi président du Crif. 

Un homme à la voix blanche nous parle de son fils Ron, soldat de 19 ans, affecté à la frontière, à l’approvisionnement de la population de Gaza. Il nous raconte la dernière vidéo de Ron quand le fortin tombe aux mains des terroristes « Je vous aime » crie-t-il à ses parents. Daniel Toledano évoque son frère Ellia âgé de 27 ans, parti faire la fête au festival de musique. Puis du 7 au 18 octobre aucune nouvelle, 11 jours de silence pour lui et ses parents dévastés. Le 18 ils apprennent qu’il a été enlevé mais sans preuve de vie. « Que la France n’oublie pas les siens enlevés par des barbares ». 

« Vos enfants sont nos enfants », les filles et les fils d’Israël enlevés, sont les filles et les fils de l’Humanité tout entière. 

Nous revenons d’Israël porteurs de ce message, pour témoigner des Larmes et des Braves marchant à nos côtés dans la vallée d’Israël.

15 Commentaires

  1. Al Elizabeto Borne kaj la profesoroj de
    lingvo :

    « LERNU KAJ INSTRUU ESPERANTON »

  2. « LA EDUKADO ESTAS LA PLEJ BONA ILO,
    KIUN ONI POVAS UZI POR ŜANĜI LA
    MONDON » .

    NELSON MANDELA

  3. Il n’y a pas de race il n’y a que des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux..

  4. Notre nation c’est la planète Terre :
    la France, l’Allemagne, l’Espagne,
    Israël et Palestine
    sont des régions
    avec leurs langues régionales…

  5. C’est la langue du futur de l’humanité !
    Tous les pays doivent l’apprendre à leurs
    élèves
    Apprendre d’autres langues c’est une perte de temps et d’argent

  6. N’oubliez pas : « Izraelio kaj Palestinio » = Israël et Palestine…

  7. Les religions c’est un vieux truc qui fout la merde entre les hommes.
    Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de « Dieu »..

  8. Je ne peux que vous conseiller, monsieur BHL, l’ouvrage
    « Cours nouveau » que vous pouvez vous procurer au siège d’Espéranto-France :
    4 bis rue de la Cerisaie Paris 4ème
    Vous trouverez des dictionnaires (PIV notamment ),
    des grammaires romans etc…

  9. C’est Mahmoud Abbas le président de l’autorité Palestinienne pas le Hamas c’est des jeunes fous…

  10. Le Hamas a compris son problème maintenant et Israël sur sa relation avec la Palestine j’espère aussi…!

    Pour qu’il y ait la paix il faut changer le nom du pays Israël en Israël et Palestine et égalité entre tous avec l’espéranto comme langue commune (« la esperanto »
    l’espérant qu’on peut aussi appeler
    l' »humain »
    Mi parolas la esperantoN je parle
    l’espéranto (avec le n à la fin qui indique le COD)..