Il y a des événements comme cela.

Ils arrivent à pas de loup.

Nietzsche disait sur des pattes de colombe.

On ne les entend pas venir et il faut une troisième oreille pour distinguer, derrière la « voix de fin silence », l’écho de la déflagration.

Ce fut ce jour, par exemple, au IVe siècle avant Jésus-Christ, où le bataillon sacré de Thèbes tailla en pièces, à Leuctres, en Béotie, les 400 « égaux » spartiates et, sans que nul s’en avisât, sonna le glas de l’hégémonie lacédémonienne.

Ou la bataille de Chéronée, trente ans plus tard, qui marqua le commencement du reflux de la puissance athénienne.

Ou la minuscule bataille de Pydna, aux confins de la Thessalonique, qui précipita l’écroulement du rêve d’Alexandre et fut la première vraie victoire de l’Empire romain en gestation.

Ou encore la bataille d’Andrinople, qui n’était, au départ, qu’une opération de police menée par une légion venue remettre au pas des bandes de prédateurs ostrogoths et dont nul ne vit non plus, sur l’instant, que c’était l’acte I de la chute de Rome.

Ce mécanisme, je l’ai décrit, en 2016, dans L’Empire et les cinq rois.

C’est lui qui fut à l’œuvre dans l’obscure mais décisive bataille de Kirkouk qui vit l’abandon, par Donald Trump, en Irak, des alliés kurdes de l’Amérique.

Et c’est le même scénario qui se déroule, sous nos yeux, avec son successeur, Joe Biden, lâchant en rase campagne cet autre pays ami qu’était l’Afghanistan.

Pourquoi ?

Parce qu’une grande puissance a des devoirs envers ses alliés.

Parce que, si loin que semblent l’Afghanistan et sa guerre, dévastatrice est l’image de ces cohues de femmes, enfants et hommes tentant de s’accrocher aux ailes des avions américains quittant Kaboul.

Parce que la forfaiture est plus terrible encore que celle de 1975, à Saigon, qui passe pour une date noire dans l’histoire du déclin américain mais où Lyndon Johnson eut au moins le mérite de partir non pas avant, mais après qu’il eut organisé, en bon ordre, le départ de 135.000 civils vietnamiens ayant loyalement servi l’Amérique.

Parce qu’il y a eu, ce dimanche, à Washington, le honteux spectacle du commandant en chef de ce qui fut la première puissance mondiale daignant rentrer de vacances pour égrener, à la télévision, tel un comptable du désastre, les brillantes performances de son opération d’évacuation bâclée et lamentable.

Parce que c’est une onde de choc qui est partie de là pour, de Taïwan aux pays Baltes en passant par le monde arabe, balayer la confiance que l’on avait en la solidité, la fiabilité, l’honneur de la parole donnée par les États-Unis.

Et parce qu’il y a cinq autres puissances qui ont sauté sur l’occasion et entreprennent d’occuper le vide laissé par cette débâcle. C’est la Turquie dont le président préconisait, samedi, lors d’un entretien téléphonique avec Poutine, d’adopter une approche « progressive » à l’égard des talibans.

C’est Poutine qui, dans une conférence de presse avec Angela Merkel où il se paie le luxe d’administrer une leçon de gouvernance aux Américains « irresponsables », salue les « signaux positifs » envoyés par les talibans ainsi que leur comportement « civilisé ».

C’est la volte-face de l’Iran qui, en dépit de son différend ancien avec les peuples sunnites, a vu son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Djavad Zarif, saluer, dès juillet, en présence du leader taliban Shir Mohammad Abbas Stanikzai, la « défaite » du « Grand Satan ».

Ce sont les Chinois dont le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, a rencontré, le 28 juillet, le mollah Abdul Ghani Baradar, homme fort des talibans et, désormais, numéro deux du régime. Et c’est, naturellement, l’internationale islamiste qui, derrière le Qatar et les Frères musulmans, sait qu’elle dispose désormais, mieux encore qu’à Mossoul ou Raqqa, d’un État islamiste de plein droit d’où elle pourra préparer l’assaut idéologique et, ce qu’à Dieu ne plaise, terroriste contre les démocraties honnies.

L’Histoire, bien sûr, n’est pas écrite.

Les hommes, qui font l’Histoire, ne sont jamais à l’abri d’un moment de grandeur qui, soudain, déjouerait le mauvais destin.

Et je pense, en particulier, au Panchir où un autre Massoud, démentant la phrase de Marx sur l’Histoire qui ne se répète qu’en comédie, reprend, en ce moment même, le flambeau de son père, ce héros assassiné à la veille du 11 Septembre : que l’Occident vienne à son secours, que la France par exemple écoute son appel à l’aide et entende que c’est là, dans cette vallée de l’espoir et de la liberté, que passe la ligne de front entre les cinq puissances révisionnistes et ceux qui continuent de vouloir leur résister – et peut-être l’issue sera-t-elle autre.

Mais, pour l’heure, nous en sommes là.

C’est l’image des démocraties libérales qui, à travers la plus grande d’entre elles, semble partout ternie.

C’est un nouvel ordre des choses qui, par touches, dans une région dont nul n’ignore qu’elle fut le lieu du plus « Grand Jeu », se dessine sous nos yeux.

Et c’est, dans le fracas des rotors et le brouhaha des appels à l’aide, comme un paradigme qui se reproduit avec redistribution des rôles, des influences et des discrédits.

Si cela se vérifiait et si la carte des puissances, des influences et des alliances venait à se figer ainsi, alors Kaboul serait notre Pydna ou notre Chéronée : aujourd’hui notre tourment ; bientôt notre remords ; et, très vite, notre tombeau.

15 Commentaires

  1. En 1975, Lyndon Johnson n’était plus président des Etats-Unis. Il est d’ailleurs mort en 1973. Le président, c’était Gerald Ford. C’est lui qui était en place à la chute de Saïgon.
    A part ça, d’accord avec l’article. Biden, c’est Chamberlain brandissant triomphalement l’accord de Munich à son retour à Londres.
    Il y a quelque chose d’insupportable dans le discours de Biden sur le thème : « Nous sommes les meilleurs du monde, les plus forts, les plus … du monde ». Une telle arrogance, une telle suffisance pour quelque chose d’aussi pitoyable!

  2. Ce que Trump avait signé à Doha (et que Biden a mis à la poubelle) :
    – L’accord de Doha ne concédait pas le pouvoir aux Talibans mais les contraignaient au partage du pouvoir.
    – L’accord de Doha stipulait un retrait conditionnel (si les Talibans respectaient leur part).
    – L’accord de Doha n’abordait pas le plan de retrait parce que les Américains se réservaient le droit exclusif de juger quand et comment se retirer.

    LE PLAN DE TRUMP était d’évacuer d’abord les civils américains, puis les civils afghans trop liés aux Américains, puis détruire le matériel militaire trop cher à transporter puis retirer le gros des troupes tout en gardant sur places les forces spéciales (avec 900 hommes) et la base de Bagram. L’Amérique devait aussi continuer à accorder une aide économique et militaire pour que l’armée afghane ne s’effondre pas.

    Biden a foutu tout le plan de Trump à la poubelle, il n’a rien exigé des Talibans conformément à l’accord de Doha et s’est contenté de mettre en œuvre un retrait si bâclé que l’Amérique est maintenant prise au piège.

    • Conclusion :
      un traité signé par les Talibans , vaut roupie de sansonnet , mais on le savait , quant à un traité signé par les USA il ne vaut plus rien .
      Biden s’en contrefiche , et ni le Sénat ni la chambre des représentants n’ont émis de motion de protestation .
      Cette forfaiture sonne le glas du statut actuel des Etats-Unis . Le déclin américain est massif .

  3. Un ami Francois BONVIN a ecrit une livre très intéressant sur l’Islam « LES SOLDATS DE MAHOMET » N’ayant pas trouvé d’éditeur il a mis gratuitement en ligne son livre.

    Pendant 2 années il a lu , relu des dizaines de fois le Coran et y a touvé des erreurs, des mensonges des incohérences, mais ça passe, car noyé dans des parties historiques ça parrait vraisemblable.++En fait, la raison du succès de l’Islam est que c’est une religion organisée. Que le musulman n’a que à se laisser guider rien de spécial ne peut lui arriver, ce qui fait dire que l’Islam et la Marxisme ont des points communs. comme l’organisation.

    De l’autre bord, les démocraties Occidentales qui en fait n’en n’ont que le non, les inégalités, la misère cachée par les medias font que les gens pensent organisation dictature.

    ON PEUT DEMANDER SON LIVRE a francoisbonvin225@gmail.com

  4. Il y a pire que la guerre , c’est la défaite ( G.Clémenceau ). Les USA sont incapables de conclure une guerre puisqu’ils prétendent ne pas etre en guerre , et avance sous le couvert de concepts bien plus faux comme  » lutte contre le terrorisme  » ,  » exportation de la démocratie  » ,  » respect des valeurs humaines  » , défense des droits de l’homme et de la femme …..
    La guerre ballotée de concepts en prétextes , perd donc tout son suc stratégique , son sens tactique et opérationnel ; Elle devient un jeu parlementaire , un laboratoire sociologique ( appliquer une constitution de type fédérale allemande dans un pays tribal, archaique, féodal et islamiste est une aberration ) et surtout aucun chef de guerre ne s’est dégagé aux USA depuis 2001 . Ni G.W.Bush ni Obama n’ont compris qu’une guerre n’est pas un jeu de construction sociale , mais un jeu de destruction de l’adversaire . En décembre 2009 , Obama a déclaré qu’il allait augmenter l’effort militaire, en mai 2011 , Bin Laden a été éliminé , mais Obama s’est contenté de ce succès symbolique pour annoncer fin 2011 que les USA partiraient . Avec une telle annonce, les Talibans n’avaient plus rien a craindre , le temps jouait pour eux . Que Trump ait signé les accords de Doha et que Biden aient plié bagage de piteuse manière est la suite logique de l’absence de volonté guerrière des USA . Quant a l’ image ternie des démocraties occidentales , je précise que c’est la défaite qui a terni cette image et que cette défaite vient du trés profond déclin moral des USA et de l’europe . Le bombardement sur Dresde n’a pas terni l’image des Alliés , il fallait rendre coup sur coup aux allemands et meme leur infliger dix fois plus de dommages qu’ils n’en ont causé . Ce qu’on retient de la 2.eme guerre c’est la volonté inflexible de Churchill d’ abattre le régime nazi et d’obtenir sa reddition inconditionnelle .
    Cette volonté inflexible a disparu aux USA et en Europe.

  5. Ce texte est admirable de justesse historique, de lucidité factuelle et de pertinence dans son analyse.
    Son pronostic est terrible.
    Puisse t il être entendu.

  6. Les enfants naturels du réfugié saoudien Oussama ben Laden sont parvenus peu ou prou à rétablir sur leur fief ce qu’Abou Bakr al-Baghdadi avait instauré sur le sien.
    Nous nous trouvons donc dans une situation que nos meilleurs stratèges connaissent sur le bout des doigts.
    À eux de voir si une solution syro-irakienne — je précise que cette solution fut la leur, et non la mienne — de vassalisation à la République islamique aryenne sous chape de plomb cryptosoviétique, est encore envisageable pour cet Afghanistan promis à ce à quoi le sunnisme est capable de produire de plus archéofasciste, puisqu’à première vue, le soutien logistique à la résistance afghane a fini au cimetière des idées mécontemporaines, que dis-je, à la fosse communarde où termine aujourd’hui le dernier des Mohicans, cet homme d’un autre temps où l’on ne parlait pas avec une certaine veine d’ennemi, eût-elle le grade de Generaloberst, avant d’être en position de lui faire signer un acte de reddition.
    Le général Massoud ne sera pas le général de Gaulle, cela ne fait aucun doute, du moins aussi longtemps que nous ne nous conduirons pas avec lui en Alliés.
    L’issue heureuse de ce naufrage malheureusement acté ne peut donc pas encore être écartée, n’en déplaise au socle illibéral des partis de gouvernement du monde libre.

    • L’idéologie qui prévaut dans les hautes sphères de la diplomatie pour ce qui est du domaine de ce que l’on qualifiera, pour faire simple, de politique orientale de l’Occident, s’articule autour d’un contexte civilisationnel post-traumatique.
      Le déclin des empires coloniaux européens succéda au suicide par nazification de l’Europe. On passera sur les raisons multiples et parfois contradictoires qui avaient présidé à l’invasion de plusieurs continents dont au moins un d’entre eux ne sera pas restitué à ses autochtones. Comme quoi, la culpabilité postcoloniale est une pathologie à géométrie variable.
      « Et la cancel culture ! qu’est-ce que vous en faites de la culture dominante du leader des Nations ? »
      La cancel culture est destinée au même sort que ses adeptes respectifs jettent sur tout ce qui n’est pas eux-mêmes, et seront donc fatalement amenés à se jeter les uns sur les autres. Il serait donc beaucoup plus judicieux de tabler sur la résurrection des opposants sérieux aux crimes contre l’Homme, ceux dans la tête desquels les moins fiables de nos clercs cherchent pavlovement des poux aussitôt qu’un tribunal antidémocratique les condamne à de la prison ferme pour un crime n’ayant absolument rien à voir avec le fait qu’ils ébranlent le pouvoir démocratorial en place.
      Entre Bachar le Boucher et Abbas le Bucheron, désolé, mais je ne choisis toujours pas, ou plus précisément, mon choix se porte une nouvelle fois sur l’inconnu(e) de l’Orient-Express. Et je souligne que si l’on veut se donner une chance d’exploiter à bon escient les facultés incatégorisables de cet oiseau rare, il va falloir faire montre d’un minimum d’empressement.

    • Le chef de l’exécutif d’une démocratie représentative n’est pas un monarque absolu. Ce qui s’accomplit sous sa mandature n’est non seulement pas intégralement de son fait, mais l’emprise qu’il a sur ses concitoyens demeure partielle, et le contrôle que les contre-pouvoirs exercent sur lui pour veiller à ce qu’il n’abuse jamais de la fonction suprême est censé ne pas être entravé par le contrôle qu’il garde sur eux. Un pouvoir dissymétrique, dès lors que ces derniers n’ont pas été investis des pouvoirs que le peuple a cédés à celui ou celle qui préside en l’espèce sa république de même qu’à ceux qui, sous l’égide de la loi des hommes, gouvernent son pays.
      Le mode opératoire des djihadistes du 13-Novembre était certes inédit en Europe, mais nullement imprévisible. Dans le monde d’après le 11-Septembre, aucun État de droit ou de non-droit n’a plus la liberté de ne pas anticiper l’ensemble des menaces terroristes qui planent sur sa tête, mais aussi sur celle de ses serviteurs, et peut-être d’abord sur celle de ses administrés. Alors que des militaires en treillis arpentaient l’arme au poing nos places, nos rues, nos ponts, nos ports, nos plages comme dans les films de guerre, il est incompréhensible que les services de renseignement européens n’aient pas identifié une nébuleuse qui prenait tout son temps pour planifier, organiser, puis exécuter un massacre de civils innocents au cœur de notre Ville lumière en riposte aux frappes aériennes qu’une coalition internationale initiée par la France avait lancées contre l’organisation terroriste Daech sur ses terres de conquête.
      Nous attendons des responsables politiques dont nous ne sous-estimons pas les nombreuses avancées en matière de cohésion du renseignement international et plus particulièrement européen qui furent accomplies sous leur impulsion en ces heures terribles, progrès qui se poursuivent avec leurs successeurs afin de rendre notre continent plus réactif dans les domaines où sa survie est en jeu, qu’ils ne soient pas sur la défensive quand des questions dont ils ont arraché une à une les épines, sont de nouveau soulevées relativement aux manquements flagrants par lesquels notre Union européenne s’est illustrée face à des assassins sans pitié qui auront pu, durant plusieurs années, bénéficier de sa protection, on l’espère malgré elle. Nous n’avons rien oublié de l’antisionisme patenté qui caractérisait, pour partie, la diplomatie européenne de l’époque, à l’instar de celle qui s’annonce aujourd’hui à Kaboul d’une manière aussi décomplexée qu’obscène, face à un public mondial dont les talibans semblent estimer qu’il leur est désormais acquis.
      Il serait en outre extrêmement dommageable à la communauté nationale de convaincre des Français que l’on prépare régulièrement à l’idée que la menace terroriste est redevenue maximale, à savoir que leurs propres noms et prénoms pourraient aller s’ajouter, ce soir ou demain matin, à la longue liste des victimes du terrorisme islamiste, que nous ne serions pas capables d’améliorer en permanence nos capacités de défense vis-à-vis de l’ennemi n° 1 du monde libre.
      Or pour qu’il y ait perfectionnement, il faut bien qu’un état d’imperfection ait été évalué a priori comme tel.

    • Le néant hurle au juge :
      « On est traité comme des chiens (en deux mots) ! »
      Si seulement il avait su parler ainsi aux endoctrineurs à cause desquels il se trouve dans cette situation dont nous pouvons imaginer à quel point elle peut être humiliante pour le congénère qu’il lui arrive de redevenir en présence d’êtres humains authentiques, une situation assurément beaucoup plus inconfortable pour un Homo sapiens lambda qu’elle ne devrait l’être à un saint guerrier d’Allah confronté aux élucubrations ridiculement arrogantes d’un suppôt du Sheitan !
      Si seulement il avait fait machine arrière, le petit monsieur précaire, mortel et invisible qui se voyait grand roi indestructible, éternel, enfin incontournable avant qu’il ne fût plus possible d’effacer les atrocités que sa meute robotique allait causer à la vie d’une femme, à celle d’un homme, à celles d’un homme et d’une femme, et puis à une autre vie, celle d’une femme ou celle d’un homme dont il lui importait peu de les distinguer l’une de l’autre dès l’instant qu’il les avait déshumanisées pour achever sa besogne sans risque d’être frappé d’un éclair de conscience !
      Nous ne vous avons jamais traités comme des chiens.
      Nous n’avons fait que vous montrer tels que vous vous réduisiez vous-mêmes.
      Vous montrer le peu d’importance que vous accordiez à la vie des autres et à vos propres vies.
      J’allais dire à la vie des chiens.

    • Il est heureux que n’ayons plus peur de remonter jusqu’au Qatar pour percer le mystère du retour en grâce diplomatique du néodjihadisme taliban dit islamic soft power, mais pourquoi s’arrêter en chemin ?
      Effectivement, nous dépendons des ressources énergétiques, métalliques et non métalliques de quelques financiers des infraforces armées de l’Oumma que représentent les organisations terroristes islamiques dont la fréquence et la répartition géographique des attaques firent entrer la supranation hominienne dans une incontestable guerre mondiale depuis au moins deux décennies.
      Mais si certains ferment les yeux sur ce Fight Club géostratégique, ils n’en sont pas moins impactés par les sombres issues d’un bras de fer souterrain où partenaires économiques et adversaires de choix négocient les contrats façon gangster, s’inventent une vie à travers laquelle hérésie et orthodoxie se confondent sur le Ring d’un combat de chiens de l’enfer au terme duquel le plus médiocre des ego prend sa chance et, quel que soit son rang social ou son ancrage ethno-racial, ressort de là transfiguré, héroïsé, autodéifié.
      Les guerres mondiales sont le creuset du pire de la compromission. Industriels, syndicalistes, intellectuels, artistes, scientifiques, membres des clergés, des armées, des services de renseignement, hauts ou petits fonctionnaires, la collaboration avec le Troisième Reich irait même autorecruter jusque dans les sphères politiques du camp Allié entre 1933 et 1945.
      La guerre mondiale de dernière génération nous aspire dans sa centrifugeuse amnésiante. Elle méritera un jour son procès de Nuremberg. Un procès symbolique, au réquisitoire impossiblement exhaustif, aux angles morts coupables, au verdict décevant, mais néanmoins honnête quant à la hiérarchisation et l’étendue induite des responsabilités.
      À Nuremberg, on ne s’est pas contenté d’asseoir sur le banc des accusés une poignée d’exécutants de la Waffen-SS.

    • On ne peut pas acter la réalité d’un acte de guerre, pour ensuite éviter à tout prix de traiter en soldat un ennemi non seulement identifié, mais multiproclamé et par là-même authentifié par les sauts de cabris harassants de toute digue conceptuelle que l’on croyait inamovible.
      Que le citoyen français Salah Abdeslam soit un prisonnier de guerre ne nous fait aucunement encourir l’obligation de procéder à son rapatriement vers un État ennemi avec lequel nous aurions signé un armistice en bonne et due forme, et pour cause ; l’État duquel le combattant de Daech obtint une naturalisation fantasque n’est plus. En outre, leur statut de prisonnier de guerre n’exonère en rien celui ou celle qui se sont rendus coupables de crime de guerre de devoir répondre de leurs actes en qualité de bourreaux spécifiques. La guerre a ses lois, parfois sa légitimité, ses propres codes et, de manière effroyable ou tragique, elle peut revendiquer les hautes vertus de la fraternité, du courage et de l’honneur, or à propos d’un acte de terrorisme aveugle, on ne fait pas que frôler la définition du crime contre l’humanité.
      Mais pour revenir sur le terrain dépassionné de l’objectivité, qu’il ne faut surtout pas confondre avec celui de la réalité, ni a fortiori avec celui d’une vérité absolue à laquelle on laissera le dernier mot, lequel viendra en son heure pour autant que le temps représente encore quelque chose à cet instant-là, le soldat d’une armée conventionnelle, fût-elle aux ordres d’un État ayant déclaré la guerre à une ou plusieurs nations, le plus souvent frontalières, pour des raisons qu’il estime justes contrairement aux pays concernés, pourrait être considéré comme une victime des options stratégiques de ses gouvernants. Ce ne serait pas le cas d’un criminel de guerre qui, par définition, sortirait du cadre de la belligérance classique pour basculer dans celui de la barbarie. À moins, bien entendu, que le théâtre d’opération barbare soit régi par le haut commandement de l’un ou des deux camps ennemis, sous l’impulsion d’une politique instaurée au mépris du droit international pour mieux s’affranchir de la convention de Genève. Mais nous savons qu’avec Daech ou, dans une moindre mesure, avec le Hezbollah ou, de façon nettement plus plombée, avec al-Qaïda, il est bien difficile d’évoquer l’existence d’une entité étatique planquée derrière l’orchestration du lugubre ballet que l’on attribuera, dans un frisson d’extase, au célèbre fantôme de l’Opéra.

    • On a vu l’ex-empire soviétique permettre à Bachar le Chimique d’empêcher qu’on ne dévissât les boulons de sa statue de stabilisateur du même chaos régional qu’il favorisait en vue de légitimer son pouvoir autoritaire comme contre-modèle à l’État de droit européen dont l’universalisme commençait déjà d’être contesté jusque dans ses foyers.
      On anticipe de mieux en mieux les coups d’avance du joueur d’échecs de l’empire du Milieu, exploitant les rancœurs d’anciennes colonies européennes en Afrique ou au Moyen-Orient où il avance ses pions sous la toiture éblouissante et coulissante du marché mondial, répondant à la riposte culturiste de Supertrump depuis un petit marché pittoresque de Wuhan fréquenté par des touristes dont il sait que les élites postmaoïstes ne laisseront jamais leurs dirigeants les emmurer efficacement, inhumainement, comme lui n’hésitera pas une seule seconde à s’y résoudre avec sa propre surpopulation, en bon fils de Mao, avec en prime des résultats concluants en termes de régulation démographique.
      Mais si l’on conçoit assez bien la persévérance de paradigmes totalitaires dont la conversion au libéralisme économique ne parvient pas à masquer la pesanteur, on a plus de mal à s’attaquer aux compulsions morbides que partagent un bon nombre d’entre nous avec les adeptes du salafist-fucking, ce mode de domination sexuelle ayant lui aussi ses propres origines géographiques, historiques, ethoculturelles, dont leur propension à se propager au-delà de leur périmètre cultuel agit tel un écran de fumée si épais que rien ne semble pouvoir atteindre ses pyrotechniciens.

    • Je ne voudrais pas embarquer par mégarde le Dr Peter Embarek dans mes glissements inductifs à forte charge intuitive ; mon style affirmatif n’a d’autre fonction que de gonfler le moteur de ma suspicion légitime à l’égard du challenger de la première puissance mondiale.
      Le délirant prédécesseur de Joe Biden était un personnage d’une vulgarité inédite à ce poste, mais avant tout d’une grossièreté confondante, et son absence totale de diplomatie concernant le « virus chinois » fut un impair de plus qui, en la circonstance, nous laisse sur notre faim.
      Ceci étant dit, l’évitement obsessionnel de tout incident diplomatique qui pourrait déboucher sur une crise géopolitique majeure est un tabou que j’intègre d’autant mieux qu’il est de nature à endiguer ce torrent de thèses complotistes parfaitement adaptées à la colère étourdissante de fragments de masses extrêmement remontés contre des élites qui, toutes tendances confondues, se montrèrent incapables de les extirper de leur glu catégorielle.
      Aussi suis-je condamné à tempérer la conscience qui s’échauffe vis-à-vis des principaux bénéficiaires du retour aux affaires d’une entité politico-religieuse connue pour avoir été impliquée dans un événement qui allait cosigner le début de la fin pour la suprématie de cet èthos supracivilisationnel qui aurait pu servir de phare aux égarés du XXIe siècle. Vous me pressez de ne pas mettre la charrue avant les bœufs, et moi d’admettre qu’il y a un monde entre Sisyphe et la tortue de la fable.
      Qui sait si ce monde aura une chance de recouper le nôtre à la vitesse d’une lumière efficiente…

    • À peine a-t-il atterri que le Franco-Afghan se voit tendre un micro comme à une vraie vedette de cinéma.
      Il justifie aussitôt son rapatriement par la mise en danger de sa propre vie en soutien aux armées françaises, puis direction Paris, où la brise lui insufflera l’esprit de résistance des héros dont elle caresse les plaques commémoratives de rue en rue, ah !
      La femme blanche voilée plus que jamais en vogue, d’un trottoir refluant de Kaboul aux rives rebelles du Panchir.
      Autre victoire de l’Internationale islamiste : le hijab atténuerait, voire neutraliserait le caractère intrinsèquement hostile du visage occidental et, à ce titre, jouerait en faveur d’une féminisation de la profession d’envoyé spécial en terre d’islam, ha !
      Les événements seront désormais couverts d’un voile pudique.
      On désertera le cimetière des empires en marchant sur des œufs de dinosaures civilisationnels sans chercher à en connaître 1) les aspirations totalitaires, 2) la mémoire de Tyrannosaurus roi s’apprêtant à éclore.
      La dimension territoriale de la Reconquista islamica aura les propriétés d’un aimant capable de détourner les cerveaux les plus affûtés de leur propre faculté de discernement sous la férule d’un totalitarisme dont ces derniers s’avéreront impuissants à enfourcher l’ambition planétaire et la nature tentaculaire, ooops !