Je sais qu’on ne dit plus trop les choses ainsi. Mais, tout de meme, « les » Fasquelle… Est-ce que Nicky et Jean-Claude ne sont pas le couple légendaire, le seul, de l’édition contemporaine ? Est-ce qu’ils n’étaient pas, à la façon des deux théologiens de Borges, comme une même âme dans deux corps ? Et, parmi les belles choses que Jean-Claude a accomplies, dans cette figure de grand éditeur à la française, et à l’ancienne, qu’il a sculptée, la part de Nicky ne fut-elle pas essentielle, centrale, vitale ? Sans elle, en tout cas, il y a presque 50 ans, je n’entre pas chez Grasset. Sans elle, aucun des complots vertueux que nous avions, au moins, le mérite et le talent d’ourdir nous-mêmes, n’aurait existé et fonctionné. Sans elle, aucune des longues soirées passées, square Vergenne, à réapprendre à rire, ce qui s’appelle rire, de ce rire éruptif, en cascade, qui était l’une de ses signatures et qu’elle parvenait presque à communiquer, quand gagnaient le désarroi, le chagrin ou le spleen. Et puis la très jolie jeune fille au t-shirt blanc, de l’autre côté de la rue des Saints Pères, ce jour béni de septembre 1972 – la plus inattendue des éditrices « in partibus ».  Nicky est morte cette nuit. Jean-Claude devra continuer, seul désormais, son chemin de grand vivant. Et leurs proches, ici et ailleurs, sont accablés de tristesse. Mes éditeurs. Mes amis.