Patrick Devedjian ponctuait chacune de nos rencontres par un résumé de ses dernières lectures. Il était imprégné des grands classiques qu’il avait lus et relus. Il était à l’affût des derniers romans, des derniers essais. Il avait une soif de savoir qui faisait de lui un homme à l’esprit libre, vif et fin. Et puis un homme de réflexion. Et puis un homme de culture. C’était aussi un Juste. Et un ami.
Patrick Devedjian était à la fois un grand serviteur de l’État, un grand républicain, un grand Francais mais, également, un homme qui avait de la mémoire.
La mémoire de son Peuple. La mémoire de ses racines arméniennes.
La mémoire du premier génocide du 20ème siècle.
La mémoire de son père Roland Devedjian, originaire de Sivas, arrivé en France via Constantinople, en 1919, à l’âge de 18 ans. C’est ainsi qu’il fut, depuis le milieu des années 1970, au centre du combat pour la reconnaissance du génocide arménien et pour la pénalisation du négationnisme.
Un homme fier de ses 4 fils et de ses 10 petits-enfants. «Ceux-là, me dit-il un jour, les Turcs ne me les prendront pas», ajoutant: « comme la Shoah, le génocide est un marqueur identitaire qui nous unit et permet notre amitié».
Patrick Devedjian était un homme ouvert sur le monde et attentif aux souffrances des autres, aux souffrances de l’autre.
Je me souviens d’un voyage en Israël en mars 2005, alors qu’il était ministre de l’Industrie, en plein week-end de Pâques. Nous étions à Jérusalem. Patrick fit devant moi un parallèle entre le destin du peuple juif et celui du peuple arménien : «Nous nous ressemblons, nous avons vécu les mêmes souffrances. Nous avons la même sensibilité. Juifs et arméniens sont des frères».
Patrick, un frère «métèque» comme il se définissait lui-même. Il va me manquer terriblement.
Adieu Patrick. Repose en paix.