En fait, comme vous l’avez sans doute senti, le titre de cette prise de parole est bizarre.
C’est qu’il y a là un pari – le pari d’une élucidation, non pas du dedans, mais du dehors. Vous demanderez : dedans de la littérature, ou dedans de l’Occident ? Selon toute apparence, puisque votre locuteur s’exprime en langue française, il est occidental ; par ailleurs, puisqu’il publie des livres, il parle depuis le dedans de la littérature.
Or ce n’est pas si sûr ; du moins, je vais essayer ce soir de vous faire faire l’expérience d’une sortie – si je puis dire, d’un moment d’étrangeté, pour voir ce que ça nous fait, à nous tous, de vivre ici en dehors.
Je pense que jamais autant qu’aujourd’hui, jamais de façon aussi manifeste qu’aujourd’hui, à notre époque où tout un chacun essaye désespérément de retrouver un sol, il n’aura été utile de faire l’expérience inverse, celle de se faire étranger. Étranger, donc, au sol occidental comme au vaste palais de la littérature.
Je pense (et vous me pardonnerez, ce soir, d’être énigmatique) que notre époque est celle où ce dehors, à l’égard de l’Occident et à l’égard de ce qu’il a généré, est la plus belle occasion offerte de penser intelligemment ce que nous avons vécu, ce que nous avons reçu, en Occident, qu’il s’appelle Angleterre (d’avant, de pendant ou d’après le Brexit) ou France.
Pour vous faire vivre notre étrangeté de ce soir, je vais parler en trois temps. D’abord, je vais vous lire des textes sur le mot de littérature, qui vont produire leur effet sur nous ; ensuite, je tenterai de ramasser cet effet depuis un lieu tout différent de celui de l’Occident comme de celui de la littérature, et ce lieu s’appelle la pensée talmudique.
Je vous cite Blanchot :
«Les poètes ne s’intéressent pas au monde, mais à ce que seraient les êtres et les choses s’il n’y avait pas de monde : parce qu’ils se livrent à la littérature comme à un pouvoir impersonnel qui ne cherche qu’à s’engloutir et à se submerger. Si telle est la poésie, du moins saurons-nous pourquoi elle doit être retirée de l’Histoire en marge de laquelle elle fait entendre un étrange bruissement d’insecte, et nous saurons aussi que nulle œuvre qui se laisse glisser sur cette pente vers le gouffre ne peut être appelée œuvre de prose.»
Si je vous cite Blanchot, c’est justement pour que vous entendiez que Blanchot n’a pas notre objet en tête : il n’est pas question, chez lui, de littérature, mais de poésie ; eh bien nous dirons que ce n’est pas du tout la même chose. Et quand on y pense, parce que nous sommes traversés de ces significations que nous n’écoutons pas, mais qui sont bien là, nous ne faisons pas du tout la même chose quand nous lisons de la poésie, ou du roman, et quand nous lisons de la littérature. Que nous le voulions ou non, nous sommes les agents d’un autre acte, et les énonciateurs d’une autre signification qui englobe le geste de lire ou d’écrire, si tant est que, docilement, nous acceptons d’avoir affaire à la littérature. Pour vous donner tout de suite du grain à moudre, souvenez-vous que dans poésie, vous avez poïein qui, en grec, veut dire faire, au sens de façonner un objet.
Vous noterez seulement au passage que cet objet sonore, qui n’est pas sans rappeler, avec son «étrange bruissement d’insecte», la «disparition élocutoire du poète» dont parle Mallarmé, est un objet si je puis dire négatif, négatif en profondeur, et étrange en surface. L’œuvre poétique est une espèce d’absente au monde, grâce à quoi elle se distingue de la prose, son ennemie. Or la littérature conjoint la prose et la poésie.
Plus avant dans notre sujet, cette fois sur le mot de littérature, je vous cite Foucault, dans les mots et les choses. Il est en train de décrire ce qu’il en est du statut du langage, en particulier du point de vue du savoir, au moment de l’entrée dans la modernité.
«Le langage ne sera rien de plus qu’un cas particulier de la représentation (pour les classiques) ou de la signification (pour nous). La profonde appartenance du langage et du monde se trouve défaite. Le primat de l’écriture est suspendu. Disparaît alors cette couche uniforme où s’entrecroisaient indéfiniment le vu et le lu, le visible et l’énonçable. Les choses et les mots vont se séparer. L’œil sera destiné à voir, et à voir seulement ; l’oreille à seulement entendre. Le discours aura bien pour tâche de dire ce qui est, mais il ne sera rien de plus que ce qu’il dit.»
Et plus bas :
«A partir du XIXe siècle, la littérature remet le langage en son être : mais non pas tel qu’il apparaissait à la fin de la Renaissance. Car maintenant il n’y a plus cette parole première, absolument initiale par quoi se trouvait fondé et limité le mouvement infini du discours ; désormais le langage va sans cesse croître sans départ, sans terme et sans promesse. C’est le parcours de cet espace vain et fondamental qui trace de jour en jour le texte de la littérature.»
Cette parole première, absolument initiale, renvoyant au mythe du premier locuteur, c’est évidemment – enfin, pas si évidemment que ça – l’hébreu. L’hébreu antébabélien, puisque le monde a été blessé d’une catastrophe babélienne, qui a arraché le monde à ce que Foucault définit comme le langage donné par Dieu, «signe des choses absolument certain et transparent, parce qu’il leur ressemblait.»
Vous comprenez que l’hébreu dont parle Foucault, langue de Dieu, subit aussi quelque chose de cette catastrophe, en tant qu’il ne s’impose pas, comme tel Espéranto ou Volapük, en lieu et places de toutes les langues ; l’hébreu tel qu’il est parlé, si je puis dire, ne fait que garder la mémoire de la nomination première, par Adam, des animaux, qui était alors la nomination parfaite de la ressemblance.»
Or, si on continue de lire Foucault, dès l’âge classique, on admet la disparition de la ressemblance ; simplement, au XVIIe siècle, on croit que le langage peut encore «révéler», non par le secret infus dans chaque mot, mais dans la totalité de la langue, et cette totalité de la langue, c’est à la langue totalisante, voire totalitaire, en tous cas universelle qu’elle est immanente – en l’espèce, il s’agit du latin. On comprend dès lors que, si le monde est la totalité du monde, alors sa révélation sera la totalité de la langue, ou la langue comme productrice d’une totalité, d’une somme. Somme que Foucault désigne comme encyclopédie, si on se place, comme c’est le cas dans les mots et les choses, du point de vue du savoir et de sa condition. Somme qui, à être regardée d’un point de vue plus littéraire, apparaîtra comme discours. C’est ainsi qu’il dit qu’à l’âge classique, «Tout langage valait comme discours.» Et il ajoute :
«… un art de nommer, et puis, par un redoublement à la fois démonstratif et décoratif, de capter ce nom, de l’enfermer et de le celer, de le désigner à son tour par d’autres noms qui en étaient la présence différée, le signe second, la figure, l’apparat rhétorique.»
Je pense que vous admirez comme moi cette phrase extraordinaire, qui aurait sans doute suffi à tout dire ce soir. Mais Foucault ne parle ici que de l’âge classique ; vous avez en tous cas entendu au passage le fait que le nom, supposément premier (et perdu, bien sûr) est comme celé, caché dans le discours. D’où l’on voit qu’il n’a pas fallu attendre Mallarmé pour qu’on soit obsédé par la suggestion, par le fait que la tâche suprême était non de dire, mais de suggérer ; sans doute parce qu’on sait, déjà, qu’on ne peut pas dire, car dire serait prononcer le nom véritable qui est, en somme, imprononçable, en tous cas en latin où tous les noms véritables sont imprononçables ; alors, cet imprononçable, qui n’est autre que l’Antique au sens le plus radical du terme (antique à l’antique lui-même, antique infus à l’antique), doit être caché, celé, pour qu’un apparat rhétorique le remplace. Vous avez là, dans le fond, le tronc commun des deux grands gestes décoratifs de la pensée que sont le Baroque et le Classicisme, l’un courbe, l’autre rectiligne, mais tous deux d’apparat. Apparat qui, comme la disparition élocutoire que je viens d’évoquer, cachent quelque chose en amont de lui, autrement dit manifeste d’autant plus fort qu’il cache mieux ce qu’il recouvre de sa puissance décorative, de sa somptuosité rhétorique.
Pour redescendre à une échelle toute petite, cela nous explique comment et pourquoi agissent ainsi Molière avec Plaute, La Fontaine avec Ésope, Racine avec les tragiques grecs – et donc toute l’imitation de l’antique. Le geste radical, si on en croit Foucault, est là non d’imiter, mais d’envelopper dans le grand drapé rhétorique, intimidant comme la soutane de Richelieu dans le tableau de Philippe de Champaigne, ensorcelant comme les volutes légères de Tiepolo, de celer, oui, d’enfermer le nom au sein d’un vaste déroulé de tissu verbal, drapé dans la beauté de ses alexandrins ou de ses périodes, sur le plan esthétique, et dans l’immensité de son dispositif encyclopédique, sur le plan discursif.
Or tout cela, c’est l’âge classique.
Avec tout cela rompt la modernité pour dire sans doute une seule chose, si je me permets de me substituer à Foucault : dans le drapé, il n’y a rien. Il n’y a que le drapé lui-même.
Je me suis substitué à lui, mais je ne crois pas l’avoir trahi.
Pour donner toute son ampleur à notre mot, et pour accomplir cette première partie, je vous cite un littérateur, justement, en l’espèce Pascal Quignard, dans son texte fort intéressant pour nous, sur l’origine de la littérature :
«Le livre dans le monde extérieur est le seul produit qui contienne totalement l’extériorité de l’extérieur. Il est expression sans retour. Parole complètement crevée dans l’espace, où la sonorité a disparu, où toute trace de souffle et de chaleur s’est dissipée, où toute proximité spatiale ou temporelle s’est dissoute, où toute brume humaine s’est effacée, où toute vie est dans la mort. L’écrit dans le livre fait entrer son lecteur dans un passé qui n’a pas été vécu par lui. L’écrit ouvre la porte à un passé au-delà du passé. C’est ainsi que la littérature invente le jadis.»
Ça, c’est la façon dont il conclut ; je vais revenir sur ce morceau de texte, ou, peut-être, ce morceau de littérature, mais il faut d’abord que je vous dise la façon dont il commence son exposé :
«La littérature est sans origine. Émile Benveniste exprima ce regret dans la dernière leçon qu’il donna au Collège de France le 17 mars 1969.»
De là s’ensuit une recherche dans les étymologies, ou plutôt dans les «jeux de mots avec lesquels les Romains s’en sortaient avec ce mot», mais en somme Quignard les investit du rôle d’étymologies de remplacement, dont il montre qu’elles ne sont jamais probantes. En fait, dans ces origines, Quignard joue, comme avec des hochets, avec des significations approchantes, qui le séduisent, qui l’enchantent même, mais avec d’autant plus de jouissance qu’il en soustrait, en dernière instance, la littérature, pour montrer qu’elle n’est même pas ça– qu’elle est toujours, et c’est sa marque si je puis dire, insituable ; regardez :
1. Le verbe obliterrare (effacer les lettres) ruse avec l’adjectif oblitus (qui oublie). Celui qui efface les lettres d’un nom sur une stèle efface le souvenir de cet homme. De même que le grec a la vérité (alètheia) au sens de non-oubli (a-lèthè), les Romains auraient les lettres, le loisir, l’étude, comme oubli. Mais le mot oblitus (de oblinio), effacé, n’est qu’un homophone de oblitus (de obliviscor), oublié. Cette isophonie n’est qu’un jeu de mots. Écrire n’est pas oublier. Étudier n’est pas se distraire.
On pourrait dire qu’ici, Quignard veut affranchir la littérature de Platon et de Pascal tout ensemble – de la littérature comme oubli (ça c’est le Platon sévère du Phèdre) et comme divertissement (ça c’est Platon qui donne son imprimatur à l’écriture, mais qui du coup se fait engueuler par Pascal). Il faut entendre comment Quignard, qui est un obsédé de Rome contre Athènes, se trouve malin ici. Car sa première étymologie semble cacher un paralogisme : après avoir énoncé une sorte de maxime obscure dont je parlerai ensuite, il semble construire une analogie (de même que), qui est en fait une antithèse, dont le caractère analogique ne ressortit qu’à l’aspect privatif du préfixe (avec, en latin, la nuance de renversement). En fait, la vérité grecque étant la soustraction à l’oubli, cette étymologie de la littérature proposerait que la littérature soit exactement le contraire, soit la production de l’oubli. Et c’est là que Quignard tranche : non, «écrire n’est pas oublier.» Mais pourquoi diable écrire serait-il oublier ? Pour le motif d’une étymologie fantaisiste ? Mais il montre lui-même que l’isophonie est fantaisiste ! Alors pourquoi l’avoir mentionnée ? Précisément pour l’opposer à Platon – car Platon voit effectivement dans l’écriture un oubli de la vérité, laquelle est arrachement à l’oubli. Laquelle est, alors, intégralement, mémoire – ou, comme disent les platoniciens, réminiscence. Pourquoi donc ? Pour dire qu’ici, Rome est plus intelligente qu’Athènes. Par quel motif ? Par celui qui veut qu’une lecture positive de sa première phrase : «Celui qui efface les lettres d’un nom sur une stèle efface le souvenir de cet homme», et non seulement la découverte d’une contradiction, soit possible. Qui veut qu’en effet, la littérature soit possiblement (mais partiellement, car Quignard est prudent) un oubli, un effacement des lettres. Car après tout, peu nous chaut le souvenir d’un être, si par l’opération souveraine de la littérature, celui d’un effacement, c’est son néant qui nous apparaît, tellement plus vrai que son souvenir ! Restons-en là pour le moment. Reprenons notre lecture des étymologies-jeux de mots.
2. Le deuxième mot qu’ils indiquaient me paraît le plus séduisant. Litus en latin c’est le rivage. C’est la laisse de mer pleine d’épaves, de coquillages, d’os de seiche, d’étoiles de mer, de traces, de fragments, de restes, de noyés, de débris, de proues éventrées et de poupes rompues, de trésors. Mais ce renvoi n’est qu’un calembour. Litoralis, le littoral, ne tient pas devant litteralis, le littéral. Phonologiquement c’est impossible. Reste l’image qu’on ne peut empêcher. Litorarius est aux berges et aux arbres des rives ce que litterarius est aux lettres et aux silhouettes qui se délinéaient sur la paroi de calcite ou sur blancheur de la page.
Cette fois, Quignard se fait esthète. C’est sans doute pourquoi il pouvait se moquer de Platon. Nous en avons désormais l’habitude : il rejette pour mieux conserver, mais conserver sans perte (oserait-on dire que c’est là le paradigme même de la bourgeoisie ? Peu importe.) D’ailleurs, ce qu’il récolte, c’est la modernité même, c’est le je ne sais quoi dont procède la littérature moderne, celle qui, depuis les épiphanies joyciennes, fait du n’importe quoi qu’elle récolte (jusqu’aux sentiments éprouvés par Madame Duras) l’occasion conjuguée d’une extase et d’une conscience suraiguë de son importance. Les fragments, les restes, c’est toute notre esthétique littéraire ; d’ailleurs, l’énumération de Quignard s’achève par trésors. Tout est dit. Ensuite, grand prince, il tient à distance son trésor (comme on néglige ce qu’on possède pour n’exciter pas l’envie par trop), et on fait un tour du propriétaire : la littérature comme paysage, sur quoi se délinéent les lettres et les silhouettes. Après l’oubli souverain, l’usage esthète du mot délinéer permet de jouer encore à gagnant-gagnant, en montrant qu’on n’a qu’une vague ligne, qu’une ébauche, expression du génie négateur de Rome, en même temps qu’on révoque cette possibilité, qui n’aura été attestée que chez Beckett, mais tout de même pas chez Racine, chez Molière ou chez Balzac (à moins que ?…)
3. Aux yeux du monde grec, une glose qu’on doit à Hésychius laisse entendre que le pluriel litterae serait une métamorphose du pluriel diphtherai. La racine du mot grec diphtera renvoie à la peau travaillée mais ce mot désignait, en grec, plus largement, de façon courante, les tablettes liées entre elles, articulées les unes sur les autres et s’ouvrant en diptyque. Les diphterai chalkai ce sont les plaques de bronze sur lesquelles on écrit et qu’on referme l’une sur l’autre, et que les sorciers de la Grèce ancienne vont jusqu’à clouer l’une sur l’autre quand ils lancent une ligature ou un maléfice. Les premiers philologues ont proposé de passer du grec diphtherai à l’étrusque ditterae pour aboutir au latin litterae. Mais c’est vraisemblablement une coïncidence morphologique. Rien ne peut confirmer une dérivation quand l’étape intermédiaire (l’étrusque ditterae) n’est pas documentée.
Notre gros malin continue. Cette fois, il s’agirait du voyage d’une racine grecque jusqu’à Rome, comme tel périple d’Énée depuis l’Asie Mineure. Car ce n’est pas une vague bouteille qui se serait jetée à la mer, mais rien moins que l’idée même de texte, c’est-à-dire l’organicité, la cohérence interne des mots assemblés, cousus entre eux. Peau, ou cloutage : la cohérence a une matière pour substrat. Mais justement, l’étymologie n’est pas «documentée», donc la cohérence ne peut ressortir à ce substrat. De quel gagnant-gagnant s’agit-il – et, en l’espèce, de quelle nouvelle victoire de Rome sur la Grèce peut-il être question ? Du ravissement, si j’ose user d’un terme chrétien, de la forme à sa matière ; quand les Grecs ont inventé cette articulation sans doute poussive de la matière et de la forme, Rome fait fulgurer une forme sans matière – en tous cas, sans matière repérée, sans substrat déterminé ; un substrat révoqué en doute. Cette fois, Quignard vise l’extase.
4. Pour le nucléus lit- (qu’il faut sans aucun doute préserver au cœur du mot littérature) il y a bien un litura parfaitement attesté au sens de rayure, incision, rature. Litera et litura sont très proches. Cicéron (Verr. II, 189) nomme liturarii les fac-similés, précisant qu’il désigne par là les simulations (adsimulationes) de lettres (litterae) et de ratures (liturae). Les Romains nommaient libri liturarii les brouillons autographes des écrivains. À la fin de la République les libri liturarii étaient mis en vente auprès des collectionneurs après que le librarius les avait eu recopiés et les avait fait éditer par les réviseurs grecs. Mais cela prouve, a fortiori, combien les anciens Romains étaient loin de confondre litura et litera. Litura, litus dérivent de lino enduire, recouvrir, recouvrir d’écriture, recouvrir de ratures. Lino est tentant à Rome parce qu’il réfère à une pratique éminemment romaine qui consiste à enduire une tablette de cire tiède. Une fois toute plane et séchée, on l’incise en écrivant sur elle les lettres séparées les unes des autres avec une pointe de bronze ou de fer qu’on appelle un stylus. Ce poinçon pique (stingo) la surface. Pour effacer on retourne le stylus et du plat de la lame métallique on efface la lettre qu’on ne veut plus voir. Mais le problème c’est qu’il ne s’agit pas d’une rature. Effacer n’est pas raturer. Une rature c’est inciser une incision pour en détruire l’aspect. Les premières ratures figurent sur les parois des grottes les plus anciennes. Ici, il s’agit très précisément de lisser la cire afin d’être en mesure d’y engloutir l’empreinte précédente. Lisser est tellement loin d’écrire. Dans la pièce d’Eschyle, après la mort d’Agamemnon sous les coups de Clytemnestre et d’Égisthe, après l’égorgement de Cassandre sous les coups de Clytemnestre, le chœur murmure ces deux vers : «Le bonheur est pareil à un croquis que fait un peintre sur l’argile lisse d’un pot. Trois coups d’éponge et c’en est fait de la trace écrite !» Reste – à mes yeux – combien sont proches et troublantes ces deux pratiques proprement romaines : enduire de cire une tabula de buis, enduire de cire le visage d’un mort. Dans le premier usage on arrive à la lettre (littera). Dans le second usage on arrive à l’image (imago).
Ah, ces hommes de lettres ! Dès qu’on a tant soit peu découvert leur procédé, il nous poursuit comme, dans la tombe de Caïn, l’oeil de Dieu. L’oeil de l’écrivain Quignard, que découvre-t-il, justement ? Eh bien il découvre, une fois encore (et pardonnez-moi mon psittacisme, mais ce n’est pas moi, c’est lui !), que tout ce qu’il nie est pure vérité et réception souveraine de toutes les contradictions ensemble, où la génialité romaine est censée se découvrir. Car notre auteur rassemble ici, en une vertigineuse Aufhebung, aussi bien l’incision que l’incision de l’incision, l’effacement et l’enduction, tandis qu’il nous rassure de ses fausses préventions logiques («effacer n’est pas raturer») qui se réservent pour les extatiques de son espèce : effacer, c’est enduire, c’est raturer, et c’est aussi lisser, et c’est aussi écrire, puisque le choeur d’Eschyle nous le confirme à sa niaise manière grecque (trois coups d’éponge et c’en est fait de la trace écrite) puisque l’écriture, justement, consiste à administrer ces trois coups d’éponge, autant que d’avoir tracé les premiers signes qu’on a là effacés, ou encore les signes qu’on a repassés par dessus, ou même gribouillés, jusqu’au vertige (souvenez-vous du monologue de Molly, ou de Lucky, selon votre humeur) – si bien que la littérature n’est rien, est tout, est tout ce rien, n’est rien que ce tout. La souveraineté de la littérature est ma foi coextensive à celle de l’Imperium romanum.
5. Pour finir, mais là il ne s’agit pas d’un jeu de mots, juste avant la mort de César, Cicéron donne une indication très précieuse, très précise, dans Div. I, 23 : A litteram humi imprimere. Écrire c’est «imprimer dans la terre une trace». Une littera est donc quelque chose qui s’enfonce dans une matière molle, un pied ou une griffe ou un sabot sur une plage de sable, un poinçon sur une brique d’argile crue, un stylus sur une surface de cire, qui se creuse sur du bois, qui se retire du marbre, qui appuie dans la dureté toute relative du bronze lors des inscriptions magiques antiques.
Enfin, Quignard termine par un moment de modestie – car c’est ainsi, tout auteur de littérature finit par faire le modeste. Qu’est-ce que c’est, finalement, la littérature ? Rien d’autre qu’une empreinte. «Imprimer une trace dans la terre.» Tel le moine bouddhiste qui aura fait sa mandala pendant des années puis la réduit à néant d’un coup de balai, il abolit sa grande réunion de tous les contraires possibles pour en faire, finalement, une écriture dans le sable. Pourtant, là aussi, un gagnant-gagnant est à l’oeuvre : ce trois fois rien, c’est finalement une inscription magique antique ; par la merveille extatique de la métaphore, Quignard réussit à s’approprier sur le fil la puissance magique de l’origine, de sorte que Beckett rejoint là, sur le fil, Paracelse et Gandalf le blanc. L’écrivain, «monsieur trois-fois-rien», est en même temps le plus grand mage qui soit, celui qui d’un je ne sais quoi, fait advenir le retour tant espéré des thaumaturges. Sans qu’ils en aient l’air.
En même temps, et là, nous serions autorisés à nous juger sceptiques (donc romains, mais d’une autre manière), nous avons bien vu que la littera ne se soutient pas d’elle-même, puisqu’il lui faut le concours d’un verbe tout autre : imprimere. Nous en reparlerons plus loin.
Vous voyez là, ce me semble, comment on fait en 2015 pour faire de la littérature. Avant toute chose, il ne faut pas avoir l’air bête, il faut même avoir l’air suprêmement intelligent ; une fois que c’est fait, qu’on s’est garanti sur ce plan-là, il convient de faire feu de tout bois. Car c’est ce que fait toujours un écrivain : il fait feu de tout bois. Tout ce qu’il trouve sous sa main, il le brûle. C’est nettement moins élégant, je vous assure, comme recyclage.
Après ce parcours que d’aucuns jugeraient éblouissant, mais qui me paraît, non pas sophistique, je ne suis pas si grec, mais en fait assez balourd justement parce qu’il vise l’éblouissement, Quignard en vient au sens obvie. Voici ce qu’il dit :
Je quitte maintenant cette quête toute spéculative de l’origine du mot de littérature. Je vais poser les pieds – imprimer mes pieds – sur une terre plus solide. Au sens strict le mot litteratura désigne l’abécédaire (ce que les Grecs appellent l’alphabet). Le litterator est celui qui enseigne l’écriture aux petits enfants. Dans un premier temps litteratus est celui qui connaît «analphabète»). Dans un deuxième temps c’est celui qui sait non seulement lire mais qui sait aussi écrire. Enfin, dans un troisième temps, le litteratus, le lettré, est celui qui est capable du «litteratum otium», celui qui va du vide qui sépare les lettres jusqu’au vide qu’il distend dans l’affairement social et jusqu’au vide qu’il impose dans le dialogue oral. Ce vide est le silence que requiert leur lecture. C’est ainsi que le lettré, à Rome, en est venu à désigner l’homme libre, celui qui est capable de l’étude, du loisir studieux, du plaisir de lire seul, dans son murmure ou son silence, à l’écart des autres hommes. Là, il déroule les volumes où sont enroulées les colonnes de lettres qui ont été notées par les vivants aussi bien que par les morts, sans marquer la moindre différence de statut.
C’est là que je vais finir notre exercice de lecture, en vous rappelant la première citation :
Le livre dans le monde extérieur est le seul produit qui contienne totalement l’extériorité de l’extérieur. Il est expression sans retour. Parole complètement crevée dans l’espace, où la sonorité a disparu, où toute trace de souffle et de chaleur s’est dissipée, où toute proximité spatiale ou temporelle s’est dissoute, où toute brume humaine s’est effacée, où toute vie est dans la mort. L’écrit dans le livre fait entrer son lecteur dans un passé qui n’a pas été vécu par lui. L’écrit ouvre la porte à un passé au-delà du passé. C’est ainsi que la littérature invente le jadis.
Du début à la fin, une fois arrêté le rituel de fascination, le rituel effectivement magique que Quignard a tenté de produire devant nos yeux, qu’avons-nous ? D’une part, l’homme libre, dont la définition pourrait bien être qu’il fréquente indifféremment les vivants et les morts, et d’autre part, l’écrit comme jadis – c’est-à-dire, comme le passé de personne, l’absence de souffle, de chaleur, et le triomphe définitif de la mort. Avons-nous là, peut-être, une définition de la littérature ?
Est-ce que la littérature est l’effacement de la vie ? Souvenons-nous de l’art poétique de Verlaine : «De la musique avant toute chose/ Et pour cela préfère l’Impair, / Plus vague et plus soluble dans l’air : /Rien en lui qui pèse ou qui pose».
Vous connaissez tous cette première strophe ? Mais la dernière, la connaissez-vous ? Oui, du moins son dernier vers :
«Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.»
La littérature, c’est tout ce qui n’est pas cette bonne aventure. En fait, il semblerait que Verlaine, en contempteur de la littérature, ait lu là M. Quignard. Mais quoi, les lettres sont-elles donc ces momies, ces réductions de têtes, ces scalps apprêtés pour vaincre la mort en s’y équivalant ?
Vous me direz : comment pouvez-vous conclure, quand bien même votre lecture tendancieuse de Quignard aurait quelques traits de vérité, de ce Verlaine qui n’a tout de même pas gagné son brevet d’intelligence littéraire, qui n’est pas Mallarmé, que diable, que la littérature est le triomphe de la mort, ou en tous cas la sortie de la vie et du monde ?
Je vous répondrais : mais enfin, vous avez entendu MM Blanchot, Foucault et Sartre – vous avez bien vu le fond de pessimisme sur quoi cette prétention même à la littérature s’inscrit. Je pourrais enfin jouer à mon tour le grammairien, en bon écrivain professionnel qui rejoint en effet le journaliste dans l’incompétence sur tous les sujets qu’il convoque : tout simplement, qu’est-ce que la littérature, en français ?
Le suffixe -ure est le résultat d’une action. Ainsi la peinture est le résultat de l’action de peindre. Ou la moulure est le résultat de l’action de mouler. Alors la littérature sera le résultat de quelle action ? La lettre est-elle une action ?
Vous répondrez que cette recherche dans les suffixes n’est pas valide, puisque justement, ça ne veut rien dire, sans compter que litteratura existait bien en latin, si bien qu’on n’a pas à faire comme si c’était un mot français, fabriqué par les Français. De sorte que nous voilà, à l’inverse des Classiques de Foucault, celés, enfermés dans un mot latin, alors que nous tenions la langue qui était justement censée en produire l’apparat !
Notre choix est donc soit cornélien, soit hugolien : ou bien nous retrouvons l’antique sous nos stances, ou nous nous livrons au grand n’importe d’une action sans verbe. Pour le moment, c’est toute notre définition de la littérature.
***
Le sagesse des Pères nous y avait encouragés : avec le rusé, il faut être rusé et demi. Or je ne suis pas capable d’être rusé, mais au moins, je peux faire semblant d’être romain – si Rome, à en croire Quignard ou Pinchard, deux Normands, donc deux conquérants de l’Angleterre, si bien qu’ils sont effectivement en droit de dire ce qu’est Rome, c’est le triomphe de la mort. Triomphe, comme un arc, comme un événement impérial.
(Laissez-moi seulement dire que chez le personnage célèbre, à savoir Quignard, je trouve que, sous des dehors de grande habileté, ce triomphe m’apparaît sinistre ; tandis que chez l’écrivain encore obscur, à savoir Pinchard, je vois, dans son Hespérie, et malgré toute la distance que je réserve à ses affirmations, une vivacité, une vitalité et une inspiration de poète qui me paraît largement distancer l’effort qu’il fait pour couler sa parole dans une tombe.)
Je vais seulement, pour finir, convoquer ici, en manière de contraste, deux énoncés talmudiques dont la visée essentielle est d’aller vous faire mal dormir, maintenant que vous m’avez écouté trop longtemps et que la migraine est certaine.
Pour commencer, il s’agit d’une haggada du Talmud, dans le traité Guittin.
ואמר אי אלהימו צור חסיו בו זה טיטוס הרשע שחיר וגיד כלפי מעלה. מה
עשה? תפש זונה בידו ונכנס לבית קדשי הקדשי, והציע ספר תורה ועבר עליה עבירה, ונטל סיי וגידר את הפרוכת, ונעשה נס והיה דם מבצבץ ויוצא, וכסבור הרג את עצמו,Talmud de Babylone traité Guittin 56 b
«Où est son dieu, ce rocher qui lui sert de refuge ?» (Dt 32, 37), ce verset est placé dans la bouche de Titus. C’est ce même Titus qui blasphéma et profana le nom du Ciel. Que fit-il ? Il prit une prostituée, entra dans le Saint des saints, et étala sur le sol un rouleau de Tora sur lequel il forniqua avec elle. Puis il prit un glaive et déchira le rideau [qui séparait la Saint des saints de la salle sainte]. Il y eut un miracle et du sang se répandit au point que Dieu s’était tué lui-même.
C’est ainsi que le Talmud voit l’empereur de Rome au moment où il détruit le temple de Jérusalem. Ce récit terrifiant est plus terrifiant à mesure qu’on le pense davantage. Car sitôt dépassée la caricature de l’ennemi, qu’est-ce que ce texte nous révèle ? Que, dans le Saint des Saints, l’empereur pénètre et s’exclame : «il n’y a rien, ici». Prenons la mesure de la chose : le Saint des Saints, c’est le lieu où le nom imprononçable, où, pour les Juifs, le seul nom imprononçable (souvenons-nous de ce que nous avions dit, avec Foucault, tout à l’heure, que tous les noms l’étaient) est prononcé. C’est donc le lieu qui effectue, qui réalise en acte la résidence de la transcendance parmi les hommes, et donc dans le langage. A cela, que vient répondre l’empereur de Rome ? A cette séparation opérée par la tenture qu’on appelle la parokhet, qu’est-il fait ? Il est apporté un coup de poignard, un coup de stylet, dirait Quignard. Et là, est découvert un vide, qu’on remplit de quoi, en somme ? De sexe. On se croirait dans un roman de Quignard. Mais je ne crois pas que Quignard serait allé jusqu’à mettre en scène un suicide de Dieu. C’est dire si les maîtres du Talmud avaient compris la littérature, en la révélant dans sa scène maximale.
Permettez-moi de déchirer le rideau une deuxième fois :
«Et voici, le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient morts ressuscitèrent.…»
Que viens-je ici de vous lire ? L’évangile de Mathieu, 27:51. Il s’agit de la mort de Jésus.
Le vide de Dieu, ou la mort de Jésus. Là où le langage tire son origine absolue – où se découvre, exactement comme Foucault le disait, ce langage livré à lui-même, sans origine absolue : c’est, si je puis dire, la naissance de la littérature, racontée en deux scènes symétriques, qui ont toutes deux pour motif, de quelque côté qu’on se place, la mort de Dieu.
Vous voyez qu’on ne sort pas de Rome, dans notre petite séance de ce soir. C’est qu’ils sont très mystérieux, nos maîtres talmudiques, qui veulent, depuis les temps michniques puis midrachiques, jusqu’à ce Maharal de Prague qui sévissait au 17e siècle, que l’Occident soit Rome et que Rome soit l’Occident, surnommé Edom !
Sur Rome, un dernier énoncé, et j’en aurai fini. Un dernier énoncé redoutable du Talmud qui vient croiser celui du Talmud de Jérusalem selon lequel la langue de Rome est belle pour le combat, tandis que la langue de la Grèce est belle pour le chant, et la langue hébraïque, pour la parole.
Car dans le traité Avoda Zara 10a, le Talmud est beaucoup plus sévère ; il dit, des Romains – ce qui vous rendrait furieux un Quignard – : «Ils n’ont ni écriture ni langue».
Quoi, les Romains, les Romains de Virgile, d’Horace et de Catulle, d’Ovide et de Cicéron, et de Sénèque, et de Jules César n’ont pas de langue ? Mais quoi, la langue universelle, la langue extensive, la langue encyclopédique, la langue encerclante des Classiques relus par Foucault n’est-elle pas une langue ?
Sur ce point, Benny Lévy, dans son article sur le Messianisme, énonce une thèse qui nous apparaîtra familière : il dit (je le cite de mémoire) que la Grèce se voit attribuer une langue et une écriture, parce qu’elle est productrice de Hohma, d’intelligence. Tandis que Rome, du point de vue de la hohma, se fait le parasite de la Grèce. Pardon, la répétitrice de la Grèce. On sait avec quel génie. Benny Lévy se fait en l’écho de Tossefot : «Les Romains ont appris leur langue d’une autre nation.» Mais n’importe, répond, appuyé sur les grands glossateurs médiévaux, les répétant en fait – ce qui n’est pas rien devant un public intellectuel, à la fin du 20e siècle ! Benny Lévy. Rome n’est pas à la source, or n’est véritablement écriture, et langue, ici, quoi qu’en dise Quignard, c’est exactement identique, que ce qui invente, per se, une voie à lahohma. C’est cela qu’une langue, pour le Talmud. L’événement d’une radicalité de l’intelligence.
Deux scènes : la découverte d’un vide, et le décret d’un vide. Vide du Saint des Saints, vécu par l’empereur de Rome, qui ne supporte pas de découvrir que rien est là la source de toute diction, rien et non pas quelque chose. Car dire qu’il n’y a rien d’abord, c’est dire que la diction, que la nomination est de l’ordre de la création. De l’invention. Telle est la hohma, et telle est la vocation de la langue, pour les maîtres du Talmud.
A cela, la littérature, lue diversement par Blanchot, par Foucault, ou par Quignard, avec les fortunes que l’on sait, répond par le vide dans lequel elle se déploie ; non le vide d’où elle part, car elle part toujours de ce qui a déjà été dit, de quelque reste, puisé sur le rivage, dans la vie, quelque part, mais où elle démontre, comme Titus derrière le rideau du temple, qu’il n’y a là, finalement, rien. Je pense que Flaubert avec sa bêtise, que Balzac avec sa grosse bête sociale dévoratrice du genre humain, et même que Stendhal avec sa gaieté pour happy few ne sont en désaccord ni avec le triomphe de la mort, ni avec le rien qui est au fond de leur geste – au fond le plus secret, peut-être, mais aussi le plus béant de leur geste.
Savez-vous quel est le lieu qui est le plus éloigné de l’apparition de la lumière ? De sa première et native apparition ? C’est le lieu qui fascine aussi bien Quignard que Hegel, ou que Claudel dans son Tête d’or. Ce lieu, c’est évidemment celui du soleil couchant. L’ouest. L’occident.
Invention occidentale de la littérature.
Habiter en étranger la langue romaine, produire en elle une sécession, faire advenir, malgré elle et son penchant, la nouveauté, la création, et non ces extases devant le rien dont Quignard nous a donné une somptueuse démonstration, mais pour quoi, au fond – habiter en étranger la langue de l’empire du rien pour en faire surgir quelque chose, voilà ce qu’ont fait, à mon avis, tous les grands poètes et les grands écrivains de qu’on ce appelait plaisamment, jadis, la zone indo-européenne.
Mais alors, nous conviendrons qu’il ne faut pas appeler cela la littérature. Vous savez quoi ? Il n’y a pas encore de nom pour ça. Et moi, quoiqu’en disent les pleureuses, ça me réjouit.