Bernard-Henri Lévy, en tournée pour sa pièce Looking for Europe, un monologue où il défend sa vision du continent dans la perspective des élections de mai 2019, se produit mercredi 10 avril à Budapest. Après Milan, Athènes, Madrid ou Bruxelles, le philosophe a tenu à faire de cette étape hongroise pour laquelle, comme à chaque fois, il a réécrit le texte de la pièce en l’adaptant au paysage politique et culturel local, un moment spectaculaire. Cette nouvelle représentation, dans un pays sous le coup d’une procédure pour menace systémique visant les valeurs d’UE, intervient en effet alors que le gouvernement de Viktor Orban cristallise le débat européen. Le Fidesz a été suspendu du PPE en mars, et le rapprochement de la Hongrie avec l’Italie de Matteo Salvini est perçu, par beaucoup, comme les prémisses de la constitution d’une coalition de «populistes» dans le futur Parlement européen.

BHL a accepté une rencontre privée avec le Premier ministre hongrois ce lundi 8 avril. Cette conversation a duré deux heures et demi dans les bureaux du Premier Ministre. Difficile d’imaginer deux points de vue plus dissemblables quant à l’avenir du continent. Pour le philosophe français – qui a récemment échangé des mots acerbes sur Twitter avec Matteo Salvini – la tournée de sa pièce a précisément pour but de défendre une Europe ouverte, libérale, démocrate, bâtie autour de valeurs universelles, contre les populistes et le repli identitaire. M. Orban, lui, est dans un conflit ancien mais exacerbé avec les différentes institutions européennes. Depuis la fin 2011 la pratique du pouvoir d’Orban est critiquée par les observateurs, pour, entre autres, sa volonté d’étouffer les contre-pouvoirs et spécialement le système judiciaire, pour son traitement inhumain des migrants, et ses atteintes graves à la liberté académique comme médiatique.

Qu’attendre dès lors d’une telle rencontre ? BHL voulait sans doute comprendre les ressorts politiques d’un homme passé de la lutte anti-soviétique, et rendu célèbre par son discours contre l’impérialisme russe en 1989, à une alliance avec Vladimir Poutine, ancien du KGB ; d’un leader libéral, proche de Soros, étudiant à Oxford et auteur d’une thèse sur la résistance de la société civile polonaise, à celui qui maltraite la liberté de la presse, de la justice, et le droit des étrangers, comme la protection des libertés fondamentales.

Par ailleurs, la tournée Looking for Europe est l’occasion, pour l’intellectuel engagé, de prendre le pouls des sociétés des 22 pays européens qu’il traverse et de mener un «Grand tour» d’Etats-membres hantées par la fièvre populiste, en confrontant ses idées au réel de la mosaïque européenne.

Voulant «empoigner les cornes du taureau» selon les mots de Michel Leiris, BHL a fait le pari de la pédagogie, au cours d’une conversation serrée, et de l’éthique d’une discussion franche, parfois abrupte, avec le Premier ministre hongrois, sur le thème de ce que Lévy considère être une trahison cynique, vaine, et néfaste, de ses propres idéaux par Orban. Le philosophe a pointé les contradictions de Viktor Orban – ancien dissident devenu autocrate et anti-européen, héraut supposé du «peuple» et du «souverainisme» mais asservi à Poutine.

Surtout, BHL est arrivé comme récipiendaire de la parole de la société civile hongroise, chaque jour un peu plus mise sous le boisseau. Quelques heures plus tôt, le philosophe avait en effet rencontré le recteur de l’Université CEU (Central European University), M. Ignatieff, menacé d’expulsion par le gouvernement d’Orban. Puis, au cours d’une grande rencontre avec les visages de l’opposition démocratique, BHL avait convié les principaux activistes anti-Orban (intellectuels, artistes, associations) tels que Viktor Lorincz (sociologue engagé dans la défense de l’autonomie de l’Académie des sciences) ou Gabor Ivanyi (pasteur, figure de proue dans le combat pour les sans-abris, les réfugiés, les Tziganes et dans la lutte contre M. Orban). Mais aussi : Laszlo Gabor Eros (sociologue, élu local), Timea Szabo (co-présidente du Parti du dialogue pour la Hongrie et députée), Zsolt Enyedi (pro-recteur à la CEU), Anna Lengyel (dramaturge, traductrice, directrice artistique de PanoDrama, association vouée à l’éducation artistique des jeunes) et Pardavi Marta (juriste, membre du comité Helsinki) ainsi que plusieurs dirigeants du parti Momentum dont Anna Donath, Daniel Berg et Zsofia Naszados.

Ainsi la rencontre avec Viktor Orban a été l’occasion pour Bernard-Henri Lévy de se faire le messager des exaspérations, de l’indignation, du désespoir parfois, de ces acteurs engagés en faveur des minorités et de la démocratie. Fidèle en cela à une longue carrière de promotion des Droits de l’Homme, le «Nouveau Philosophe» a pu étayer son débat critique avec le chantre de la démocratie «illibérale» par l’évocation des atteintes à l’État de droit perpétrées par le gouvernement hongrois.

 

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Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.
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Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.
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Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.
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Rencontre avec le recteur de la prestigieuse université CEU (Central European University), qui va être «fermée» par Viktor Orban, et devra être excentrée à Vienne. La ville autrichienne ayant accepté de l’accueillir. Photo : Yann Revol.
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Rencontre avec le recteur de la prestigieuse université CEU (Central European University), qui va être «fermée» par Viktor Orban, et devra être excentrée à Vienne. La ville autrichienne ayant accepté de l’accueillir. Photo : Yann Revol.
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Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.
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Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.
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Rencontre avec le recteur de la prestigieuse université CEU (Central European University), qui va être «fermée» par Viktor Orban, et devra être excentrée à Vienne. La ville autrichienne ayant accepté de l’accueillir. Photo : Yann Revol.
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Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.
Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.
Bernard-Henri Lévy rencontre des opposants au gouvernement Viktor Orban, le 8 mars 2019 à Budapest. Photo : Yann Revol.

4 Commentaires

  1. Au camarade présomptueux qui s’imaginerait que je n’ai pas encore saisi son petit jeu quand je ne fais que me refuser à lui rentrer dedans : Je n’apporterai jamais mon franc soutien au vaillant défenseur de l’État juif qui se présentera comme le candidat le plus fort pour vaincre Netanyahou, mais à celui qui se sera démontré plus capable que lui de déprogrammer les exterminateurs d’Israël. Ce n’est pas en qualifiant de fantasmes issus du prétendu esprit machiavélique d’un populiste jouant sur les peurs d’une populace encline au repli nationaliste, que les saints-protecteurs du Pis-Accord (à l’exception de tous les autres) parviendront à me mettre dans les meilleures dispositions.

  2. Les cryptoblocs ont opté pour un retour à Yalta, — et ça ne date pas de Trump ! Plus que six ans avant la date de péremption de l’accord de Vienne. C’est dans ce dessein qui n’est pas le sien que tergiverse le président Rivlin. Nous concevons qu’il puisse avoir beaucoup de mal à digérer une partie du programme de son rival du bloc de droite, une position qui n’est pas sans rappeler la dualité Peres/Netanyahou au sommet de l’État juif, pas si humiliante pour le premier des deux, plutôt favorable à l’inspiration, absolument pas déshydrogénante en matière de rayonnement international. Une chose est sûre, l’homme qui a fait de la Silicon Wadi une étape incontournable pour les architectoniciens de la révolution numérique, sait aussi parler à N° 11, entretenir avec lui une relation d’états à états, garder un œil ouvert sur le sacro-saint principe onusien de respect mutuel des souverainetés respectives. Bibi ne dicte jamais sa conduite au Pygmalion de ses ennemis ; il se borne à l’instruire de ce qu’il serait amené à faire lui-même — avec le soutien de la première puissance mondiale — au cas où il estimerait que les secousses géostragiques engendrées par les ambitions de son grand voisin représentent un danger existentiel pour son propre pays. Ça nous fait grincer des dents, mais cela évite au corps du roi de subir une menace de cassage en deux, au cas où il aurait décidé de poursuivre sur ce ton-là, avec Vlad II.

  3. Qu’elles soient iahvistes, védistes, confucianistes, bouddhistes, chrétiennes, musulmanes, bogomiles ou nénètses, les masses migrantes ou sédentarisées sont des derviches tourneuses. Dans quel bain tournoient-elles ? Les vautours avec lesquels dut manœuvrer Netanyahou sur la scène internationale ne laissent pas de place aux tempêtes sous le crâne. Orbán est un symptôme. Retranchons-le de l’Oxydant, et il en surgira un autre. Puis un autre. Puis un autre.

  4. Les cautionneurs de la Terreur totale déclarent, à l’occasion des législatives israéliennes, n’avoir pas besoin « d’un gouvernement qui ne croit pas en la paix », et par paix, ils se croient seuls à entendre la Pax Islamica. Pour paraphraser Audiard, les négationnistes, ça fausse tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.