Est questionnée ici la façon dont le Président Trump s’adressa à un jeune journaliste du Kurdistan lors d’une conférence de presse en marge de la récente Assemblée générale des Nations-Unies.

Rahim Rashidi, levant la main en vue d’interroger le Président sur les relations avec les Kurdes et sur son plan pour contrecarrer l’influence iranienne au Proche-Orient, fut invité par ces mots : «Oui, d’accord, Monsieur Kurde, allez-y.» Fort cavalier, ce «Monsieur Kurde», pensèrent beaucoup. Quoiqu’il en soit, la chose ne manqua pas de faire débat.

S’ensuivit le scénario habituel : les réseaux sociaux se déchaînèrent, un torrent de commentaires prit le relais, les tweetos et les vrais gens dénoncèrent la vulgarité de la posture. Je posai moi-même la question à des personnes de mon entourage (qui appartiennent, pour l’essentiel, aux cercles libéraux de New York). La plupart étaient consternés. L’inélégance, le manque de sensibilité et le penchant à abaisser les journalistes, tout cela n’était que trop familier. Sauf qu’à la stupeur générale, «Monsieur Kurde», lui, se montra aux anges, et avec lui de nombreux Kurdes, à Washington comme à Erbil.

A leurs yeux, fût-ce de façon profondément maladroite, le Président des Etats-Unis prenait le parti de l’existence d’un groupe, marginalisé et opprimé depuis des lustres, de trente cinq millions d’individus à cheval sur l’Irak, la Turquie, la Syrie et l’Iran, privés de leurs droits et se battant depuis un siècle pour se doter d’un Etat. Un peuple noble, faisant resplendir un islam des Lumières. Un peuple où les différences ne sont pas simplement tolérées mais bel et bien célébrées. Sans parler des vaillants Peshmerga qui ne ménagèrent ni leur âme ni leur chair ni leur sang pour s’ériger en rempart contre la barbarie de Daech. Ces hommes braves n’étaient-ils pas les meilleurs amis des valeurs et les plus solides alliés sur le terrain dont l’Occident pouvait rêver ?

Sur ce point, selon ces Kurdes, le Président Trump alla droit au cœur du sujet : «Nous devons les aider. Je veux les aider. Ils ont combattu avec nous. Ils sont morts avec nous. Beaucoup sont morts. Nous avons perdu des dizaines de milliers de Kurdes, qui sont morts en luttant contre Daech. Ils sont morts pour nous et avec nous. Et pour eux-mêmes. Ils sont morts pour eux-mêmes. Ils sont un grand peuple. Nous n’avons pas oublié. Nous n’oublions pas.»

Oui, «Monsieur Kurde» fut transporté par cette scène. En deux petites minutes, le Président l’avait nommé, lui et par extension le peuple kurde. Et il avait mis à profit cette rampe de lancement pour parler de son combat. Pour moi et mes amis libéraux de NY, ce «Monsieur Kurde» était désinvolte et vulgaire. Pour les intéressés c’était une dose d’espoir pour le futur.

Après, la vraie question est : le Président Trump se montrera-t-il fidèle à sa parole, et l’Amérique à son engagement ? Aujourd’hui c’est l’anniversaire du début de la bataille de Kirkouk. A la mi-octobre 2017, les forces irakiennes et les milices chiites sous contrôle de l’Iran massacrèrent et pulvérisèrent Kirkouk à grand renfort de tanks Abrams américains. Ce fut une violence dévastatrice. Environ cent mille Kurdes furent déplacés. Tous ces jours tragiques, l’Occident «oublia» la contribution sans prix que le peuple kurde avait versé à nos valeurs communes et notre civilisation.

Une année est passée. La situation a-t-elle changé ? Le temps de la la réparation est-il venu ? Je l’espère de tout mon coeur. Mais, hélas, j’en doute.


Emily Hamilton est executive director de Justice for kurds.