Le festival a un thème chaque année. Cette année c’est le genre. Une professeur de la Sorbonne donnait une conférence sur le «Drag King» mise en scène par David Bobbée. Le genre est une construction sociale. Il y a des «personnes assignées femmes», des «personnes assignées homme». Le terme «masculinité» doit être préféré à celui d’«homme». La question «peut-il exister du masculin sans les hommes» doit être posée. Celle de la transmission des savoirs sans création de pouvoir. Il existe des ateliers «homme pour un jour». Il s’agit de «reprogrammer le genre» et de «s’approprier les codes par la performance». De «devenir plus fort par le travail avec les autres» et de «devenir un corps collectif». Je prenais des notes. J’ai noté : c’est comme le développement personnel comparé à la psychanalyse, un discours et des techniques. La professeur a expliqué cis-genre, cis-normativité. Elle a dit : «Cela interroge aussi la classe sociale». Quelqu’un a lu un texte au micro : «Si on est bourgeois, on a le droit d’être cultivé, fin, sensible aux arts, de s’extasier sur un tableau en poussant des petits cris, si on appartient au peuple, on n’a pas ce droit, donc la bourgeoisie opprime le peuple par la virilité, à travers la figure du “garçon du peuple”, il croit que “le mec ça existe”, “il fait l’homme”». Le public a applaudi. C’était un texte de Guillaume Dustan. Je me suis souvenue d’une conversation avec lui. J’ai revu la scène. Lui, au premier étage du Café Beaubourg me racontant qu’une amie à lui, qui avait vécu un inceste avec son père, lui avait dit que ça s’était bien passé. Moi, descendant l’escalier peu de temps après, en train de penser : «Je ne veux plus jamais le revoir». La prof de la Sorbonne a dit : «Notre corps est vu. Il diffuse quelque chose qui peut être vu comme oppresseur». Quelqu’un a dit au micro qu’on pouvait se constituer une moustache avec des cheveux coupés, utiliser des attitudes considérées comme masculines, construire une «sexualité dissidente». La prof a repris la parole : «A travers l’appropriation des prothèses, on transforme le travestissement en acte de subversion.» Une femme s’est approchée du micro. Depuis qu’elle avait le droit d’être un homme, elle a dit qu’elle avait plus confiance en elle, et qu’elle jouait à être une femme. Le spectacle s’est terminé. Les gens ont applaudi debout.
De retour à l’hôtel, j’ai noté une phrase de Marguerite Yourcenar : «La première remarque qu’on ferait, c’est qu’une femme est un être humain. Dans tout ce qui ne touche pas à l’ordre sexuel, évidemment c’est considérable, comme domaine, elle se comporte comme un homme, physiologiquement, elle digère, son cerveau fonctionne, elle marche, elle se sert de ses mains pour saisir les choses et pour travailler, l’ensemble de son organisation est une organisation humaine. (…) Quand des femmes viennent me parler, je leur pose une question : “Combien de fois par jour, vous sentez-vous femme ? Vous éprouvez-vous comme femme ?” C’est beaucoup moins fréquent qu’on ne croit.» Elle citait trois cas. Quand elles achètent une robe. Quand elles achètent des chaussures. Ou qu’elles vont aux toilettes dans un lieu public, et cherchent le signe avec une robe sur la porte. J’ai décidé de poser la question à des personnes que j’allais rencontrer ici. J’ai fait une petite liste. Laure Adler, Sami Frey, Carole Thibaut, Jean-François Derec, Thomas Jolly, Natalie Dessay.
Laure Adler
Je lui ai lu la phrase de Yourcenar, puis :
– Vous, Laure, combien de fois par jour, vous sentez-vous femme ? Vous éprouvez-vous comme femme ?
– Très rarement. Pratiquement jamais. Depuis que j’ai compris que j’existais… Il m’a fallu du temps, la psychanalyse, et l’aveu de ma mère, elle voulait un garçon, le jour de ses soixante ans elle m’a dit qu’il y avait eu un enfant avant moi, un garçon, qui est mort. J’étais l’aînée, mais la fausse aînée. Je me dis que j’ai raté beaucoup de choses. Mais en tout cas le fait que j’existe ne passe jamais par cette question-là. La fille, c’était ma sœur, elle avait des cheveux de fille, la sexuation d’une fille, ravissante, blonde, aux yeux verts, elle avait une taille, des hanches, tout le monde disait «qu’est-ce qu’elle est belle.»
– Vous non ?
– Moi jamais. J’avais l’air d’un garçon. On m’appelait Boeing 747. Parce que j’avais les oreilles décollées, elles le sont toujours, j’étais un garçon. Je jouais avec les garçons. Je portais des bermudas, des shorts, je n’avais pas d’amies filles. Mes copains c’étaient les garçons. J’étais la chef des garçons.
– Comme quand vous avez dirigé France Culture ?
– Non. A France Culture je me suis entourée de femmes. Mais ce qui est vrai : ç’a été l’acmée de mon assignation femme. Avec toutes les insultes. Tout le déshonneur déversé sur mon individu femme.
– Quelles insultes ? Folle ?
– Folle, putain de la République, tous les jours il y avait des caricatures devant la cantine. Qui me représentaient en minijupe avec les seins qui sortaient du soutien-gorge. Je suis allée voir ici un spectacle, Trans, composé notamment de témoignages, et sur scène quelqu’un a dit : «On n’a pas besoin d’avoir un pénis pour être un homme.» Je me suis dit : «Et moi j’ai passé mon temps à ne pas vouloir être considérée comme de sexe féminin !». J’ai pensé que j’avais raté beaucoup de choses.
– Qu’est-ce que vous avez raté ?
– La jouissance sexuelle.
Elle rit, elle reprend.
– Oui. Carrément. Car j’ai passé mon temps à avoir peur.
– Ça, je ne sais pas pourquoi on ne le dit pas, dans les débats qu’il y a partout en ce moment, on peut avoir peur, de la pénétration notamment. Pas besoin d’avoir été violée pour ça.
– Exactement. Ma mère disait des choses comme : «Il faut en passer par là». Ou une expression qu’on n’emploie plus maintenant : «Passer à la casserole».
– C’est une dimension qu’on n’aborde plus, depuis la liberté sexuelle, comme si ça ne faisait pas peur la pénétration. Comme si la seule question c’était de se sentir homme ou femme aujourd’hui. Qu’il n’y avait plus qu’une question d’identité. Il peut y avoir une peur de l’intrusion.
– Je me suis mariée très jeune. J’ai été enceinte à 17 ans. J’étais mariée avec un homme de gauche, un intellectuel, pas question d’avorter pour autant. C’est dans ce contexte que j’ai commencé à fréquenter ce qui était le début, le tout début, le début, vraiment, des mouvements de libération des femmes. A 18 ans. Et je ne sais pas si je serai vivante aujourd’hui s’il n’y avait pas eu ces réunions de femmes deux fois par semaine. J’ai fini par les quitter. Parce qu’il fallait être homosexuelle en fait pour rester et être acceptée. Là aussi je me dis que je suis peut-être passé à côté.
– Je pense pas que ce soit facile non plus.
Sami Frey
– Je ne sais pas quoi dire en fait. Je suis un homme, point. Je ne suis pas une femme. Il faudrait reprendre ce que dit Yourcenar, physiologiquement, point par point, mais c’est différent. Il y a déjà une différence : une femme peut faire un enfant. Un homme aussi. Elle peut le faire seule. Un homme ne peut pas.
La veille, il a lu des extraits de Molloy, de Beckett, dans la cour du Musée Calvet.
– Hier, les gens semblaient heureux de vous entendre, au début, votre voix, «Sami Frey a une belle voix». Je regardais la salle, j’étais sur le côté. Ils avaient l’air heureux d’être là, parce que «Sami Frey a une belle voix», mais le texte semblait avoir du mal à accrocher. Au début, au tout début. Et puis, ça s’est fait. Ça s’est noué. Peu à peu. Par les mots. Vous aviez un rapport intime aux mots en les prononçant. Une façon intime de les prononcer, une façon intime de les transmettre, et c’était exactement la même intimité que chacun de nous éprouve dans son rapport aux mots. Avec chacun d’eux en particulier.
– Il y a quelque chose d’incroyablement intime. Ecrit d’une manière incroyablement intime, dans Beckett. Je devais faire une lecture de Cap au pire, je ne comprenais rien. La pièce se jouait quelque part dans Paris, j’y suis allé, un dépliant était distribué dans la salle. Dans ce dépliant, il y avait une phrase de lui qui m’a beaucoup aidé.
– Vous vous en souvenez ?
– Je ne m’en souviens pas en totalité. Mais il y avait un morceau qui disait : «Je me prends dans mes bras.» Je me souviens de ça. C’était dans Textes pour rien. Les mots, c’est une rencontre. Moi, il y a un moment que je côtoie les mots. C’est long, cette histoire. C’est une rencontre. Vous allez vers eux. Ils vont vers vous. Parfois je passe à côté. La promiscuité avec les mots fluctue. Mais il y a un moment où ça passe.
Au moment où il dit «il y a un moment où ça passe», il sourit.
– Vous souriez.
– II y a un moment où ça passe, et c’est délicieux.
– Dans la presse, à l’occasion de sa mort, il a été question des débuts de Claude Lanzmann, comme portraiste à Elle. Il avait fait un portrait de vous, à vos débuts.
– Je l’aimais beaucoup. Claude, c’était un homme romanesque. Lui il avait vraiment des mots pour le dire. A cette époque-là, mon rapport aux mots était très approximatif. Vers 58-59. J’avais un rapport difficile aux mots. Dans leur emploi surtout. Claude avait écrit dans ce porttait de Elle : «Un jour, il jouera Beckett». C’est incroyable.
– Vous avez marqué les gens, notamment avec Je me souviens…
– Les choses arrivent comme elles arrivent. Je ne savais rien de Perec. Un jour à la Fnac, je tombe sur Je me souviens. Je le feuillette. C’était trop bien. Je ne l’ai pas acheté. Evidemment c’était trop bien. Quelques mois plus tard ou quelques semaines, Crombecque m’appelle. Il était directeur du festival d’Avignon, à l’époque. Il me dit qu’il va programmer des textes de Perec. Je retourne à la Fnac. Cette fois, Je me souviens, je l’achète. Je ne savais rien de Perec. Je ne savais pas son histoire. Et je découvre que c’est la même que la mienne. Il habitait Belleville. J’habitais Belleville. Ses parents avaient été déportés. Ma mère avait été déportée.
– J’aimerais vous poser une question personnelle…
– Je ne vous répondrai pas.
– Personnelle mais qui me concerne. Pas personnelle sur votre vie. C’est quelque chose qui me concerne, que j’aimerais vous demander depuis des années. Depuis quinze ans. Vous avez tourné avec Laetitia Masson, La Repentie. Il y a quinze ans, à peu près. A l’époque du film, je fréquentais Laetitia Masson.
– Elle vous avait dit que je vous lisais ?
– Oui. Mais ce n’est pas ma question. Vous lui auriez dit apparemment à mon propos : «Il faudrait qu’elle m’écrive le monologue du père». C’est vrai ? Vous vous en souvenez ?
– Je ne m’en souviens pas. Je ne sais pas.
– C’est possible que vous ayiez dit ça il y a quinze ans à propos du père de L’Inceste ? Ça compte le sentiment que peut avoir un acteur.
– Il faut faire attention. C’est de la peau. Tout le monde doit faire attention.
– C’est-à-dire ?
– C’est de la peau. Il faut faire attention à la sensibilité des uns, et des autres. Il faut faire attention à la sienne. Ne pas en faire abstraction. Il ne faut pas faire abstraction non plus de celle de l’autre. Avec les auteurs vivants, il faut faire très attention. C’est très difficile.
Le lendemain, j’ai cherché la phrase de Beckett : «C’est comme ça que j’ai tenu, jusqu’à l’heure présente. Et encore ce soir ça a l’air d’aller, je suis dans mes bras, je me tiens dans mes bras, sans beaucoup de tendresse, mais fidèlement, fidèlement. Dormons, comme sous cette lointaine lampe, emmêlés, d’avoir tant parlé, tant écouté, tant peiné, tant joué.»
Jean-François Derec
– Homme au sens… mâle ? Ou au sens individu ?
– Comme vous voulez.
– Au sens individu, tout le temps. Au sens mâle, jamais. Enfin jamais… Si, pour des trucs d’homme, comme pisser, là j’y pense. Pisser dans Paris, c’est très compliqué. Il faut aller dans un café, donner un ou deux euros. Sinon, un homme peut se débrouiller entre des bagnoles, si c’est la nuit. C’est pas pratique pour une femme. Ma femme me le fait souvent remarquer. Elle est pas du tout féministe pourtant. Si je fais pas la vaisselle, elle m’engueule. Mais c’est pas ce féminisme chiant et revendicatif. Elle pense que les femmes sont pas construites de la même façon, moi aussi d’ailleurs. Vous aussi je pense. Le simple fait d’admettre que le conscient est la partie émergée de l’iceberg, et que l’inconscient est immergé, c’est basique. La plupart des gens ne l’admettent pas. Ils n’admettent pas qu’ils sont gouvernés par quelque chose à quoi ils n’ont pas accès. Tu dis à quelqu’un «t’as dit ça mais inconsciemment ça veut dire autre chose», il te répond «non pas du tout, j’ai dit ça parce que je pense ça». Là-dessus, les femmes et les hommes, c’est pareil, on pourrait penser que c’est réservé aux hommes parce qu’ils perdent leur autorité d’homme ou leur virilité, mais les femmes c’est pareil. Là-dessus il y a égalité. Je vous ai dit que j’y pensais pas, j’y pense en fait. J’y pense plus que ce que je pensais. Quand je vois ma femme prendre du temps pour s’habiller, et que moi je prends un t-shirt, et que je prends toujours le même en gros, j’y pense. Ou quand je vois les hommes politiques. Pour les hommes il y a un uniforme, costard-cravate. Il n’y a pas de vêtement neutre pour les femmes. Il y a toujours un message dans le vêtement des femmes, même s’il est sobre. Dans ce cas-là, c’est la sobriété le message. J’y pense souvent, mais dans les trucs de la vie courante. Aujourd’hui, il faut se définir par sa religion, son ethnie, sa nationalité. Ou pire encore, t’es gros t’es gros, t’es maigre t’es maigre, t’es chauve t’es chauve. Je sais pas ce qui se passe. C’est une espèce de folie généralisée. Il faut être dans une tribu. T’es plus un être humain. T’es l’élément d’une communauté. Le rire dépend beaucoup de ça. Ce sont des rires mécaniques. Des rires comme si on te chatouillait. Ce ne sont pas des bons rires. J’ai un copain, qui est animateur dans une maison de retraite. Ils avaient invité un comique de la télé un peu vulgaire, les pensionnaires riaient. Le lendemain, il les emmène en promenade. Ils sont dans le bus, et ils disent que la veille c’était pas drôle. Mon copain a dit : «Vous avez bien ri pourtant !» Un des retraités a répondu : «Quand j’étais jeune, j’allais voir des prostituées, mais j’en étais pas fier pour autant.»
– Oui, la honte. La honte d’avoir ri à certaines choses.
– Oui c’est ça. Parce qu’il y a des rires qui sont pas des bons rires. C’est facile de faire rire une salle. Les gens veulent être sympathiques. Ils rient, ils te soutiennent. Parce que tu as fait un petit numéro, ils applaudissent.
Carole Thibaut
– Le milieu artistique, c’est l’endroit de représentation symbolique et politique du monde. En tout cas le théâtre. Ce pouvoir-là, il n’est pas possible qu’il soit partagé en dehors du cercle des hommes qui dominent. Des hommes qui disent Je, qui disent Je pense, qui disent Je pense le monde. Le genre dénonce la binarité. D’un côté les hommes, de l’autre côté les femmes. C’est intéressant de dire qu’il n’y a pas de binarité. Mais on vous demande de quel genre vous vous sentez. De dire de quel coté vous voulez être. Au bout du compte c’est encore la binarité. Mais moi, ça me va très bien d’être une femme. Je n’ai pas une relation de malaise avec moi-même. J’ai une relation de malaise avec la société.
Quelques jours plus tard, elle est intervenue dans une conférence sur le genre, la ministre était dans la salle. Le lien de cette intervention a tourné sur les réseaux sociaux[1].
Thomas Jolly
– Combien de fois par jour vous sentez-vous homme, vous éprouvez-vous comme homme ?
– Putain !
Il reprend après un silence :
– Je peux commencer par vous dire que les premiers jouets que j’ai demandés ce sont des poupées. Que je portais des jupes à la maison, que je jouais à la marelle, à la corde à sauter. A l’élastique.
En évoquant l’élastique, il sourit.
– J’adorais ça. Je peux vous raconter ce qui s’est passé quand j’étais en fin de maternelle. On doit faire un spectacle de fin d’année. Princesse et chevalier. Les filles ont des robes de princesse. Les garçons ont des armures en carton. J’ai cinq ans. Je vais voir ma maîtresse. Je lui dis : «J’aimerais faire une princesse». La chance c’est qu’elle me dit : «D’accord, mais il va falloir qu’une fille fasse un chevalier». J’ai cinq ans. Je trouve ça normal. Je fais le spectacle avec une robe de princesse. Devant tous les parents. Et devant les miens. Je grandis comme ça. Pour moi c’est normal. Avec mes parents on n’en parle pas. J’ai une anecdote. Ça va me rendre triste de la raconter. Ce qui m’émeut, c’est que mes parents n’ont jamais jamais voulu me mettre dans la case qui était la mienne. Un jour, je rentre de l’école primaire, je dis à ma mère : «Maman, on m’a dit dans la cour que j’étais une pédale. J’ai quand même rien à voir avec un vélo». Ma mère me l’a racontée il y a deux-trois ans.
– Vous en aviez le souvenir ?
– Non. Mais je me suis revu dans mon bain. Quand je lui ai raconté ça, je devais être dans mon bain. Ce jour-là, elle ne m’explique rien. Elle me laisse libre. Puis j’arrive au collège. En gym, nous les garçons, on fait du basket, et les filles font de la GRS.
– De la GRS ?
– Gymnastique Rythmique et Sportive. Rubans, ballons, cerceaux. Je vais voir la prof. Je lui dis : «J’aimerais bien faire de la GRS». Elle accepte. Tous les mardis soirs, je vais faire de la GRS à l’association sportive. La prof me dit : «Tu peux pas faire les compétitions, c’est pas ouvert aux garçons. Veux-tu que je fasse une demande à la Fédération Française de Gym Rythmique et Sportive ?» Là, je dis non. Là, c’est plus ma mère, c’est plus ma prof. C’est l’institution qui doit donner l’autorisation. Je dis non. Mais à la fin de l’année, et devant tout le collège réuni, je fais mon enchainement de GRS, sur Because the night.
Il fredonne, puis :
– Je précise que mon collège est dans un village, Clères, en Normandie, que les moqueries sont permanentes, on vérifie dans les toilettes où on m’enferme, que je suis un garçon. Mais je me suis jamais retrouvé nu. Ça n’a jamais été jusque-là. C’étaient juste des questions, mais là je me rends compte qu’il y a un problème. Enfin… un problème… Non. Ce n’est pas un problème. Mes attitudes, ma voix, mes gestes posent question. Mais. Je tiens. Du coup, je pousse le truc. Vers 92-93, un matin j’arrive au collège avec des Doc Martens, jaunes. Ça a l’air de rien. Mais il y a des rires, des doigts pointés. Je me dis «j’ai raison». Je ne veux pas changer. Je veux rester dans cette ligne. Et c’est là que je démarre le théâtre. La question de l’homosexualité se pose pas. Je sors avec des filles. J’ai une part féminine forte, il n’est pas question que je la fasse taire, je ne vais pas adapter ce que je suis à ce qu’on me demande d’être, je ne suis pas triste de ce que je suis. Ce sont les autres qui me rendent triste, ça me rend triste qu’on ne puisse pas être ce qu’on est. Donc, combien de fois par jour je me sens homme. Jamais. Je ne me suis jamais senti homme.
– Ni garçon ?
– Garçon, si. Garçon, fille, mais sans aucune volonté de me réguler suivant l’un ou l’autre modèle. Je vais aux toilettes, plutôt chez les garçons, jamais à l’urinoir, bien que pour une raison ou pour une autre, il puisse m’arriver d’aller chez les femmes. Parce que c’est plus proche de là où je répète, ou pour n’importe quelle autre raison. Je dis «excusez-moi je sais… bonne journée». Je ne fais pas comme si rien. Là, pour le coup, je me sens homme.
– Se sentir homme, c’est annoncer ? Annoncer qu’on utilise un terrain auquel on n’a pas droit pas nature ?
– Oui. C’est annoncer qu’on n’a pas pris la bonne porte. C’est : «Je comprends la norme, le code, mais je joue avec».
– C’est un jeu ?
– C’est un jeu, oui. Mais je ne triche pas. Je fais un pas de côté.
– C’est amusant ?
– Pour moi, personnellement, oui, c’est ludique. Pour les autres, ça peut ne pas l’être. L’année du bac, ma prof de sport m’explique le lancer de poids. Je dois le lancer à cinq mètres. Parce que je suis un garçon. Et les filles, à trois mètres cinquante.
Il retrousse la manche de son t-shirt.
– Vous avez vu la taille de mes bras ? Je le dis à ma prof. Je lui dis : «Vous avez vu la taille de mes bras, et la taille des bras de… Nadège ?» Je veux bien qu’il y ait un objectif différent pour les garçons et pour les filles, mais à ce moment-là il faut considérer la masse musculaire. Si on applique la logique de la force physique, selon la nature. Je dis ça à ma prof. Je suis au lycée. C’est le bac. Alors oui, à ce moment-là, oui, je commence à trouver ça ludique. Elle me répond : «Non, c’est comme ça, on ne bouge pas».
– Ça revenait à lui dire : si on en est là, si un fait de nature justifie un objectif à atteindre différent selon la différence de sexe, alors faisons comme les nazis, allons-y, mesurons aussi les bras… si on en est là. Si on tient compte des différences de nature. C’était ça ? Christiane Taubira dit que l’inégalité première, celle dont découlent toutes les autres, c’est l’inégalité entre hommes et femmes. Venant d’elle qui a reçu des insultes publiques, «la guenon mange ta banane», etc., au moment du mariage pour tous, qui est la preuve vivante que le racisme contre les Noirs ça existe aujourd’hui en France, quand elle dit que l’inégalité hommes-femmes est celle qui est au cœur de toutes les autres, ça résonne. Forcément
– Oui. Parce que moi aussi j’aurais pu forcer la nature. Développer mes bras. Faire de la musculation. Je n’ai pas voulu. J’ai toujours frayé comme ça. Même théâtralement. Aujourd’hui, quand on me dit «Thomas Jolly fait du son et lumière». Non. Je ne crois pas m’être jamais fait embarquer par aucun filet.
Antigone
Olivier Py reprend Antigone de Sophocle. Il a créé la pièce l’année dernière à la prison d’Avignon. Il la reprend dans la ville. On voit ce que c’est que faire du théâtre. La responsabilité qu’on a des mots qu’on prononce sur une scène. La responsabilité d’un rôle. Incarner une parole. Ce sont des détenus qui jouent. J’ai eu envie de poser la question de Yourcenar à l’un d’entre eux. Il aurait fallu que j’aille à la prison, ou qu’ils aient une autorisation de sortie. Tout serait devenu compliqué. Pendant la pièce, tout était simple. Eux sur scène, nous dans la salle. Il n’y avait aucune autre loi.
Natalie Dessay
– C’est drôle que vous me posiez cette question-là. A moi. Parce que pendant longtemps je ne me suis pas sentie femme. Mon vrai nom c’est Dessaix.
Elle sourit.
– Il y a eu beaucoup de moqueries. J’ai eu beaucoup de mal à assumer ma féminité. Puis j’ai enlevé le x. J’ai aussi enlevé le h de Natalie. En hommage à Natalie Wood. Barbra Streisand a bien enlevé un a à Barbara. Ma mère m’a toujours dit : «Tu gagneras ta vie. Tu seras indépendante. Tu feras tout ce que moi je n’ai pas pu faire.» Une mission assez claire que j’ai somme toute assez bien remplie.
– Etre une chanteuse d’opéra… est-ce que…
– La diva. Mais c’est toujours le même féminin. C’est ce que dit Catherine Clément, l’opéra c’est la défaite des femmes. C’est la femme victime des hommes. Carmen punie d’être libre, Traviata on n’en parle pas, Tosca se suicide, etc. C’est la femme rouée qui embobine tout le monde. Les soubrettes. Ou la jeune première. C’est tout. J’ai cinquante-trois ans, et j’ai une voix légère. Il y a plus de rôle pour moi. J’ai fait le tour du truc.
– Dans la pièce que vous jouez en ce moment, Certaines n’avaient jamais vu la mer, au milieu de la parole chorale, collective, des autres actrices, vous, quand vous arrivez, vous avez une partie monologuée…
– A moi toute seule, je représente les Américaines de cette époque. Les patronnes, plutôt progressistes, plutôt démocrates.
– Et au milieu de ce monologue, vous avez une toute petite partie chantée. Trois minutes. Et après toute cette partition collective, ces trois minutes sont très incarnées.
– On ne peut pas faire autrement que d’incarner quand on chante.
– Toujours ? Quoi qu’on chante ? Même un chant militaire ?
– C’est incarné un chant militaire.
Elle entonne La Marseillaise. Les deux-trois premières phrases.
– … Vous voyez. C’est même très incarné. Avec la parole, on peut prendre toutes les distances possibles. Avec le chant on ne peut pas s’abstraire. On est obligé d’être là.
– Pourquoi ?
– Je ne sais pas. Le geste du chant fait le boulot.
– On est nu quand on chante ?
– Oui. Pourtant la musique nous habille tout de suite. Moi, je me sens plus nue quand je parle sur scène que quand je chante. Le fait qu’il y ait de la musique implique que ça ne peut pas être moi, jamais.
– C’est pour ça que vous voulez jouer ? Pour que ça puisse être vous ?
– Pour que ça puisse être ce qu’on veut. Régler soi-même la distance. Inventer la musique. Créer un rythme qui n’y était pas. J’ai besoin de jouer. Pour explorer ce que je suis. Plus on explore ce qu’on est, plus on a l’espoir de comprendre les autres. Mais j’ai besoin de me fondre dans les univers des autres. Parce que ce que j’ai à dire ne m’intéresse pas. Quand c’est moi qui parle, je ne peux pas explorer ce que je suis. Quand je chante non plus. Au théâtre, je suis payée cent fois moins qu’à l’opéra. Est-ce que c’est cent fois moins difficile ? Non. Ce n’est pas cent fois moins difficile. Au contraire. J’ai besoin de jouer. Il faut que j’en passe par là. Pour créer mon propre rythme. Alors quand je chante, je ne peux pas. Le rythme est déjà là.
– Il est là aussi dans le texte écrit.
– Ce n’est pas pareil. On peut le changer un peu. A la marge. Il y a des virgules qu’on peut ne pas jouer. Excusez-moi, je suis désolée, je n’ai pas répondu à la question que vous m’avez posée au début. La question, c’était est-ce que je me sens femme.
– C’est pas grave.
– Ça j’aime bien. J’aime bien qu’on ne soit pas obligé de répondre à la question. Mais en fait j’ai peut-être une réponse. Il faut que je parle des chevaux. Moi je me sens femme et cheval. J’aime beaucoup les chevaux. Je ne les connais pas depuis longtemps. Je me suis aperçue qu’on avait beaucoup de points communs les femmes et les chevaux. Ils ont peur de tout. L’autre jour, je rentre chez moi la nuit. Il est deux-trois heures du matin. On avait répété très tard. Je suis toute seule dans les rues. Là, je me sens femme. Je me sens une proie. Je me sens pas homme. Et c’est physiologique. C’est pas une construction sociale.
[1] Vidéo : l’intervention de Carole Thibaut démarre à 50min.
Ce qui est difficile, c’est de se dégager d’un pouvoir. C’est ça qui est difficile. Pour parler vraiment, il faut arriver à se dégager d’un pouvoir. Là, le pouvoir a changé de camp (Christine Angot).
En annonçant qu’il signerait en arabe la très controversée loi sur l’État-nation de peur que l’adoption de l’hébreu comme seule langue officielle du pays ne mette à mal la coexistence entre les Juifs et — «Trouvez-moi une communauté dont les agissements ne risquent pas de saper, au bout de quelques heures, nos efforts de construction argumentaire…» — les bédouins, Rivlin suggère-t-il à Macron de revenir sur sa décision de ne pas céder à la loi de la Kalach à l’occasion de sa dernière escale sur l’île de Beauté? Le président de l’État, bien loin d’être raccord avec l’acommunauté internationale, œuvre pour l’(in/re)stauration d’un GRAND État/royaume d’ISRAËL binational. On comprend son malaise face à une solution à deux États qui, depuis quelques mois, se donne des chances de voir le jour sur la base d’une géopolitique par la preuve.
P.-S(aume). : Que les orsayistes du 11-janvier assument leur morceau de choix et me rassurent sur le butin national qu’ils parvinrent à sauver dans les décombres du XXe siècle. De mon côté, je tenterai de leur pardonner une attitude consistant à ne pas tolérer, venant d’Israël, 10 % des preuves d’existence qu’ils jugeraient parfaitement recevables de la part d’une terre de chrétienté plus ou moins laïque, ou 1 % des principes de souveraineté qu’il ne leur viendrait pas à l’esprit de délégitimer dès l’instant qu’on les appliquerait en terre d’islam plus ou moins djihadiste.
L’HÉTÉRONYME DE L’AUTEUR DE CES LIGNES ÉTANT PUREMENT FICTIF, TOUTE RESSEMBLANCE AVEC DES RÉFLEXIONS ANTISEXISTES, ANTIRACISTES OU ANTICOLONIALISTES EXISTANTES NE SAURAIT ÊTRE QUE FORTUITE
L’identité sexuelle, tout comme l’identité nationale, sert plus à renseigner l’autre sur soi qu’à s’informer soi-même. Je rassure donc sans plus attendre les âmes généreuses qui s’inquièteraient de notre relation avec notre judéité : les Juifs n’ont pas attendu de se doter d’un État souverain pour savoir parfaitement 1) d’où ils viennent ; 2) où ils vont. Ils se sont même entraînés à approfondir ces deux champs d’étude sans jamais transgresser l’ordre de fusionner avec, au hasard, un État français qui optera pour le français comme langue officielle de la République après avoir éprouvé dans sa chair d’innombrables convulsions cultuelles et culturelles ou, plus simplement, géopolitiques, à tout le moins secouantes. Après dix-neuf siècles d’exil, le peuple de la Bible, de la Haskala, du matérialisme historique, de la psychanalyse, de la relativité restreinte et générale ou de la mécanique quantique va profiter du démantèlement de l’empire ottoman pour se faire une petite place, somme toute bien méritée, dans le concert des nations. Les Juifs présideront désormais aux destinées qu’ils se forgeront et ne laisseront plus jamais Marc-Aurèle, Philippe II Auguste, Charles Quint, Adolf Hitler ou Hassan Rohani jouer à pile ou face avec leur pourcentage de biomasse. La loi sur l’État-nation est un outil parmi d’autres, loin d’être négligeable en regard de la difficulté qu’éprouvent les Romulus antisionistes à ruminer ces versets de la Bible où il est question de la relation entre, d’un côté, les nations et, de l’autre, un peuple élu qui, déductivement, n’en serait pas une à proprement parler. Cette loi ne divise pas le pays, quand même elle aurait le don de mettre en évidence des fractures sociétales qui ne sauraient être réduites qu’au prix d’un effort de confrontation avec le réel, puis de surmontement des évidences qui en procèdent. Un pays dont vingt pour cent des citoyens ne prennent pas part aux actions de défense militaire (enclencher le brouilleur de fréquences) par intelligence avec l’ennemi (éteindre le brouilleur de fréquences) ne peut décemment pas se satisfaire de sa dynamique d’intégration des minorités. Les facteurs de division doivent être isolés à seule fin d’être éliminés, ne pouvant bénéficier d’une protection qui se révélerait funeste. Les narratifs ne se valent pas dès lors qu’ils forcent l’Histoire universelle à s’écraser sous un tissu de cruautés.
La tabasseuse aux boucles de foin n’est pas une étoile. Le dérapage de son plagiat trahit en outre une vacuité consciencielle caractéristique de son gang. Une authentique Beate Klarsfeld palestinienne aurait giflé un dirigeant palestinien, barbare de son état, dissimulant sa fascination pour l’idéologie nazie sous des dehors internationalistes respectueux des droits fondamentaux. Avec un petit coup de main de la part des sponsors oscarisés ou plaqués Ballon d’or du BDS, Tamimi deviendra vite le bouclier humain de la nouvelle propagande négationniste. Évidemment, on n’osera pas poursuivre l’analogie jusqu’à son terme en déportant la nouvelle icône dans un wagon plombé, vers un camp d’extermination installé en Afghanistan par un Reich juif ayant assis sa suprématie sur tout le continent asiatique.
On associe souvent sexualité féminine et pulsion masochiste ou, si vous préférez, sexualité masculine et pulsion sadique. Mais que dire d’un homme qui n’aimerait rien tant que de s’aventurer à l’intérieur d’un vagin denté? Que le comportement d’un tel homme traduirait une orientation sexuelle féminine quand, de son côté, sa partenaire de jeu éprouverait une envie du pénis carabinée? Très bien. Mais l’objet du désir ne constitue-t-il pas en soi un appât? Or en quoi la force d’attraction émanerait-elle davantage des phéromones d’Arès que de ceux d’Aphrodite? La tentatrice d’Ilan Halimi était-elle une proie? Excita-t-elle chez lui l’instinct de prédateur des mâles pour mieux l’attirer vers le lieu d’un martyre qu’il faudrait concevoir telle la juste rétribution due au péché de convoitise? Je sais. Les tortionnaires et assassins d’Ilan étaient tous de sexe masculin. Suggérez-vous que la demoiselle s’est fait lâchement manipuler? Il est vrai qu’on n’a jamais vu femme passer maître dans l’art de la manipulation… J’ose néanmoins vous interpeller à propos d’un mythe urbain qui semble s’être imposé dans la culture populaire et sur lequel vous m’avez incité à m’appesantir. Il n’est pas rare que nos proies du beau sexe conditionnent l’avènement de la paix mondiale à la possibilité d’un monde dirigé par les femmes. Je m’interroge au demeurant sur les effets à long, moyen, court terme d’une géostratégie fondée sur la tendance dite autopunitive.
P.-S. : Oui… c’est encore moi, hum! Avec Bachar la Couleuvre, on s’en tient à une fellation, ou on va jusqu’à l’ingurgitation?
L’Organisation a accouché d’un monstre. Ce phénomène, enfoiré de toute part, possède sa propre tête, son propre torse, ses propres bras, ses propres jambes, ses propres organes vitaux, il ressemble en tous points au commun des mortels à cette exception près qu’il est hermaphrodite et dépourvu de ce qui, chez Lévinas, est le ferment de la liberté humaine, et donc, de ce qui distingue l’homme de la Bête : l’hétéronomie du visage. Pour qu’il y ait suspension d’une aide internationale, il faut qu’il y ait eu faute lourde méritant une sanction disciplinaire, mais avant tout, et il semble que ces choses soient de celles que l’on efface de son esprit aussitôt qu’on les a visionnées, il faut que l’aide internationale en question ait été proposée, votée et décrétée, puis collectée, amassée, rassemblée, acheminée à bon port, qu’elle ait pu exister, en somme, et, de ce fait, préexister à sa suspension. L’innocence, hélas, n’a jamais été le propre de l’homme. Elle ne défausse personne de ses basses responsabilités envers les montées obscurantistes que provoque l’alliance des cerveaux dominés par leurs propres viscères. Le risque d’apocalypse nucléaire valait bien une Agence internationale de l’énergie atomique. Or pensez-vous que nos ancêtres songeaient au projet Manhattan lorsqu’ils eurent l’intuition du Big Crunch ? Les armes de destruction massive sont logées à l’endroit même où sont actionnés leurs pendants protecteurs. Il y eut des espionnes, des sportives, des artistes, des scientifiques nazies, de minuscules fonctionnaires comme de grandiloquentes et non moins invisibles chercheuses recrutées par le Lebensborn pour la mise en œuvre du programme eugéniste visant à nettoyer la race aryenne de toutes ses impuretés. Il y eut des résistantes, des muses, des inspirées, des justes et des martyres, il y a, depuis les temps antiques jusques aux temps modernes, un nombre de héros femelles équivalent à celui des mâles auxquels l’humanité doit d’avoir persévéré dans son insondable principe. Si nous ne pouvons pas nous passer des femmes pour mener à bien ce qui s’annonce déjà comme l’une des missions capitales de la prochaine Préhistoire, ce n’est certainement pas en vue d’instaurer une gynocratie qui nous ferait miroiter l’avenir radieux d’une humanité ne pouvant atteindre l’état de paix perpétuelle que par son émasculation. Que les femmes se préparent au pire ! Elles vont être amenées à en affronter d’autres au cours d’une lutte à mort qui n’épargnera personne. La question de l’égalité entre les sexes ne doit pas être confisquée par un seul côté d’Adâm, auquel, est-il utile de le rappeler, elle n’appartient pas. Un modèle de civilisation concerne tout le genre humain qui, quel que soit le sexe de ses représentants, aura la liberté d’opter ou non pour lui.
Candidat en 2014, le maréchal Sissi promettait la disparition pure et simple des Frères musulmans. Sa promesse n’aura été que partiellement tenue. Car la responsabilité dont la patrie de Hassan el-Banna est censée prendre sa part dans le chaos régional dépasse de très loin ses frontières nationales. Après avoir durablement alimenté la délinquance d’un peuple que les leaders de la Reconquista islamica s’ingéniaient à hitlériser, la communauté internationale serait bien inspirée de faire comprendre aux Palestiniens que pour la stabilité du monde, les relations d’État à État entre Israël et une bande de Gaza annexée par une Égypte respectueuse des accords de Camp David, offriraient de bien meilleures garanties qu’une guerre de Religion. À noter que, son territoire étant attribué par les accords d’Oslo à une Autorité palestinienne qui, jusqu’à nouvel ordre, ne s’étend sur aucun État-nation et, ce faisant, se voit privée de toutes les formes de souveraineté y afférentes, la Marche du retour d’Ishma’él au pays de sa mère ne constituerait pas un cas évident de violation du droit international. D’un autre côté, nous ne serions pas contre un règlement à l’amiable entre les dialoguistes sourds d’une guerre interMINABLE, contournant s’il le faut le cadre obsessionnel du Conseil de sécurité. S’ils ne sont jamais parvenus à saisir l’opportunité d’un voisinage avec un État juif dont ils auraient mille et une raisons de se féliciter de la miraculeuse renaissance, il faut dire que les colons de peuplement du dernier empire islamique n’ont pas été aidés par un ordre mondial qui les abandonna très tôt à leur statut bancal de colons démantelés. Encourageons-les à se ressaisir. Prêtons main forte aux forces vives de leur démocratie putative. L’État de droit palestinien n’est pas un mirage. Une Palestine garante des droits des femmes et des homosexuels n’est pas un cauchemar pour tous les hommes du monde arabo-musulman. Et si à l’impossible nul n’est tenu, rien n’empêche, de surcroît, que s’ouvre le procès par contumace de Mohammed Amin al-Husseini au cœur même des consciences que ses continuateurs se plaisent à détourner.