Hôtel Europe, monologue théâtral de Bernard-Henri Lévy. Voilà cinq ans, le philosophe réunit une poignée d’happy few à son domicile, pour une lecture privée de son texte. Ce soir-là, au cœur de la nuit parisienne, l’aéropage de proches et d’intellectuels débat. Du sens de la pièce, de sa chute, du titre qu’elle pourrait porter et de l’acteur capable de l’incarner sur les planches. Plusieurs semaines passent. Le 3 septembre 2014, Hôtel Europe paraît chez Grasset. On lui adjoint un second texte, Réflexions sur un nouvel âge sombre, dans lequel Bernard-Henri Lévy analyse la montée des populismes et des souverainismes, raconte la fin du rêve européen sans oublier de livrer quelques pistes pour demain. Quelques jours plus tard, le philosophe s’affaire. Hôtel Europe s’apprête à être joué au Théâtre de l’Atelier. Dans le rôle-titre, une bête de scène : Jacques Weber. Eminemment politique, la pièce décrite par Jean-Paul Enthoven comme un «texte de théâtre» jouit d’une couverture presse nourrie, dépassant le strict cadre de nos frontières. Hôtel Europe sera ainsi jouée dans plusieurs pays, en Bosnie, en Ukraine, en Italie… En France, comme souvent avec le surgissement des productions béhachéliennes, l’opinion se déchire. La rumeur – fake news avant l’heure – envisage un arrêt forcé des représentations. Elle s’acharne. Le trio Weber-Lévy-Mustafic (le metteur en scène de la pièce) tient bon. Mieux, il profite du maelstrom médiatique pour mettre l’accent sur le propos plutôt que la vaine polémique.
A la suite des représentations d‘Hôtel Europe, une idée vient au réalisateur bosniaque Danis Tanovic (prix du jury à Cannes pour No Man’s Land). Ce dernier se propose, non pas de filmer une simple représentation de la pièce mais d’en donner une libre interprétation, en réadaptant le texte de BHL. L’œuvre change ainsi de nom, devient Mort à Sarajevo, mais conserve sa localisation première. C’est au fameux hôtel Europe, niché en plein cœur de la capitale de la Bosnie-Herzégovine, que se déroule l’action du film de Tanovic. Un film efficace en ce qu’il arrive à raconter la Bosnie d’hier et d’aujourd’hui sans perdre son fil. Mais que raconte-t-il ? A l’heure des commémorations du centenaire du début de la Première Guerre mondiale, Jacques Weber, répète le texte qu’il va donner le soir même, à Sarajevo, sur l’avenir de l’Union Européenne. Fatigué mais inspiré, il teste son discours, élague et annote dans le silence de sa suite de l’hôtel Europe. Au dehors, le monde s’affaire. Mort à Sarajevo reprend ici avec une belle maîtrise les codes du film noir puisque le monde se trouve en fait rassemblé dans un espace clos, celui de l’hôtel. S’y enchevêtrent et s’amoncèlent plusieurs histoires et autant de parcours complexes. Celui du directeur de l’établissement criblé de dettes et de ses salariés bien décidés à faire la grève pour toucher leurs salaires. Celui d’un policier oscillant entre rigidité et rails de coke, assurant la sécurité de l’intellectuel français dont il ignore jusqu’à la langue. Celui d’une assistante compétente entourée de sympathiques indolents et de mafieux inquiétants. Celui, enfin, d’une journaliste venue interroger plusieurs spécialistes de la Grande Guerre sur le toit de l’hôtel. Au cours de ses interviews, elle s’oppose bruyamment à un certain Gavrilo Princip, porteur du même nom que l’assassin de l’archiduc François-Ferdinand. Filmé en temps réel, Mort à Sarajevo utilise Hôtel Europe comme fil rouge. Mieux, il offre un cadre concret au texte de Lévy autour duquel va se nouer de profonds débats sur la Bosnie, l’Europe et notre temps. Quel héritage pour ce pays ? Quelle histoire à transmettre à la nouvelle génération ? Quelles possibilités pour se tirer d’un capitalisme qui en même temps qu’il efface le passé déshumanise également ses agents zélés ? Aux passages politiques et historiques du film, son réalisateur, Danis Tanovic vient finalement un troisième degré de lecture, social cette fois. Dans Mort à Sarajevo, les différentes classes obéissent à une organisation de l’espace très parlante. Télérama écrit justement : «A l’étage,Jacques Weber. Au rez-de-chaussée, les classes sociales qui ont réussi. Dans les sous-sols, les truands ou les laissés-pour-compte. Le tout dans une atmosphère souvent obscure et parfois lumineuse, si ressemblante aux dilemmes de cette Europe qui se cherche en se fuyant souvent elle-même…
Mort à Sarajevo
Un fim dirigé par : Danis Tanovic
Produit par : Margo Cinéma
Scénario : Adaptation libre de la pièce Hotel Europe de Bernard-Henri Lévy
Genre : Fiction – Durée: 1 h 20 min
Date de sortie: 23/08/2017
Ours d’argent – prix de la critique internationale
Ah, enfin une critique juste et intelligente ! Bravo Monsieur ! J’en ai vu des autres, très bêtes et limités ! Selon la pièce de BHL ? Vous êtes sûr ? Non mon grand. Danis Tanovic est plus futé que ça et il n’a rien à faire de Saint Germain des Prés. Lui il est d’Herzégovine. Ce sont nos Auvergnats.
A la vôtre!