Avez vous entendu ce discours ? Avez vous entendu ces mots ? Tous ces mots dits avec une force peu commune, une émotion palpable. Ces mots que nous attendions tant et espérions tant.
J’ai écouté, ré-écouté ce discours. Puis j’ai lu, relu ce beau texte. J’ai relu ce texte, où j’ai vu défiler en un court moment 40 ans de mes combats, 73 ans des combats de nos pères, pour la vérité, la dignité et la justice.
Tout d’abord, dire la réalité historique du crime et de la complicité de l’Etat français, de l’administration française dans la déportation et l’assassinat de près de 76.000 Juifs de France.
Au fil de ce billet, je citerai en les présentant les phrases qui m’ont le plus touché.
Sur le rôle et la représentativité du régime de Vichy :
«Je récuse les accommodements et les subtilités de ceux qui prétendent aujourd’hui que Vichy n’était pas la France, car Vichy ce n’était certes pas tous les Français, vous l’avez rappelé, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France.»
Sur les origines intellectuelles de Vichy, et la responsabilité des intellectuels et des hommes politiques antisémites des années 30. Et il n’oublie pas de trouver à l’origine des crimes antisémites de Vichy, la trace des Drumont, Brasillach et Céline :
«Il est si commode de voir en Vichy une monstruosité née de rien et retournée à rien ; de croire que ces agents sortis de nulle part reçurent à la libération le juste châtiment qui les élimina de la communauté nationale.
C’est commode, c’est commode, oui – mais c’est faux.
C’est parce que Vichy dans sa doctrine fut le moment où purent enfin se donner libre cours ces vices qui, déjà, entachaient la IIIème République : le racisme et l’antisémitisme…
Ce supplice, leur supplice, qui défie l’entendement, qui défie les mots a commencé ici, le 16 juillet 1942 au matin, parce qu’en France dans la conscience de citoyens français, de dirigeants politiques français, de fonctionnaires français, de journalistes français, l’antisémitisme et le racisme avaient fait leur chemin insidieusement, lentement ; avaient rendu l’infâme tolérable jusqu’à en faire une évidence, jusqu’à en faire une politique d’Etat: la politique collaborationniste.
C’est la France de Je suis partout, de Bagatelles pour un massacre, c’est la France où Louis Darquier de Pellepoix, déjà lui, peut sans être inquiété une seconde proclamer en 1937 : “Nous devons résoudre de toute urgence le problème juif, soit par l’expulsion, soit par le massacre”. C’est la France où l’antisémitisme métastasait dans l’élite et dans la société, préparant insidieusement les esprits au pire.
Parce que oui, mes amis, la barbarie n’avance pas à visage découvert. Elle ne porte pas l’uniforme. Et lorsque les bottes nazies frappent le pavé de Paris, il est déjà trop tard.»
Et Emmanuel Macron n’analyse pas seulement de manière parfaite cet antisémitisme violent des années 30 qui ouvre la voie à la collaboration française, il dénonce aussi cet antisémitisme qui s’est réveillé en France depuis le début des années 2000 et qui a conduit au meurtre de 10 juifs en France, pour le simple fait d’être juif :
«En France aujourd’hui, cette corruption des esprits, cet affaiblissement moral et intellectuel que sont le racisme et l’antisémitisme sont encore présents et bien présents. Ils prennent des formes nouvelles, changent de visage, choisissent des mots plus sournois.
Et puis un jour, parce qu’on s’est tu, parce qu’on n’a pas voulu voir, le passage à l’acte intervient. Alors ce qui était des mots, ce qui n’était chez les uns que de la haine formulée différemment et chez les autres une forme de lâcheté ou une complaisance à ne pas vouloir voir, alors cela devient des vies fauchées et des gestes qui tuent.»
Et il égrène les noms, chaque nom, de nos martyrs depuis Ilan Halimi, jusqu’à Sarah Halimi, oui Sarah Halimi, qu’il n’oublie pas :
«Et malgré les dénégations du meurtrier, la justice doit faire désormais toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi.»
Il n’oublie pas de dénoncer les moyens modernes à la disposition de ces criminels et de ces porteurs de haine que sont les réseaux sociaux :
«Le racisme et l’antisémitisme disposent pour réaliser leur travail de sape de moyens inédits de propagande. Les réseaux sociaux en sont les grands pourvoyeurs et nous n’avons pas encore pris la mesure de leur influence à cet égard. Nos magistrats et nos forces de l’ordre doivent y être mieux formés.»
Il salue mes frères et sœurs de combat, nos modèles dans la dignité et la véracité, les survivants de la Shoah :
«Nous devons chaque jour, chaque minute être dignes, comme le sont les survivants de la Shoah dont l’exemple nous apporte tant.
Ne cédez aucun pouce de cette humanité, ne cédez rien parce qu’à chaque fois c’est notre humanité à tous qui est remise en cause.»
Et pour la première fois dans l’histoire de France, un Président de la République prononce les mots qu’aucun de ces prédécesseurs n’avait dit. Ces mots que seul un courageux Premier ministre Manuel Valls, avait osé prononcer avant lui :
«Alors oui, nous ne cèderons rien aux messages de haine, nous ne cèderons rien à l’antisionisme car il est la forme réinventée de l’antisémitisme.»
Vous avez bien lu : «l’antisionisme est la forme réinventée de l’antisémitisme».
Enfin un Président de la République a énoncé cette vérité que nous militants de la lutte contre l’antisémitisme clamons depuis toujours. Cette vérité que certains intellectuels courageux avaient criés, de Jankélévitch, à Martin Luther King. Merci, monsieur le Président de la République d’avoir enfin souligné par votre parole, cette haine du Juif et cette négation de son droit à l’autodétermination qu’est l’antisionisme.
Enfin, beaucoup d’entre nous n’ont pu retenir leurs larmes. Et votre émotion Monsieur le Président était elle aussi si palpable quand vous avez fait cette promesse aux enfants juifs assassinés :
«Les enfants du Vel d’Hiv auraient aimé aller à l’école de la République, obtenir un diplôme, un métier, fonder une famille, lire, aller au spectacle. Ils auraient aimé apprendre et voyager. Et leurs parents auraient voulu les voir grandir, vieillir ensemble. Tous auraient voulu aimer et être aimés. Nous leur avons redonné un nom, un prénom, des âges et des adresses.
A ces enfants, je veux dire que la France ne les oublie pas, je veux dire qu’elle les aime, je veux dire qu’elle fera tout pour que leur supplice nous exhorte sans cesse à ne céder ni à la haine, ni à la rancœur, ni au désespoir.
Nous ferons, les enfants, une France où vous auriez aimé vivre. Nous ferons, les enfants, une France où vous vivrez toujours.
Vive la République, vive la France.»
Monsieur le Président de la République, au nom de ces enfants juifs assassinés et de notre idéal de la République Française, que vous avez incarné ce jour, Merci.
Croyez-moi, je ne veux rien enlever aux félicitations que vous adressez au Président. Car sa déclaration est en effet étonnante: parce qu’il est étonnant qu’un Président, même jeune, sorte ainsi de l’ambiguïté (ce qu’un politicien ne fait normalement qu’à ses propres dépens). Et parce qu’il a déclaré en même temps qu’il ne cédera rien! Ce qui veut dire qu’il ne pourra rien céder non plus à tous les antisionistes qui l’appellent déjà de tout part à reconsidérer sa promesse (sur Mediapart, mais aussi Jean Daniel). Pour ma part, j’espère seulement qu’il réalise bien ce qu’il a pris sur lui en faisant cette déclaration, et qu’il ait la sagesse ‘jupitérienne’ de ne pas réagir du tout dans l’immédiat à ses détracteurs antisionistes, sauf à les inviter au calme et à la réflexion. Afin de préparer l’étape suivante dans le calme. Et dans la durée.
Car le fait majeur qui est occulté par la bouillie langagière des antisionistes réfutant Macron, c’est bien sûr qu’il y a une guerre antisioniste en cours. Une guerre contre les Juifs d’Israël qui a commencé avec la révolte arabe de 1936-39, et que les antisionistes justifient généralement comme un ‘combat pour la justice et la paix dans le monde’. La seule question soulevée par la déclaration du Président Macron est donc: ont-ils raison ou ont-ils tort de justifier cette guerre? La parole du Président Macron implique que cette guerre antisioniste ne soit pas une guerre juste, mais au contraire une guerre injuste et criminelle inspirée par l’obsession antisémite. Ce qui rend tous les antisionistes complices d’un crime contre l’humanité. Et pas d’un crime contre l’humanité qui appartient au passé, mais d’un crime qui est en cours d’accomplissement. L’enjeu de ce débat n’est donc pas mince. Et devrait inciter les antisionistes à la prudence. Parce qu’ils peuvent très bien devenir complice d’un crime contre l’humanité simplement en le niant implicitement, c.à.d. en refusant de le reconnaître explicitement. Il suffit pour cela que le crime soit un fait. Et, à n’en pas douter, il est un fait. Depuis 80 ans déjà.
(Depuis que je suis cette affaire, j’ai rassemblé quelques liens utiles avec mes commentaires sur ma page facebook: – https://www.facebook.com/martin.malliet/posts/10155585935702360)
Enfin, pour en venir à la réflexion que votre article louangeur m’a inspirée tout d’abord: c’est tout de même fort que nous nous sentions si élevés par une déclaration qui ne dit après tout que ce que nous savions depuis longtemps. Et que nous étions depuis longtemps en droit d’entendre de la part d’un gouvernement qui nous représente! Ça en dit long quand-même sur la prépondérance de l’antisionisme = antisémitisme dans la politique étrangère européenne. Elle est si grande qu’elle bouche tout l’horizon, au point qu’on s’y habitue et ne la remarque même plus.
Pour l’illustrer, je me suis amusé à faire de la politique fiction (dans le contexte actuel de la ‘crise des portiques’), en imaginant un communiqué conjoint du Président français Emmanuel Macron et de la Chancelière allemande Angela Merkel adressant un message franco-allemand de soutien à Israël: un message de soutien qui non seulement condamne l’attentat terroriste sur l’Esplanade des Mosquées, mais qui condamne expressément les dirigeants palestiniens politiques et religieux pour exploiter cette attaque dans une campagne orchestrée d’émeutes et de violences au mépris des pertes en vies humaines de part et d’autre dans ce qui est si clairement une guerre antisioniste inspirée par la haine des Juifs. – « Lorsque la solution des deux États a été recommandée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1947, elle a été rejetée par les dirigeants arabes et palestiniens avec des menaces explicites de violence à l’encontre des Juifs dans tous les pays arabes. Lorsque, en 1948, les dirigeants juifs ont mis en œuvre la recommandation des Nations Unies et ont fondé l’État d’Israël, les dirigeants arabes et palestiniens ont opté pour la guerre contre Israël plutôt que pour une solution pacifique à deux États. En plus de cela, ils ont mis à exécution au fil des ans leur menace de représailles à l’encontre des citoyens juifs de leurs Etats arabes respectifs. Aujourd’hui, les dirigeants palestiniens accusent au contraire Israël de bloquer la solution des deux États avec des menaces de violence à l’appui. – Nous devons dire clairement aux dirigeants palestiniens ce qui est déjà clair pour le monde entier: que la solution des deux États ne peut être accomplie par la violence si elle veut être la fondation d’une paix juste et durable. – Nous examinerons également bientôt avec le gouvernement d’Israël la meilleure manière de rediriger toute l’aide financière de l’UE à l’Autorité Palestinienne et à l’UNRWA afin d’empêcher tout financement du terrorisme et de la faire bénéficier davantage à la population civile. »
Honnêtement, qui de nous s’attend à voir des dirigeants européens s’exprimer de la façon dans un avenir proche? Quand pourtant un tel message de soutien ne serait rien d’autre qu’un message évident de bon sens?
Ou comment la pretendue dénociation d’un crime en y substituant les executants aux donneurs d’ordre revient a les innocenter, balaye les plus elementaires regles de droits et rehabilite un regime fantoche aux ordres de l’occupant.
Cher Monsieur,
vous dites avoir lu est relu le discours, en existe t-il donc une transcription, et si oui où peut on se la procurer (en ligne).
merci d’avance
Emotion partagée, discours émouvant, et un Président de la République bouleversé.
Je n’oublierai jamais ce 16 Juillet 2017, comme je n’oublierai jamais le discours de J. Chirac du 16 Juillet 1995.
Oui, des mots qu’on attendait depuis longtemps ont enfin été prononcés.
Merci pour ces paroles justes, sans détours ni compromis, qui sont dues aux victimes de la barbarie.
Merci pour ces paroles justes, sans détours ni compromis, qui sont dues aux victimes de la barbarie.
L’intelligence, la clairvoyance et la sensibilité exceptionnelles de notre président ne cessent de m’éblouir. En tant que juive, historienne du judaïsme mais également en tant qu’être humain ce discours que j’ai suivi jusqu’au bout a fait vibrer plus d’une fibre en moi. Enfin les mots pour le dire…..Des mots puissants prononcés par un être qui sait transcender la politique. Kol hakavod Monsieur Macron! Macronnienne je le suis depuis le milieu (pour dire vrai) de votre campagne et espère le rester pour de longues années encore car vous m’inspirez tant de fierté. Merci!
Tres emouvant et le discours et le texte ci dessus
Votre president a la marque dun home exceptionel avec des sentiments qui ne sont pas des balivernes
Esperances pour l avenit Dunn France toujours glorieuse et en des moments si difficiles dans le monde
Un espoir pour la jeunesse Esperons et merci
Merci !
Quel courage de la part de Mr Macron ..
Justesse des mots ,émotion sincère …
Encore merci pour cette franchise ,qui n’efface rien ,mais permet de savoir ,pour toutes les futures generations,.
En matière d’histoire la langue de bois n’a pas sa place ,elle ne fait que prodiguer des mauvais abcès .
Dommage que Mme Simone Weil n’aie pu entendre ce discours.
Félicitations M.Macron et respect .
Cordialement
Merci pour avoir exprimé ici tout ce que j’ai ressenti en écoutant ce fabuleux discours qui parle si bien à l’âme juive.
parler pour les disparus est toujours un exercice un peu délicat, mais… c’est bien l’auteur de cet article qui a commencé ! Aussi et puisqu’il parle des « combats de nos pères » (sic) : j’imagine aisément ce que le mien aurait pensé du nommé Macron, « digne » successeur de ces hauts-fonctionnaires qui en d’autres temps envoyaient les juifs et autres à la mort et sans états d’âme…