Meyer Habib est l’homme de toutes les confusions. C’est aussi un homme que sa campagne honteuse et les paroles qu’il a prononcées lors de sa victoire ont tout simplement mis au ban de la République.

«Je ne peux pas m’empêcher d’abord de vous remercier, a-t-il déclaré, et de remercier aussi le Tout Puissant parce que c’est vrai que nous sommes dans une République laïque mais moi je suis croyant. Et chez nous, dans la religion juive, quand il y a un événement fort, on a l’habitude de bénir le Créateur pour nous faire arriver à de tels moments.»

Admirons d’abord l’étonnante maladresse de la syntaxe : Meyer Habib n’est pas seul dans ce cas hélas mais force nous est de déplorer que l’on puisse être aujourd’hui député de la nation sans maîtriser les rudiments de la langue française.

Remarquons ensuite une première confusion, «énormissime» eût dit Montaigne : un vrai républicain ne mentionnerait pas ainsi le Tout-Puissant, qui pis est en l’opposant à la «République laïque», mais est-ce qu’un croyant sincère ferait passer ledit Tout-Puissant après tout le reste ? La combinaison du mépris le plus total envers la laïcité et le savoir-vivre républicain, et de l’instrumentalisation du religieux, désignent donc bien Habib pour ce qu’il est : un tartuffe, et de la pire espèce.

Je n’hésite d’ailleurs pas à dire que ma réaction outrée est aussi celle d’un juif car il y a une différence, essentielle, entre d’une part vouloir participer à la vie nationale et civique «depuis» son judaïsme, lequel n’a après tout pas moins droit de cité comme école de pensée, famille spirituelle ou héritage culturel que le christianisme, de gauche ou de droite, que les Lumières ou que, disons, l’identité provençale ; et d’autre part user de la République pour ne parler qu’aux siens, à sa communauté, ou pour servir les intérêts d’un autre gouvernement – un gouvernement qui pousse d’ailleurs sans vergogne, au nez et à la barbe du nôtre, les Français juifs à l’émigration.

En d’autres termes, et c’est la deuxième confusion que je lui reproche, Meyer Habib compromet par sa vulgarité bête une attitude que je crois pourtant juste et saine mais qu’on aura tôt fait d’assimiler à la sienne : celle de Blum et de Mendès France jadis, celle d’un Lionel Stoleru plus récemment ou bien d’une Simone Veil, celle d’Adolphe Isaac Crémieux au XIXe siècle, juif pratiquant, solidaire des siens dans la persécution et grand Français. C’est que le judaïsme a bien quelque chose à apporter à la France et c’est cette vérité toute simple – et pour moi si belle – que les simagrées du député Habib risquent de rendre inaudible à ma génération.

La flambée d’antisémitisme qu’ont entraînée et sa candidature et ses choix électoraux ultra-communautaristes ne doivent d’ailleurs pas nous abuser : on peut, on doit dénoncer les agissements de cet homme sans craindre le qu’en-dira-t-on de la droite juive. Déclarer haut et fort le dégoût qu’il nous inspire ne fera de nous ni des antisémites ni des «self-hating Jews» : je ne sache pas que Meyer Habib ait le monopole de la judéité. Cela étant dit, voilà encore une confusion à laquelle lui et ses sbires nous ont habitués. Le résultat est dramatique, le procédé scandaleux : à les en croire, il serait sans doute antisémite de vomir Madoff ou d’abominer Baruch Goldstein. L’antisémitisme, jusqu’à présent haine du peuple juif ou de la communauté juive (le choix de l’un de ces termes variant selon le contexte politique et historique), trouve une autre définition : il devient en effet critique de n’importe quel individu juif. Pour moi, je m’y refuse et encourage mes lecteurs à faire front contre un homme qui prend les juifs en otage.

Lors de sa campagne, Meyer Habib n’a pas hésité à s’allier aux pires représentants du rabbinat israélien, à Yitzhak Yosef par exemple, Grand Rabbin Séfarade d’Israël et à ce titre très influent chez les Franco-Israéliens. Yosef est un répugnant bigot qui déclarait par exemple en 2016 que les non-juifs devraient être expulsés, ou que les enfants religieux devaient être soustraits à leurs parents laïques, ou encore, plus récemment, que les femmes impudiques étaient des bêtes. Avec quelques autres, il contribue à ce qu’une ancienne règle qu’on n’observait plus et dont on se demande même comment elle a pu l’être à un moment, revienne en force et prive de liberté et de joie les juives et les juifs : l’interdiction faite aux femmes de chanter. Que dirait-on si un homme politique catholique avait fait campagne aux côtés d’un prélat possédant semblable pedigree ?

On pourrait aussi mentionner les appels ardents du sinistre Ron Chaya, cet imbécile dont les vidéos nauséabondes font les délices de la fachosphère trop heureuse de trouver à se moquer des juifs sans avoir à chercher plus loin qu’auprès de leurs rabbins. Si nul savant ne prend Ron Chaya au sérieux, il faut constater que la plèbe francophone lui voue en revanche une vénération sans borne : son soutien à Meyer Habib a donc très certainement compté. Là encore, on serait bien étonné qu’un homme politique de ce centre droit auquel le député appartient aille chercher l’appui d’un prêtre qui aurait déclaré le quart de ce que ce superstitieux analphabète a osé dire.

Confusion donc, entre religion et politique, mais aussi entre les valeurs de la République et celles de l’obscurantisme le plus crasse.

Confusion, aussi, disons-le, entre une circonscription, la huitième des Français de l’étranger, et l’un des pays qu’elle comprend : il me semble que Habib a en charge de représenter les Français de Turquie et d’Italie par exemple, et qu’il n’en parle pourtant jamais. Comptent-ils à ses yeux et à ceux de l’UDI pour du beurre ? A l’heure où le pays d’Atatürk se change en dictature islamiste impérialiste, on aurait pourtant aimé que ces gens s’y intéressent et défendent les libertés bafouées.

Confusion, également, au sein du sionisme. Léon Blum était sioniste et fit beaucoup pour la cause du peuple juif en détresse : un kibboutz porte même son nom en Galilée, qu’il appelait sa «ferme». Loin de moi de rejeter tout engagement d’un politicien français en faveur de ce mouvement pour lequel, après tout, on a le droit de ressentir un attachement sans que cela nuise aux intérêts de la France ! Mais encore faut-il savoir de quel sionisme on parle.

Je ne m’étendrai pas ici sur le désastre occasionné par la politique de Netanyahu mais ferai seulement remarquer à mes lecteurs que la droite sioniste désormais trustée par celui-ci était jadis à tout le moins laïque et nietzschéenne : les Klausner et les Jabotinsky – ou le père même de l’actuel Premier Ministre – étaient des Européens raffinés, pétris de culture classique et de sensibilité païenne, que la mention hébétée du «Tout-Puissant» eût profondément embarrassés. C’est Begin qui fit passer leurs héritiers à un conservatisme religieux de convenance : cette confusion-là est aujourd’hui entérinée, il n’en est pas moins regrettable qu’un député de la République ignore quelle histoire et quelles tensions se cachent derrière elle.

Confusion d’ailleurs, ultimement, au niveau théologique. Le discours fort pauvre de ce point de vue, de Meyer Habib, ressemble en effet plus au prêchi-prêcha de l’orthodoxie coranique qu’à la doctrine juive authentique. Allez dire à Maïmonide que le «Tout-Puissant» s’intéresse personnellement à la destinée du député de la huitième circonscription des Français de l’étranger et peut influencer l’histoire en sa faveur : celui qui ruina le naïf providentialisme ascharite vous rira au nez.

L’idée même de «Tout-Puissant» est profondément contraire au judaïsme. Dans la Kabbale, Dieu se retire en lui-même : loin d’être omnipotent, il est Celui qui réduit sa puissance pour que le monde puisse lui faire face et même le défier à travers l’homme. Le grand penseur André Neher, l’une des gloires du judaïsme français, écrivait qu’«au rebours d’une terminologie superficielle et vulgaire», Dieu n’est pas le Tout-Puissant mais l’être qui accepte de limiter Son pouvoir car au-delà c’est le domaine d’un autre, le domaine de l’homme. Voilà ce que le tartuffe des tartuffes Meyer Habib ne comprendra sans doute jamais.

La vraie foi, la juive du moins, consiste à séparer. Dieu et l’homme. Le juif croyant ne cite pas Dieu au terme d’une énumération prenant la République pour cadre : il ne le fait pas parce que c’est insulter autant à la liberté que Dieu a d’abord voulue pour lui, qu’au «Tout-Puissant» lui-même. Habib n’est en somme pas seulement un ennemi de la République, il nous ramène aussi, par son confusionnisme, à cette idolâtrie dont le mérite du judaïsme reste d’avoir voulu vider la terre.

Voilà pourquoi il est du devoir de tout citoyen sincère et responsable de tenir cet homme pour ce qu’il est : un ennemi du consensus républicain. Mais voilà pourquoi, aussi, il est du devoir de tout juif que le sort de son pays, la France, et le sens de sa mission spirituelle peuvent inspirer, de lui tourner le dos à tout jamais.

6 Commentaires

  1. C’est vrai qu’il est lourd mais les juifs de France vivant en israel l’aime bien surtout que c’est difficile d’obtenir des équivalences de tout ordre par le giuvernement israélien qui s’en fou et a d’autres chats à fouetter. Et lui connaît bien netanyou. Qui plus est il y une campagne contre sa concurrente sur fb chez les français en israel : elle serait pro palestinienne à fond… c’est surtout ça qui a fait qu’il soit passé au second tour. Franchement ces histoires de rabbin je n’en ai pas entendu parler pourtant je vis depuis 2 ans en Israel. Perso je n’ai pas voté mais ça c’est une promesse que j’ai faite en juillet 2014.

  2. Merci pour cet article!
    Appliquons la laïcité dans son intégralité afin d’être en mesure de demander aux autres communautés de s’y soumettre!

  3. Bonjour

    Merci pour votre commentaire . Je vis en Italie et le découpage absurde de notre circonscription met ensemble les français d’ Italie, Vatican, Grece, Turquie, Grece, Malte, Chypre et Israel . Mr Mayer-Habib, déjà élu lors des dernieres élections législatives et pendant ces 5 années, nous ne l’ avons pas vu une seule fois !! Que dire d’ un tel député???!!

  4. Très bon texte, qui fait beaucoup de bien à lire mais où néanmoins s’est glissée une erreur (d’ordre juridique).Habib n’est pas « en charge de représenter » les français de Turquie, d’Italie ou d’Israel, il est, en qualité de député, en charge d’exercer la souveraineté nationale (la nation étant bien entendu la nation française) au nom du peuple français (dans son intégralité, ce comprenant les français de l’étranger).

  5. haziza change de nom et fais toi appeller hakhjija par exemple sinon le tout puissant va se facher avec toi

  6. article à charge d’un juif antireligieux
    Les passages calomnieux sur rav ron chaya et rav yossef sont indignes