L’espace télévisé est une dictature. Un petit monde codifié, aseptisé, policé. Tout y est bien à sa place, rien ne dépasse. Face caméra, tout est idyllique. Présentateurs impeccablement maquillés, pas une goutte de sueur au front, jamais un mot de trop. Clean. En coulisses, il y a des larmes, beaucoup de larmes, des larmes dans des proportions inattendues, de fréquentes disputes en salle de montage, des substances et des ambitions qui dévorent. Mais on ne vous racontera jamais cela. Le spectateur ne doit rien percevoir de l’humanité (avérée) des dieux qui s’échinent en secret à créer un monde factice, un monde aussi alternatif que la vérité à l’époque de Donald Trump (lui-même monstre cathodique).
Avez-vous remarqué ? A la télé, l’exercice du direct a quasiment disparu. Tout ou presque est enregistré. Le réel est devenu si incongru qu’on ne le montre plus. Lorsque celui-ci surgit, entrant par l’appel d’air produit par une cérémonie des Césars ou d’une émission de Cyril Hanouna, tout explose ! On qualifie généralement cela de « grand moment de télé ». Le terme est générique, il ne distingue pas. On l’emploie « quand il se passe quelque chose » et tout le monde comprend alors que la séquence mérite le coup d’œil. Hier soir, sur le service public, ce « quelque chose » s’est produit. Christine Angot a surgi. Ce grain de sable a suffi à gripper deux géants : la machine télévisuelle et la morgue fillonienne. Supposément frêle, vêtue de noir, utilisant un vocabulaire précis, le grain de sable Angot a déconcerté les téléspectateurs. La plus grande écrivaine française en exercice a produit le même effet que ses romans : elle a sidéré. Hier soir, dans l’Emission Politique de France 2, l’auteure d’Une semaine de vacances, d’Un amour impossible et de L’inceste était opposée à François Fillon. On la présentait comme « invité mystère » pour générer du spectacle ? Pari gagné ! Par les mots, par ses mots, Angot a terrassé un Goliath de communication politique. Imperturbable Fillon pensait-on. Depuis plusieurs mois, le candidat de la droite et du centre se plaçait constamment sur le terrain des valeurs. Qu’importaient les affaires, les scandales, sa parole qui ne vaut plus rien, ses convocations devant le juge, les bourdes à répétition : l’ancien Premier Ministre persistait à se présenter en chevalier blanc héritier du général de Gaulle. Imagine-t-on le grand Charles dans cette indescriptible chienlit ? Sûrement pas… Dans un monde sensé, la situation du candidat LR aurait été intenable. Il aurait logiquement démissionné. Alain Juppé ou François Baroin auraient repris sa campagne en cours de route. L’un ou l’autre auraient certainement pu redresser la barre. Seulement François Fillon est un kamikaze. Il a poursuivi son œuvre crépusculaire. Droit dans ses bottes, il fonce désormais droit dans le mur. Banzai ! Dans son crash annoncé, c’est toute la droite qu’il précipite, non seulement la frange réactionnaire et conservatrice de son parti mais également la droite du progrès qui devient prisonnière du chaos né du jusqu’au-boutisme de son candidat.
Si Angot est en colère, c’est parce que tout dans la campagne Fillon pèche. La forme évidemment. Le fond aussi. Après avoir rameuté Sens Commun, le candidat à l’Elysée a poursuivi son entreprise de réorganisation de la droite. De curieux soutiens ont ainsi rallié sa cause. Dernier venu ? Charles Millon, célèbre pour avoir aboli le cordon sanitaire séparant la droite républicaine et le Front National. Tout cela se déroule, rappelons-le, quelques jours seulement après la publication par Les Républicains d’une caricature aux relents antisémites. Le dessin présentait Emmanuel Macron sous les traits d’un banquier au nez crochu… A croire que la droite des valeurs n’a plus d’honneur. Que son héros plonge dans le sophisme. Qu’il relativise tout et choisit de pourrir le débat plutôt que de rendre des comptes. Que valent encore les mots de François Fillon ? Comment rétablir une parole qui sans cesse se dédit ?
On ne refera pas ici le débat d’hier comme on refait entre amis les matchs de football joués la veille. Reste une certitude : le grand mérite d’Angot fut hier de faire voler en éclats tout le dispositif de l’Emission Politique. En abolissant le cadre, en faisant fi des huées d’un public largement composé de responsables LR huant et invectivant comme au cirque, l’écrivaine a dénudé son adversaire. Elle a exposé ses pratiques et sa méthode de défense. Elle a dit, face à face, d’égale à égal, au candidat Fillon ce que l’opinion avait sur la conscience. Autrement dit, elle ne fut pas juge mais plutôt porte-voix (la nuance importe). En ripostant, l’ancien favori des sondages s’est embourbé. Arborant un triste sourire de façade lorsqu’on lui opposa les multiples cadeaux offerts par Robert Bourgi, Fillon a répondu, fier de son effet : « j’ai rendu les costumes ! ». Mais à quoi sert de rendre des costumes faits sur-mesure ? Qui d’autre que lui pourra bien les porter ? Et quand bien même : comment ces tissus pourraient-ils porter autre chose que le parfum du déshonneur, de la Françafrique et d’un système dont les citoyens sont plus que jamais lassés ?
Hier, sans cesse, Angot attaquait. Saine colère disent les uns, attitude déplacée contestent les autres. A la longue tirade des reproches que l’écrivaine adressait à un candidat enfin mis devant ses responsabilités, François Fillon opposait un hallucinant : « De quel droit vous me condamnez ? ». Soit la même stratégie de défense que le fameux « Et alors ? » asséné quelques jours plus tôt. Or, poser la question « de quel droit me jugez-vous ? » revient à demander à Christine Angot « qui êtes-vous pour porter une opinion ? » Dans cette contestation même du rôle de l’écrivain, se cachait évidemment une crainte. Une crainte finalement légitime. Car, comme le dit Toni Morrison dans le premier numéro de la revue America : « Tout écrivain digne de ce nom parle du monde qui l’entoure. Prenez Eschyle. Prenez Shakespeare. L’art n’est jamais séparé du politique. (…) Aujourd’hui comme hier, si les politiques ont besoin de museler les écrivains, de les enfermer, de les déporter, de les faire taire, c’est parce qu’ils ont compris que l’art et la politique ont partie liée ». Mission et fonction de l’écrivain. Le rappel est utile. Dans cette époque qui s’obscurcit, heureusement que nous avons Christine Angot !
Je suis d’accord avec cet article que je trouve passionnant. J’ai adoré l’intervention salutataire de C. Angot et sa parole. Malheureusement, loi de la télé oblige, je pense que c’est Fillon qui sort son épingle du jeu.
Oh la vache !
Article truffé de sophismes (le plus grossier étant l’équivalence entre le « De quel droit me jugez-vous ? » de Fillon et sa traduction en « Qui êtes-vous pour porter une opinion ? » posée comme une évidence). La chute tombe carrément dans le grotesque : passons sur ce qu’il y a d’incongru à simplement rapprocher les noms de Angot et de Shakespeare, mais l’auteur de l’article donne l’impression de ne pas même comprendre un développement pourtant élémentaire : dire qu’il y a toujours du politique dans l’œuvre d’un écrivain ne revient pas à dire que sa « mission » soit politique et encore moins qu’il ait à intervenir directement (et de façon aussi déplacée) dans l’arène politique.
(Mais le refus de toute logique semble être un point commun entre l’auteur et Mme Angot : celle-ci, dans sa charge inquisitoriale contre F.F. a commencé par refuser le dialogue (« ce n’est pas un dialogue » répète-t-elle lorsque Pujadas voudrait que F. puisse lui répondre) et lâche finalement cette plainte : « On ne peut pas parler avec des gens comme vous. »).
Qu’est-ce qui unit François Fillon et Marine Le Pen ?
Similitudes et convergences politique, je cite :
Les affaires dont tous les deux ont à répondre devant la justice
Les affaires, rémunérées ou pas peut importe, avec Poutine, qui s’invite de plus en plus sur le plateau de la présidentielle française même s’il dit de ne pas s’en mêler.
La première visite à Moscou en 2008 de M. Fillon, Premier Ministre à l’époque, lui a fait dire avec jubilation : « Vous vous rendez compte, il m’a consacré trois heures ! » (extrait du Le Point). L’entourage de Fillon a parlé de la fascination pour l’homme fort du Kremlin comme s’il avait vu Dieu le Père.
Laissons d’à coté les récentes révélations de la presse sur la mise en relation du président de la Russie avec le milieu des affaires du pétrole, démenties par les intéressés, et parlons plutôt de ses conférences en Russie données dans le cadre de sa société de conseil. Gratuites à son dire, n’en découle pas moins ce fort désir de François Fillon de nouer une (sainte) alliance avec la Russie de Poutine.
« Regardons sa compétence, plutôt que de lui faire de faux procès. Il a travaillé avec Vladimir Poutine mais il n’y a aucun lien personnel ou amical », a rétorqué le secrétaire général LR.
Pas si sûr en y regardant de plus prêt !
Les deux hommes se tutoient, il se retrouvent à table dans la datcha de Poutine à Novo-Ogaryovo, il se voient également dans la résidence de Sotchi du président russe pour une partie de billard. Facile à imaginer les bons procédés de ses rencontres en termes d’échange d’hommages.
Christine Angot a montré sur le plateau de F2 son bracelet disant pêle-mêle que tout cadeau, tôt ou tard, engage et, j’ajoute, également ceux qui s’apparentent à des bonnes pratiques de l’amitié. Intéressé-désintéressé à chacun d’en juger.
Les faits sont toutefois là et parlent du soutien appuyé par François Fillon à la politique d’intervention de Poutine en Syrie pour aider Bachar à mater son peuple ou en Ukraine pour annexer la Crimée et de facto la région du Donbass.
Le cadeau à Poutine c’est le plaidoyer pour la levée des sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Russie, « Un geste fou », a dit Fillon.
Poutine ne peut que remercier d’avoir à sa disposition des dirigeants politiques occidentaux prêts à travailler si bien avec lui, que ce soit Donald Trump, ou François Fillon ou encore Marine Le Pen
La présidente du FN a été reçue ces jours-ci par le président de toutes les Russies, celles annexées comprises, dans une rencontre hors programme et hors médias occidentaux. Les mots de Poutine en l’accueillant sont choisis, directs, ciblés, en particulier sur l’Europe :
« Nous ne voulons en aucune façon influencer les événements en cours »,
mais c’est à l’évidence chose faite comme le démontre la poignée de mains et le « très heureux de voir » lancé à l’adversaire de François Fillon à son extrême droite.
Poutine, en bon stratège, n’a-t-il pas déjà joué le premier tour de la présidentielle en convoquant Marine Le Pen (c’est mon hypothèse) car il considère d’or et déjà battu François Fillon ?
« Bien sûr, il sera intéressant d’échanger nos points de vue sur le développement de nos relations bilatérales et sur la situation qui se crée en Europe. Je sais que vous représentez un spectre politique en Europe qui croît rapidement. »
Et quel spectre !!!
Celui des extrêmes droites europhobes et xénophobes, prêtes à enterrer l’Union européenne et venir échouer et se soumettre, comme le dit et le répète Marine Le Pen, au nouveau monde multipolaire, cette eurasie de Poutine, qui à différence de l’Europe est pour elle un havre de paix et tant pis pour les peuples que Poutine a fait rentrer de force dans son eurasie (sic) !
Le rapprochement avec la Russie reste pour tous les deux une trahison de l’esprit de l’Europe et des accords en soutien aux pays de l’Est, l’Ukraine, les pays baltes.
Le souverainisme, le patriotisme, qui cache son double (le nationalisme), sont un pilier pour tous les deux. On parle de refonte de l’Europe en terme de Nations dans le cas de François Fillon et d’un démantèlement pur et simple de l’Europe dans celui de Marine Le Pen.
Le programme sociétal, taillé pour un électorat conservateur, traditionaliste et catholique, de la Manif pour tous, des anti-IVG, contre l’adoption des couples homosexuels, varie entre la préférence nationale allégée et révision de l’espace Schengen avec quotas d’immigration pour François Fillon et la priorité nationale durcie pour MLP, avec son volet rigidifié d’accès à la nationalité française et la restauration des frontières.
Pour conclure, la majorité pénale à 16 ans et la dénonciation d’un nouveau racisme, l’anti-français, unissent tous les deux comme tendance idéologique lourde.
Les téléspectateurs sont toujours surpris par la sincérité à la télévision.
Le texte de Christine Angot était objectivement très fort.
Mais c’est surtout son énervement, son indignation face à un Fillon amorale qui a fait de sa participation un moment de télévision si mémorable.
Si cela fait gagner des points à Fillon?! Franchement, soyez sérieux. Le fait qu’il ait entendu avec force que personne n’osait lui dire, c’est la moindre des choses. Le masque est tombé. Vive Christine Angot.
« La plus grande écrivaine française en exercice »a réussi l’exploit de nous faire rendre Fillon sympathique au moins quelques minutes tout en mettant en perspective sa dignité et en se ridiculisant elle-même. Du grand art!
(Faites gaffe avec la drogue quand même les gars parce là je crois que vous commencez à halluciner sérieusement!)
N’importe quoi
Pas du tout d’accord avec cette analyse
Cette femme ne me représante nullement, elle s’est ridiculisée face à Fillon , imperturbable.
Elle etait le porte-parole de tout ce que les journalistes voudraient dire et ne peuvent pas dire … C’est tellement haineux!