« Le discours n’est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer ». C’est à partir de cette idée formulée par Michel Foucault en 1970 que l’on pourrait expliquer l’idée directrice de l’écriture inclusive, c’est-à-dire une langue non sexiste qui tend à rendre visibles les femmes dans le langage après des siècles de domination masculine censée représenter la neutralité. Cette écriture entend ancrer de façon concrète un principe d’égalité qui, s’il est accepté en théorie de nos jours, n’a toujours pas trouvé sa place dans les usages les plus simples du quotidien. Alors que les luttes féministes actuelles convergent autour de la place symbolique de la femme dans la société, la langue est ici appréhendée comme un outil de leur invisibilisation.

L’écriture inclusive se situe dans la lignée de courants féministes des années 1960-1970, autour de la condamnation de la masculinisation du langage, participant à la construction et à la perpétuation de stéréotypes de sexe. Rejoignant de nombreux travaux antérieurs, notamment le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, l’agence de communication d’influence Mots-Clés a décidé d’établir un Manuel d’écriture inclusive pour cesser d’invisibiliser les femmes dans l’écriture.

Cette jeune agence, fondée en 2011, privilégie une approche discursive consciente. Son credo : « le discours n’est pas simplement un instrument de l’influence, mais bien le lieu de l’influence ». C’est pourquoi elle situe les enjeux de l’égalité femmes-hommes dans le langage et la manière d’écrire : « C’est par un travail sur les mots que nous avons décidé à notre tour de nous engager en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes », affirme Raphaël Haddad, fondateur et directeur associé de Mots-Clés (et membre du Comité de rédaction de la Règle du Jeu).

Le principe fondateur de l’écriture inclusive porte sur un ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité de représentations des deux sexes. Cela se traduit par trois éléments expliqués dans ce manuel.

Tout d’abord, il s’agit d’accorder en genre les noms de fonctions, grades, métiers et titres. Malgré leur disparition de l’usage courant, les noms des fonctions existent déjà massivement au féminin, comme en témoigne un tableau présenté dans le manuel indiquant les terminaisons féminines de divers métiers. S’il est essentiel de montrer par le langage qu’il n’existe pas de métier réservé strictement aux hommes, certaines dénominations seront certainement plus difficiles que d’autres à adopter, comme « autrice »…

La deuxième convention invite à user de façon visible du féminin et du masculin, que ce soit par l’énumération par ordre alphabétique, l’usage d’un point milieu (par exemple : sénior·e·s, ou invité·e·s), ou le recours aux termes épicènes, c’est-à-dire les termes dont la forme ne varie pas entre le nom féminin ou masculin (artiste, membre…).

Enfin, une troisième convention propose de ne plus employer les antonomases du nom commun « Femme » et « Homme », par exemple dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui a en réalité longtemps servi à écarter juridiquement les femmes du droit de vote, et formulé, au Québec « Droits de la personne humaine ».

Ces conseils remettent fondamentalement en question l’utilisation du masculin générique. À celles et ceux qui objecteraient que le masculin représente le neutre, ce manuel réaffirme au contraire que le neutre n’existe pas en français. Le français ne connaît que deux genres, le masculin et le féminin, et il s’agit désormais de « faire apparaître les femmes sans les voiler sous un pseudo-neutre, qui n’existe pas » comme le rappelle Anne-Marie Houdebine, qui postface ce manuel. Utiliser le masculin pour marquer le neutre résulte d’un usage que nous avons largement intériorisé et qui prend ses racines dans les règles imposées de façon subjective par les grammairiens du XVIIe siècle, ayant installé la domination masculine durablement.

La langue ne serait donc pas « naturelle » mais profondément politique. Elle possède un pouvoir aliénant qui peut discriminer et impacter les constructions mentales et représentations sociales de chacun·e. Pour que la langue reflète une société égalitaire et représentative, l’écriture inclusive est un premier pas. Notre langue doit approfondir sa qualité éthique pour que les femmes ne soient plus reléguées.


Extrait du manuel d’écriture inclusive, à télécharger dans son intégralité en cliquant ici :

manuel-ecriture-inclusive-extrait

Un commentaire

  1. Chers tous,

    Les Françaises et les Français sont égaux devant la loi. A vous lire, ce serait insuffisant : égaux, égales, égaux entre eux et égales entre elles, ou bien égaux entre eux et elles et égales entre elles et eux… ?

    La stupidité et la bassesse de tels propos est une insulte à l’intelligence. Tout ça parce que l’on veut que ce qui est différent soit justement égal à ce qui en diffère. Parce que d’aucun ne suppportent pas le manque, frappé de déni. Ce que le monde attend, et que certains esprits inconscients veulent occulter sous leur « per-versité », c’est que le futur président des Etats-Unis d’Amérique gouverne l’Amérique, et donc le reste du monde indirectement, en bon père de famille. Je vous met au défi : oui ou non?

    Réfléchissez donc un peu, bon Dieu, avant de promouvoir des valeurs « andhromologique », risquant de mettre le monde à feu et à sang.
    Relisez donc ceci, https://laregledujeu.org/2016/02/21/27842/mise-au-point/, en bas d’article.