Excellences, Chers invités, Mesdames et messieurs,

C’est un grand honneur pour moi d’ouvrir la XIIIe Conférence annuelle de stratégie européenne de Yalta.

L’année dernière, ici même, nous avons discuté dans la mesure dans laquelle le destin de la nouvelle Ukraine affecte l’Europe et le monde. Je présume que beaucoup de ceux alors présents, ainsi qu’un nombre important d’hommes politiques occidentaux et de journalistes, ne pouvaient guère se représenter quelle serait l’image du monde un an plus tard.

Le conflit qui embrase le Moyen-Orient, les grandes manœuvres militaires russes aux frontières occidentales de l’OTAN, l’agression russe au Donbass, les vagues menaçantes de migrants, l’escalade du terrorisme, l’exubérance du populisme et de l’extrémisme de droite, la propagande qui s’exerce tous azimuts sont devenues les caractéristiques d’aujourd’hui.

Le monde démocratique n’exerce plus le moindre contrôle sur ses propres valeurs.

La propagande russe n’opère pas uniquement sur les points faibles de l’Occident.

Elle abreuve l’Occident de ses idées paranoïdes.

Elle transforme les courants marginaux en courants dominants.

La Russie tente de s’incruster dans la tête de la civilisation occidentale : l’euroscepticisme, l’antiaméricanisme, l’isolationnisme œuvrent à la destruction de son actuel système de coordonnées.

Un concept tel celui de « zone d’influence » a refait surface.

Des centaines de millions de dollars affluent vers l’Occident pour soutenir l’égoïsme national, la lassitude que suscite l’intégration, l’intolérance, la haine.

Je peux affirmer avoir eu personnellement connaissance de travaux rigoureux menés par les stratèges du Kremlin qui visent à rendre possibles de futures « sorties », à mettre en place de nouveaux projets politiques aux fins de modifier les élites pro-européennes, de saper les valeurs occidentales, et de rompre l’unité de l’Union européenne et de l’Alliance transatlantique.

Avec pour conséquence la construction éventuelle d’une Europe « alternative ».

Une Europe qui aurait pour fondements l’égoïsme, le populisme, le cynisme.

Avec les élections à venir dans les principales capitales européennes, l’apparition d’une Europe totalement nouvelle relève du possible.

Pour l’Occident, l’heure de vérité sonnera dans les mois prochains. Et c’est aujourd’hui, déjà, que nous devons nous préparer à ces réalités potentielles.

Croyez-moi, je refuse totalement à accepter pareil futur. Être Président d’un pays en guerre sans préserver son optimisme est impossible. Remporter la victoire, mener une nation le sont tout autant.

Je voudrais que tous les dirigeants européens conservent leur optimisme et assument leur rôle dans la défense de l’Europe. Il ne s’agit pas de la défense de l’Ukraine dont nous parlons là. Nous parlons de la défense de notre Europe commune. Tout simplement.

Ensemble, et seulement ensemble, nous pouvons gagner cette bataille.

Aux réunions des dirigeants européens, on me pose toujours cette question : « Qu’attendez-vous de nous ? » Notre attente se résume à deux choses. Qui ne sont ni l’argent ni la satisfaction des premiers besoins. Ni l’envoi de conseillers. Ce dont nous avons besoin tient en deux mots : unité et solidarité avec l’Ukraine.

Il est grand temps de comprendre qu’il n’existe plus de « zones de confort » où se préserver des chocs et des défis du monde aujourd’hui globalisé.

Quand, en toute impunité, un État tente de faire main basse sur une partie du territoire souverain d’un autre État, ceci doit constituer un défi, une menace pour tous les autres.

Dans le cas contraire, nul ne peut garantir que demain, on ne tentera pas de procéder de même à vos dépens.

Chers collègues,
Depuis deux ans et demi nous combattons une agression étrangère, au nom très simple. Il ne s’agit pas d’une guerre civile, ni d’un conflit interne à l’Ukraine. Mais rien d’autre que l’agression perpétrée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine souveraine, libre, et démocratique. Nous devons utiliser ce mot à l’exclusion de tout autre.

Si nous considérons le chemin parcouru, ce à quoi nous sommes parvenus apparaît plus à l’évidence.

Notre succès majeur est d’avoir pu enrayer une pénétration plus profonde de la guerre dans notre territoire.

La solidarité internationale qu’a su s’assurer la diplomatie ukrainienne nous protège aujourd’hui de cette menace mortifère.

Et sur le champ de bataille nous sommes magnifiquement défendus par l’Armée ukrainienne que nous avons réussi à remettre littéralement en ordre de marche.
Nos partenaires étrangers et nous avons vu les troupes ukrainiennes lors du défilé célébrant le XXVe anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine. Nous avons créé cette armée en deux ans. Nous ne parlons pas de nouveaux tanks, de nouveaux systèmes de multiples lance-roquettes, ni de nouvelles pièces d’artillerie. La nouvelle armée est le nouveau combattant ukrainien. Qui fait montre d’une grande motivation, d’un grand patriotisme, d’un grand professionnalisme, et qui est très jeune. La plupart de nos soldats sont nés après l’obtention de notre indépendance. Notre passé soviétique ne les affecte pas. Ils savent ce pour quoi ils se battent. Ils aiment leur pays, leur peuple. Certains, voire même la majorité d’entre eux, parlent russe. Mais les armes à la main, ils défendent notre souveraineté, notre liberté, notre démocratie.

Pardonnez-moi : ces propos ne sont pas exacts. Il s’agit, non de celles ukrainiennes, mais des nôtres, européennes. Et le champ de bataille se situe ici.

Cette armée est efficace, résolue dans les combats livrés dans les régions du Donbass et de Louhansk, mais, le plus essentiel, elle est expérimentée.

E jouit d’une expérience inestimable, susceptible d’être enviée bien au-delà de l’Ukraine. Et dont certains, qui plus est, ont déjà commencé à apprendre.

Que nous possédions cette expérience est un bien. Mais nous souffrons de l’acquérir dans une guerre que nous n’avons pas souhaitée.

Nous étions l’un des pays les plus pacifiques de l’espace post-soviétique.

Si on m’avait interrogé en 2013, j’aurais répondu que nous étions le pays le plus pacifique. J’étais loin d’imaginer que cela aurait lieu en Ukraine. Et malgré l’incident survenu en Crimée sur l’île de Tuzla en 2003 et dont le déclenchement ne fut pas de notre fait.

Mais l’ennemi a pénétré sur notre sol sans y être invité.

On me fait souvent ce grief. La partie ukrainienne, affirme-t-on, continue à « résister » et ne s’engage pas sur la voie ouverte par les accords de Minsk.

Je le répète une fois pour toutes : nous avons déjà tendu l’autre joue. Tant et si bien que nous avons failli y laisser la vie.

Nous ne ferons plus un pas tant que la partie russe n’aura pas parcouru la distance qui lui incombe sur le chemin de la sécurité !

C’est dans la sécurité que se cache aujourd’hui au Donbass la clef d’un règlement pacifique.

D’où la démarche effective que j’ai suggérée, une « feuille de route » qui prévoit une séquence d’étapes interdépendantes sur les voies politique et sécuritaire, avec l’assurance qu’elles seront de fait respectées. Le mémorandum de Budapest nous apprend clairement ce qu’il en est des garanties. La chose ne saurait se reproduire.

Nos exigences sont très simples. La Russie doit :

  • assurer un cessez-le-feu durable et global au Donbass. Nous avons vu hier ce que signifiait pour les Russes une trêve décrétée sans nos amis et partenaires, France et Allemagne : le cessez-le feu promis, plus de 30 attaques se déclenchèrent, appuyées par des tirs de mortiers et d’artillerie.
  • cesser l’approvisionnement en armes lourdes, munitions, et équipement militaire à son armée régulière engagée sur le territoire ukrainien.
  • permettre à la Mission spéciale de suivi de l’OSCE le libre accès aux territoires occupés du Donbass et de Crimée. Tel est le mandat dont est chargée l’OSCE.
  • Permettre aux observateurs internationaux un total accès à la partie non contrôlée de la frontière russo-ukrainienne. Si vous me demandez un indicateur chiffré de notre sécurité, je vous dirai 409,300 km de la partie non contrôlée de la frontière russo-ukrainienne. Si nous fermons cette frontière, il n’y aura plus de conflit en Ukraine. Enlevez les troupes d’occupation, enlevez les armes, et nous parviendrons à un accord et à un règlement global.
  • D’où notre exigence d’ailleurs formulée par les accords de Minsk : retrait des troupes russes du territoire ukrainien.
  • Libération des otages et prisonniers politiques ukrainiens : Sentsov, Kolchenko, Karpiuk, Klih, Zhemtchugov, et des dizaines d’autres. Je peux, soit dit en passant, vous faire miroiter une petite lueur d’optimisme : nous avons grand espoir de ramener, demain, Zhemchukov chez nous.

 

Voilà précisément le point que la partie russe continue de contester en s’efforçant d’apporter la preuve que l’Ukraine, prétendument, ne mettrait pas en pratique la partie politique des accords de Minsk. Ce qui est faux.

 

Contrairement au Kremlin, l’Ukraine respecte ses engagements.

Quelques faits concrets.

L’Ukraine a :

  • adopté la loi qui instaure un régime spécial d’autonomie dans certains territoires du Donbass et de Luhansk, et j’exprime ma gratitude au Parlement ukrainien.
  • adopté la loi d’amnistie.
  • adopté une mesure législative qui établit la liste des territoires que recouvre la notion de « certains territoires des régions de Donetsk et de Luhansk ».
  • adopté des amendements à la constitution de l’Ukraine sur la décentralisation, et ce, en première lecture.
  • travaillé avec des partenaires internationaux sur les modalités des élections locales dans le Donbass après la mise en place des conditions de sécurité.

En d’autres termes, nous dirons que la partie ukrainienne a démontré sa bonne volonté, son esprit de responsabilité, et clairement fait des pas dans le sens de la recherche d’un règlement pacifique.

Et qu’a fait la Russie de son côté ?

La réponse est : rien. En outre, elle tente de se défausser de la responsabilité sur quelqu’un d’autre.

En conséquence, nous ne nous laisserons pas entraîner dans le piège politique qui donne la priorité aux accords de Minsk. Tout cela n’est rien d’autre qu’une tentative de « manipulation historique » à la table des négociations et « d’agression contrôlée » sur le champ de bataille – quand elle se révèle nécessaire. Ce à quoi les Russes recourent de manière récurrente. Et, soit dit au passage, pas uniquement en Ukraine !

Voyez le Moyen-Orient, et d’autres régions du monde. Auparavant nous avions vu la Transnistrie, l’Abkhazie, l’Ossétie. Entre autres.

Pouvez-vous trouver ne serait-ce qu’une seule personne heureuse en Transnistrie, en Abkhazie, en Ossétie, ou à Donetsk ? D’où le message que je vous adresse : nous devons travailler sans relâche à la restauration de la souveraineté en Ukraine, afin que le drapeau ukrainien flotte de nouveau en Crimée, à Luhansk, et à Donetsk.

Mesdames et messieurs,
Nous n’avons pas le droit d’oublier la Crimée.

En occupant temporairement la Crimée, la Russie transforme la péninsule ukrainienne en place forte militaire et bouleverse de manière délibérée, et à son propre profit, l’équilibre stratégique en mer Noire et en Méditerranée.

Et pour ceux qui croient à la loi internationale, aux droits de l’homme, aux valeurs européennes qui nous sont communes, la Crimée se transforme en véritable camp de concentration dans le respect des « meilleures normes soviétiques » en matière de répression et de médecine punitive.

L’incident Ulmi Umerov a démontré de façon éclatante le cynisme et le sens criminel de la politique du Kremlin à l’égard des pro-Ukrainiens en Crimée occupée.

Il apparaît également à l’évidence que la puissance occupante ne peut et n’est pas en mesure de garantir les conditions sociales et économiques convenables en Crimée.

Ce qui explique leur « Il n’y a pas d’argent ici, mais vous vous accrochez ! », ou pourquoi ils traquent les insaisissables commandos venus d’Ukraine.

La stratégie de la Russie se comprend : forcer l’Occident et le monde à reconnaître la souveraineté de la Russie sur la Crimée.

On nous dit même que la question de la Crimée est terminée et résolue. Du point de vue de la législation internationale, elle ne s’est jamais posée. La Crimée appartient légitimement à l’Ukraine. D’autre part, la question de poursuivre en justice qui viole la loi internationale est toujours en suspens. Hélas, le Kremlin continue de nier son crime. D’où la nécessité qui est la nôtre de maintenir notre unité et, aussi, d’activer tous les mécanismes internationaux existants afin de faire cesser l’occupation de la Crimée. L’Assemblée générale de l’ONU qui s’est ouverte ces jours-ci à New York, a également son mot à dire à ce propos.

Nous, en Ukraine, comptons sur le soutien international qui sera apporté à notre initiative en vue de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies d’une résolution sur les violations des droits de l’homme en Crimée, ce qui entre dans le cadre de notre politique générale de mise un terme à l’occupation.

L’objectif principal est de faire en sorte que le prix de l’occupation s’alourdisse. Afin que l’usurpation illégale – à dire vrai, le vol cynique – soit pour l’agresseur d’une douleur aussi insupportable que s’il tenait entre ses mains « le charbon en flammes du Donbass ».

Je l’ai dit, et je souhaiterais l’affirmer une fois encore : Il serait peut-être temps de riposter à l’impudence russe qui s’exerce sur les territoires occupés, dont celui des Tatars de Crimée. Ce qui exige l’introduction de sanctions sectorielles supplémentaires. Nous n’aboutirons à rien en l’absence de sanctions ! Nous n’avons pas de soldats de l’OTAN. Nous nous défendons en usant de nos propres armes. Les sanctions sont la seule manière de contraindre Poutine à demeurer à la table des négociations. Nous y comptons. Car, quand nous parlons de sanctions, elles ne concernent pas uniquement celles prévues par les accords de Minsk. Si les sanctions sont adoucies ou levées, la Russie quittera-t-elle l’Ukraine, le Donbass ou la Crimée ? Va-t-elle retirer ses troupes, libérer les prisonniers politiques ? Coopérera-t-elle avec l’OSCE ? Fera-t-elle quoi que ce soit pour expliquer la levée des sanctions ? Rien ne saurait l’expliquer. C’est là un pas vers notre futur. Le futur de l’Europe. Et non un pas pour l’Ukraine. Au vu de tout cela, une version révisée de l’amendement Jackson-Vanik ne serait pas une mauvaise chose. Je suis celui qui a demandé au Congrès des États-Unis de brandir l’amendement Jackson-Vanik au sujet de l’Ukraine. Il est temps aujourd’hui de l’imposer à la Russie !

À vrai dire, les souffrances des citoyens ukrainiens ne sont plus depuis longtemps la seule responsabilité de quelques individus. Il s’agit là d’un problème systématique du régime créé par le Kremlin à Moscou. C’est pourquoi il ne faut pas que certains individus supportent seuls la responsabilité des crimes commis mais, avec eux, le régime dans son ensemble.

Moscou doit prendre conscience que le prix à payer pour de telles violations ne fera que s’accroître.

Des expertises avec nos partenaires sont déjà en cours à ce propos.

Une raison supplémentaire d’accentuer la pression sur la Russie serait l’organisation d’élections législatives dites russes sur le territoire de la Crimée.

La position de l’Ukraine est claire : nous ne reconnaissons pas la légitimité d’élections russes dans les territoires occupés. Et ceux qui seront élus à la Douma d’État russe se seront acheté une carte de membre du « Club des objets de sanctions ». Bienvenue au « Club des objets de sanctions », messieurs !

Je souhaiterais au passage remercier les États-Unis pour leur rôle moteur dans le renforcement des sanctions contre l’agresseur.

Je veux croire que les sanctions américaines à l’encontre des compagnies affiliées à Gazprom et celles contractantes impliquées dans la construction dudit « Pont de Poutine » menant en Crimée seront pour l’agresseur un signal de réveil.

Lors de mes réunions avec les partenaires étrangers, on me demande souvent : « Que le monde peut-il faire encore pour aider l’Ukraine ? »

Premier point : sortir enfin de la torpeur et considérer la réalité objective qui nous entoure. Ce n’est pas contre la seule Ukraine, mais contre l’Occident qu’est menée une guerre réelle, à grande échelle. Une guerre dite « hybride ». Nous n’avons plus le droit de feindre qu’il ne se passe rien.

Ce que je vois autour de nous me rappelle une pièce célèbre du dramaturge français Eugène Ionesco. Des rhinocéros hybrides sont déjà en train de parcourir nos rues. Indifférents, ils détruisent tout sur leur passage : les valeurs, les principes, la démocratie. Et, pourtant, nous continuons de débattre de leur origine. Sont-ils gentils ou méchants ? Être rhinocéros, est-ce une si mauvaise chose ? Voilà ce que nous faisons plutôt que nous unir et déclarer avec force qu’ils ne sont pas les bienvenus et que nous ne nous laisserons pas transformer en rhinocéros !

Chaque jour vous pouvez voir les tentacules hybrides de la Russie tenter de nous réduire en miettes et croire que cette menace passera au loin.

N’ayez aucun doute, demain déjà ces tentacules vous atteindront.

Et ne demandez pas pour qui sonne le glas. Il sonne pour nous tous.

Deuxième point : en conséquence, il nous faut préserver notre unité et, ensemble, mettre l’agresseur en échec.

Les sanctions restent un outil efficace pour contenir l’agression et garder la partie russe à la table des négociations.

Je salue la résolution prise hier par le Conseil européen de prolonger d’un trimestre les sanctions individuelles pour violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

Nous devons rester solidaires les uns des autres et travailler à l’unisson afin de ne pas laisser à l’agresseur la moindre chance de désunir nos rangs.

L’UE pourrait, par exemple, procéder à un ajustement de son calendrier de sanctions et passer d’une base semestrielle à annuelle. De fréquents réexamens exigent trop de l’UE et offrent une chance à la Russie d’ébranler son unité. Et aussi de l’Ukraine car toutes les fois où nous traversons une période d’escalade du conflit, nous perdons des dizaines, voire des centaines de vies humaines.

J’entends les entreprises européennes se plaindre des pertes prétendument colossales qu’elles ont à supporter du fait des sanctions contre la Russie. En vérité, ce sont là, non des pertes, mais des investissements dans la sécurité de l’Europe.

Réfléchissez : la majeure partie, sinon la totalité des excédents de profit générés pour la Russie par la fourniture de pétrole ou de gaz, par le commerce avec les autres pays occidentaux, a servi, non à la modernisation de son économie et de ses normes sociales, mais à corrompre et à moderniser son armée sur une grande échelle, ce qui constitue une menace pour notre et pour votre sécurité. Nous ne devons pas permettre qu’un euro ou qu’un dollar gagné en commerçant avec l’Occident nous revienne de Russie sous forme d’une balle ou d’un missile.

Le mécanisme législatif international visant à contrecarrer l’agresseur attend lui aussi de fonctionner à plein temps. Nous avons déjà intenté une série d’actions en justice contre la Russie pour violation des Conventions de l’ONU sur la Loi maritime. L’agresseur devrait sentir pleinement la force de la loi internationale qu’il a si brutalement violée.

Il nous faut également tirer les conclusions qui s’imposent sur la manière dont le mémorandum de Budapest a été respecté. Il faut, à notre sens, faire valoir les garanties de sécurité données à l’Ukraine par la conclusion de traités bilatéraux avec nos pays alliés.

Le troisième point est l’aide globale à apporter à la construction d’une nouvelle Ukraine européenne.

Cette nouvelle Ukraine était le rêve de Gueorgui Gongadzé. Nous commérons ce jour le seizième anniversaire de sa disparition.

Depuis plus de deux ans en Ukraine nous nous battons sur deux fronts.

Les victoires que nous remportons sur celui des réformes internes ne sont en rien moins importantes que nos victoires militaires sur le front.

Notre adversaire principal, le plus dangereux, est la corruption.

Cette bataille nous a déjà pris trop de temps et beaucoup de ressources qui auraient pu être utilisées à la modernisation et au développement.

La lutte contre la corruption est de notre responsabilité commune.

Elle est ma priorité absolue en tant que Président de l’Ukraine.

Nous avons constitué tout un arsenal de mesures totalement nouvelles de lutte contre la corruption et nous la mettons en pratique.

Chaque citoyen peut s’en sentir partie prenante. Désormais, plus personne ne pourra se cacher.

Tout se déroule ouvertement et dans la transparence.

Le souhait que je forme n’est pas de multiplier au plus vite arrestations et condamnations, mais de mettre en place un système de tolérance zéro de la corruption.

C’est une nouvelle manière de cultiver les relations entre le gouvernement et la société et, aussi, de déployer un large éventail d’instruments efficaces.

Des années durant, le marché des appels d’offre publique aura été l’une des principales sources de corruption. Aujourd’hui, grâce au système ProZorro, nous avons évité que des centaines de millions de ressources budgétaires aillent alimenter le crime de la corruption.

Des années durant, la milice et la surveillance des routes étaient les symboles avérés de la corruption. Aujourd’hui, par la mise en place de nouvelles patrouilles de police, nous avons nettoyé nos routes des officiers corrompus et, ainsi, restauré la confiance de chacun dans les institutions chargées du respect de la loi.

Des années durant, le système national de l’énergie était le Klondike de la corruption. Aujourd’hui, grâce aux réformes engagées et orientées vers l’UE, Naftogaz a cessé d’être en banqueroute permanente et s’est mise à travailler dans l’intérêt du consommateur et de l’État.

La décentralisation financière produit elle aussi des résultats significatifs dans la lutte contre la corruption. J’ai visité avec grand plaisir Dnipro, Lviv, Odessa, et bien d’autres villes. Le budget local y a été multiplié par 5, 6, 7. Elles ne sont plus tenues d’envoyer ces fonds à Kiev et de obligées de marchander avec certains bureaucrates. L’utilisation qui est faite de milliards de hryvnias générés par la décentralisation, dont j’ai été personnellement à l’origine, est sous leur autorité et sous leur responsabilité. Ce qui démontre l’efficacité de la réforme. Le système de déclaration électronique des revenus des fonctionnaires d’État et autres hauts fonctionnaires est un outil anti-corruption puissant.

De nombreuses discussions ont préludé à la mise en place de ce système que nous avons finalement rendu opérant le 1er septembre. Et il n’y a aucun risque qu’il soit interrompu. Tels sont nos efforts de transparence et de responsabilité, que l’on soit ministre, élu du Parlement, ou quiconque d’autre.

Nous pensons que la réforme du système judiciaire est une étape cruciale dans le processus de transformation. La Justice est le dernier bastion de la corruption. J’exprime ma gratitude au Parlement pour le soutien qu’il m’a apporté dans la réforme constitutionnelle. La nouvelle Constitution sera adoptée le 30 septembre. Nous lançons là un processus d’une très grande envergure.

Nous n’éradiquerons pas la corruption en Ukraine tant que nous n’aurons pas débarrassé les Cours de Justice des magistrats corrompus. De ceux qui ont pour guide, non l’esprit de Thémis, la déesse de la Justice, mais les pièces d’argent.

Je crois que les amendements constitutionnels touchant à la Justice, qui prendront force de loi dans deux semaines, ainsi que l’installation du nouveau Conseil Supérieur de la Magistrature, assainiront le système judiciaire ukrainien. Pouvez-vous imaginer l’entrée, simultanée, à la Cour Suprême d’Ukraine de deux cents juges professionnels, nouveaux, propres, et la destitution de la totalité de l’équipe précédente ?

Lorsque nous nous sommes entretenus avec nos collègues américains, britanniques, et européens, je peux affirmer que notre collaboration fut très fructueuse pour ce qui est de l’examen des candidats, des procédures anti-corruption, et de la formation des magistrats.

Qu’un autre pays se risque, et dans un laps de temps aussi court qu’en Ukraine, à remplacer complètement le personnel au niveau supérieur de la magistrature, est peu probable.

Il est essentiel que notre évaluation des progrès réalisés et les stratégies de lutte contre la corruption soient partagées et soutenues par nos partenaires internationaux. Cette reconnaissance, entre autres, est étroitement liée à cette Conférence de Yalta et associée à son objet.

Elle est entérinée par la décision du Conseil des gouverneurs du FMI lors de sa réunion du 14 septembre de poursuivre le programme de coopération avec l’Ukraine et d’octroyer une rallonge d’aide financière.

C’est là une norme de qualité internationale et la reconnaissance du travail effectif des autorités ukrainiennes sur la voie des réformes.

C’est un signal envoyé aux investisseurs désireux de venir en Ukraine : nous coopérons avec succès avec le FMI.

Et c’est également un message adressé à la société ukrainienne : la communauté internationale fait confiance à l’Ukraine, elle nous épaule et nous soutient sur notre chemin d’importantes transformations et de croissance macro-économique en des temps difficiles.

Parce que chaque milliard est synonyme de nouveaux lieux de travail, de nouvelles possibilités de croissance socio-économique.

J’espère que l’UE dira bientôt un mot pour nous exprimer elle aussi son soutien.

Je veux dire que l’Accord d’association est en attente de ratification.

Et aussi la suppression de l’obligation de visa que l’Ukraine a gagné sur le plan du droit et de la justice. Nous avons respecté chacun des 144 critères permettant la suppression des visas. Nous avons un rapport délivré par la mission d’évaluation. Je me suis adressé au Chef adjoint de la Commission européenne en matière d’initiative législative. Je forme l’espoir qu’au début du mois d’octobre, le Parlement européen votera en faveur de cette résolution et qu’elle obtiendra l’approbation du Conseil européen.

La décision d’accorder à l’Ukraine la suppression de l’obligation de visa n’est pas uniquement la confirmation que les valeurs communes l’emportent sur les intérêts mercantiles, c’est aussi un élément de règlement pacifique au Donbass et du retrait des forces qui occupent la Crimée.

Mesdames et messieurs,
Nous escomptons le soutien sincère et effectif de nos partenaires et poursuivons nos efforts pour parvenir à la paix et à une totale transformation.

Nous avons posé la pierre angulaire de l’avènement de grands changements. Nous allons le désir véritable d’aller de l’avant, de procéder au renouveau et au développement. Nous nous reposons sur la solidarité, l’attention et le soutien réciproques. Ces mots ne répondent pas à la question : « Qui sommes-nous ? ».

J’espère que chacun participera à des débats fructueux sur cette interrogation, ici, à la Conférence de Yalta qui, pour nous, joue un rôle important sur le chemin de l’Europe. Je souhaite bonne chance à cette Conférence.

Je vous remercie de votre attention, et gloire à l’Ukraine.

(Traduit de l’anglais par Alain Cappon)