Ubu ne l’eut pas inventé, ni Kafka peut-être non plus.
Le jour même où Karadzic, le bourreau de Bosnie, était condamné par le TPI de la Haye à quarante ans de prison pour génocide, Florence Hartmann qui était avec les veuves de Srebrenica à la porte du Tribunal attendant que justice soit enfin rendue vingt ans après le massacre, était arrêtée par ce même Tribunal, malgré les protestations de la foule sidérée.
Florence Hartmann est cette ex-journaliste du Monde durant la guerre en ex-Yougoslavie qui couvrit le siège de Sarajevo, les déportations serbes et la purification ethnique, avant de devenir la porte-parole de Carla Del Ponte, présidente du Tribunal Pénal International de la Haye pour les crimes en ex-Yougoslavie. Il lui fut par la suite reproché d’avoir relaté dans un livre, Paix et châtiments, les tractations entre le TPI et les autorités de Belgrade, où en échange de certaines archives militaires de la Serbie, le TPI s’engageait à ne pas les rendre publiques, alors qu’elles prouvaient l’implication de la Serbie dans les crimes de guerre et de génocide commis en Bosnie-Herzégovine. Florence Hartmann, condamnée à sept jours de prison et 7 000 euros d’amende pour outrage à la Cour, fut l’objet d’un mandat d’arrêt international, que la France se refusa à exécuter, mais qui la faisait trembler à chaque passage de frontière hors de l’espace Schengen, comme lorsque, via Belgrade, elle vint prendre part à la représentation de Hôtel Europe avec nous à Sarajevo en juin 2014.
Ce que les Serbes n’ont pas osé faire, les Pays-Bas, un des pays les plus démocratiques d’Europe, viennent de le faire par on ne sait quelle aberration bureaucratique, entachant ce qui eut dû figurer dans les annales de la Justice internationale comme un grand jour contre l’impunité des tyrans assassins des peuples. Cette bévue pathétique, bête à pleurer, qui afflige comme un mauvais symbole les milliers de défenseurs européens de la Bosnie-Herzégovine et plus encore les Mères de Srebrenica présentes à la Haye, doit être immédiatement effacée. Non par humanité ou en réparation – soyons compréhensifs – d’un malheureux cafouillage, mais en reconnaissance de la supériorité de l’impératif de vérité en matière d’Histoire, sur les accommodements de la Justice avec les raisons d’Etat.