Trump, en anglais, veut dire atout.
C’est, au jeu, à la toute fin, la carte maîtresse que l’on abat.
En sorte qu’au point où nous en sommes, alors que Donald Trump semble en passe de gagner l’investiture du vieux grand parti d’Abraham Lincoln et de Ronald Reagan, il va bien falloir finir par se demander de quoi, au juste, il est l’atout.
On songe à une certaine Amérique, enragée par les années Obama, revancharde. On songe à ce courant suprématiste blanc, ségrégationniste, nativiste, auquel se référait ce responsable du Ku Klux Klan dont Trump a tant hésité, la semaine passée, à récuser le bruyant soutien, et qui jouerait là son va-tout.
Et on imagine d’ailleurs assez bien, quand on essaie de prendre au sérieux le peu que l’on connaît du programme trumpiste, un pays se repliant sur lui-même, emmuré et, à la fin des fins, inévitablement paupérisé car donnant la chasse à ces Chinois, ces musulmans, ces Mexicains qui composent le melting-pot dont le pays le plus mondialisé de la planète a fait, dans la Silicon Valley et ailleurs, la source de sa prodigieuse richesse.
Mais, comme souvent avec l’Amérique, il y a, dans le phénomène, quelque chose qui va au-delà de sa seule scène nationale. Et on est tenté de se demander si cet événement Trump ne serait pas aussi l’annonce – ou peut-être, au contraire, l’apogée… – d’une vraie nouvelle séquence de la politique mondiale.
Je regarde sa tête de croupier de Las Vegas, son kitsch de bateleur de foire botoxé, moumouté et traînant, d’une télévision l’autre, cette lippe perpétuellement entrouverte sur des crocs dont on ne sait jamais s’ils sont signe qu’il a trop bu, trop bouffé ou que c’est vous qu’il va, bientôt, bouffer.
J’écoute ses jurons, son parler cru, sa haine pathétique des femmes, qualifiées, selon l’humeur, de chiennes, de cochonnes ou d’animaux peu ragoûtants.
J’entends ses blagues graveleuses où la langue châtiée des politiques est supposée le céder au parler vrai de la foule et celui-ci à ce degré zéro de la parole que serait la langue des organes logés dans la seule culotte : Daech ? on ne va pas lui faire la guerre, mais lui «botter le cul» ; la remarque de son rival Marco Rubio sur ses «petites mains» ? le reste, rassurez-vous, n’est pas «si petit» que vous croyez…
Et puis cette religion du fric, et le mépris qui va avec, devenus, chez ce milliardaire plusieurs fois failli, peut-être lié à la mafia, arnaqueur, le fin mot du credo américain.
Et puis cette impression d’une pitance, d’une junk food mentale, faite de graisse et de pensées lourdes, qui finirait par avoir raison des saveurs cosmopolites, légères, qui émanaient des usages, des traditions, de la grande pastorale américaine.
Et puis ce moment, dans l’histoire des «petites mains», où une oreille tant soit peu attentive à la pastorale en question se surprend à entendre – mais pour le trouver souillé, poissé, défiguré par le niveau pathétique de l’échange… – le vers fameux d’Edward Cummings, cet Apollinaire américain, cité dans la plus belle scène du «Hannah et ses sœurs» de Woody Allen, où il est dit que «personne, pas même la pluie, n’a d’aussi petites mains»…
Face à ce bond en avant dans la grossièreté et la laideur, on pense à Berlusconi.
A Poutine et aux Le Pen. On pense à une internationale de la vulgarité et du clinquant où la scène politique se réduirait à un immense plateau de télévision ; l’art du débat à des jingles ; les rêves des hommes à des illusions boursouflées et éclairées au strass ; l’économie aux contorsions d’Oncles Picsou grotesquement physiques, verbalement déficients et haineux à l’endroit de tout ce qui pense ; et le goût de l’accomplissement de soi aux petites arnaques que l’on enseignait dans cette ancêtre de la «Star Ac’» que fut la défunte «Trump University»…
Je dis bien une internationale.
Une mondialisation de la corruption.
Le visage ultime d’une humanité de cartoon choisissant le bas, l’organique, le prélangagier, pour s’assurer un triomphe universel.
Et une universalité de pacotille où l’on renvoie aux oubliettes d’une Histoire désormais périmée la fragilité des exilés et des voyageurs qui, des deux côtés du lac Atlantique, ont toujours contribué à la vraie aristocratie humaine – celle qui, en Amérique par exemple, a donné ce grand peuple de Latinos, de juifs de l’Est, de Ritals, de Chinois et d’Anglais rêvant encore d’avirons oxfordiens sur les plans d’eau de Boston.
Berlusconi, donc, a inventé ce monde. Poutine a prétendu le viriliser.
D’autres démagogues européens sont en train de le conjuguer avec le pire des racismes.
Eh bien, Trump en a fait sa tour, l’une des plus laides de Manhattan, avec son architecture ringarde et toc, son atrium géant, sa cascade de 25 mètres pour en jeter plein la vue aux gogos – sorte de Babel en acier blanchi par quelque don Corleone des bas-fonds où toutes les langues du monde se seraient, en effet, fondues en une seule.
Mais attention ! Cette langue nouvelle, ce n’est plus celle de l’Amérique que l’on rêve éternelle et qui a parfois rendu la vie à des cultures exténuées – mais celle d’un pays aux grosses «couilles», qui aurait fait son deuil des livres et de la beauté du monde, qui confondrait Michel-Ange avec un couturier italien et qui aurait oublié que personne, pas même la pluie, n’a d’aussi petites mains.
Les hommes sont universellement conviés par leurs propres entrailles à dépasser le stade de l’élan afin de pouvoir échapper au sort du commun des mortels. Éliminer le risque de compulsion? à moins d’anéantir a priori toute motion pulsionnelle, je ne vois pas comment. Et me voilà bien vite contraint de sublimer mes désirs égoïstes à travers une réorientation universaliste au sens authentiquement divin du terme, un déclencheur de retombées incalculables et douces, une forme discrète de l’amour, égalitaire comme la rosée, un amour qui — phase ultime de la conscience de soi — ne se dit pas même à soi-même.
L’époque est à la torture. Elle nous teste à la manière d’un garnement à qui l’on pardonne tout ce qu’on ne lui passera plus dès qu’il aura atteint ledit âge de raison. L’époque est donc à l’infamie lorsqu’on s’efforce de tolérer l’intolérable chez l’adulte, à savoir qu’on encourage chez lui une régression qui ressemblerait plus à une agression aunondit âge de déraison. Le Bataclan s’est, au même titre que les Tours jumelles, incorporé sous forme de chant épique dans le corpus préhomérique de l’incessante Iliade. Après quelques mois d’entraînement à domicile, un énorme connard est libre d’y pénétrer un soir de 13 novembre 2015, et, grâce à un simple visiocasque, de vider son chargeur en 3D sur plusieurs templiers d’Allah. Conscients de cela, nous ne permettrons pas qu’un personnage de Walt Disney, fier de son plumage blanc, jaune comme ses pattes ou son bec de grincheux colérique, ayant curieusement oublié son pantalon après avoir enfilé la veste de son costume bleu et serré son nœud rouge, nous distraie au point que nous ne serions plus capable de lire dans son jeu. Aussi, nous ne dérogerons pas à notre règle n° 1, laquelle se laisse paraphraser ainsi : Ne jamais se tromper d’atout. Notre hantise c’est, parmi quelques autres du même calibre, de voir, cette fois, se confirmer les soupçons de la police antiterroriste à l’égard des commanditaires de l’attentat d’Ankara. Il deviendrait impératif que soit rappelé à l’ami kurde le contenu du contrat qui nous lie à lui, dont il n’est pas exclu qu’il n’en ait que partiellement passé les clauses en revue. J’emploie ici le mot «partiellement» à propos des Kurdes, et non des clauses.
1. Vu l’importance que représenterait la création d’un Kurdistan pluraliste et laïque, l’esprit incontestablement retors d’un maître-daechien ne peut pas octroyer aux futurs compatriotes des peshmergas le droit de tout foutre en l’air à quelques mètres de la ligne d’arrivée.
2. Quand les frères irakiens du PYD, du PKK mais aussi du TAK sont venus se recueillir devant les locaux de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, ils ne se sont pas limités à rendre les honneurs militaires à des frères d’armes, ils ont aussi pris position contre le terrorisme aveugle.
Les Forces kurdes libres sont beaucoup trop réelles pour qu’on les tire par des fils de nylon. Elles ne cachent pas dans leur capuche la nostalgie amère de Janus. Elles ne sont pas l’Abbas d’un cousin du Hamas et ne le seront jamais. Ceci explique que nous, qui en elles avons placé notre confiance observatrice, n’acceptions pas de les lâcher.
J’ignorais que l’on avait le droit d’insulter avec tant de haine sur ce vénérable site.
La véritable est question n’est pas de se demander pourquoi, malgré tous les défauts que vous énumérez à juste titre, il remporte une telle adhésion ?
Donald Trump est la grossièreté incarnée !
Et le bilan du couple BHL-Sarko en Libye ? Trump n’est qu’un enfant de coeur à côté de nos deux supet stratèges !
Tant qu’il était un milliardaire exubérant il était amusant, à présent il est effrayant !!
Il est grotesque !!!
Il est aussi ridicule que redoutable…