Lettre de prison, à ma sœur.  

Quand on m’a foutue ici, je me suis mise tout de suite à ranger la cellule et, ayant aperçu une petite araignée, j’ai commencé à la chasser pour la tuer, et puis je me suis demandé : « Que fais-tu ? Maintenant c’est ta seule amie, une créature vivante ». Depuis lors, l’araignée habite chez moi et parfois grimpe sur la table quand je déjeune et s’y promène. Il est intéressant de l’observer. Elle est très petite. Je crois qu’un tel voisinage ne t’aurait pas réjouie. Mais, pour moi, c’est la joie. J’ai eu un moment d’inspiration pour écrire cela. J’espère que tu auras le temps de me lire. Car moi, j’ai très peu de temps pour lire tes lettres et, malheureusement, je ne peux pas les prendre avec moi.

Deuxième lettre de prison, à ma sœur.

Une semaine s’est écoulée. Bientôt doivent venir les avocats. Aujourd’hui il pleut toute la journée. Enfin ! La chaleur m’a achevée. Le matin, dans la courette, pour la promenade, les murs sont en béton, le sol est goudronné et le plafond est en fil d’acier avec un filet. Un oiseau s’est posé, un petit oiseau, on dirait un moineau avec un bec très fin. Il n’est pas resté longtemps, peut-être reviendra-t-il. C’est la première fois qu’un oiseau est venu. J’ai maintenant un autre ami, en plus de la petite araignée. Et ils vont me garder ici encore deux mois, quels salauds !

Troisième lettre de prison, à ma sœur.

Ici, j’ai tout mon temps, mais le temps me manque terriblement pour rester avec toi. Les gars, mes avocats, restent longtemps et il faut toujours résoudre un tas d’affaires, lire un tas de courrier et je n’arrive pas à trouver le temps de te répondre normalement. J’écris des notes à l’avance, comme celle-ci. Mais le temps passe et elles ne sont plus d’actualité. En plus, je suis obligée d’embrouiller mon langage pour que personne, excepté nous, ne comprenne… Ce qui me préoccupe le plus maintenant c’est que vous n’ayez pas d’argent.

Quatrième lettre de prison, à ma sœur.

Je regrette que tu sois obligée d’abandonner l’architecture. C’est l’époque où l’on détruit tout. Mais, après, il faudra reconstruire. Je suis certaine que tes ponts appartiendront, dans le futur, à Lougansk – le pont « des Nationalistes ukrainiens ». Et aussi à Donetsk – le pont « du Secteur droit » !

En ce moment, je t’envie un peu. Tu es en train d’acquérir une immense expérience de la vie tandis que moi, « le héros imaginé », je passe la moitié de l’année en prison et en plus, dans une cellule isolée. Si au moins c’était une cellule commune, j’aurais appris des choses sur la vie en taule (la sagesse de la prison…). Mais tout ce qui ne tue pas, rend fort ! Chacune de nous, à son tour, apprendra pour soi. Et, plus tard, ensemble, nous serons invincibles !

Cinquième lettre de prison, à ma sœur.

Quand je rédigeais l’appel à mon peuple en lui demandant de ne pas m’envoyer d’argent mais de me soutenir moralement, je n’ai pas pensé à toi car je croyais que tu travaillais toujours. Je voulais que tu comprennes qu’il ne fallait pas lutter pour ma libération avec tant d’ardeur. Le diable ne m’aura pas (je survivrai). Mais tu as raison : à ta place je me serais inquiétée pour toi et j’aurais fait le maximum.

Traduit de l’ukrainien par Natalia Fedossova.