Article paru sur Ouest France, le 24 mars 2014.
C’est un tout jeune homme au physique d’enfant sage, dans une veste de costume trop sérieuse. 19 ans, l’âge des premières fois. Pour lui, celle de la publication d’un roman écrit à 17 ans. Et d’une première interview, qui l’angoisse passablement, même si le livre révèle une maturité étonnante.
Le titre du roman de Baptiste Rossi, La vraie vie de Kevin, est aussi celui de l’émission de téléréalité la plus trash du moment. Les téléspectateurs dirigent, par SMS, la vie de cet ado qui végète à l’école et s’abrutit de jeux vidéos. Va-t-il mettre un T-shirt ou une marinière ? Sa mère doit-elle remplacer son gratin de blettes du vendredi par des pâtes ? Ses parents doivent-ils divorcer ? Se suicider ? Le jeu vire au massacre…
Le livre est drôle et cruel, écrit dans un style brillant, qui pourrait gagner en sobriété, l’auteur ayant tendance à se perdre en digressions inutiles. C’est une satire de l’époque, bien qu’il s’en défende.
Facebook, l’oeil de Caïn
« J’ai voulu montrer comment ces formes nouvelles que sont la téléréalité ou les réseaux sociaux captent des passions universelles et anciennes : l’envie d’être connu, la distorsion entre les rêves de jeunesse et le présent. J’ai fait parler l’époque avec ses propres mots. »
Facebook, c’est « l’oeil de Caïn qui nous regarde en permanence. » Twitter ? « Un grand bistrot où toute l’humanité pourrait s’alpaguer à chaque bout du comptoir. »
Air du temps oblige, il est sur Facebook et tient un blog littéraire. Il aime « les grands romans mêlant humour et action, Bret Easton Ellis, Proust, Musil », estime « qu’il faut avoir beaucoup lu pour écrire. C’est plus pratique quand d’autres ont défriché avant vous. » Ses parents, une mère prof de compta, un père agent de maîtrise à EDF, l’ont fait grandir dans l’amour des livres.
Il a quitté à 14 ans sa ville de Hyères et le collège dans lequel il s’ennuyait, pour intégrer à Paris le prestigieux lycée Henri IV. Il est aujourd’hui en deuxième année de Sciences Po, répugne à parler de lui, de ses passions, préfère revenir au livre.
Il l’a écrit en trois mois, avant de l’envoyer par la Poste « aux cinq plus grands éditeurs de Paris ». A-t-il toujours écrit ? « Comme tous les enfants, j’ai toujours inventé des histoires. Un écrivain est un enfant qui a arrêté de grandir. » Il espère avoir l’occasion de prouver que sa vraie vie, c’est la littérature.
Il me tarde de découvrir ce roman !
Bravo, mille fois bravo! C’est excellent! une écriture très originale, soignée, ciselée, beaucoup de « mélodie » dans les longues pauses descriptives dont on sent le rythme profond, les basses, le souffle et l’inspiration – Drôle, décapant, et… « qui fait peur ». J’ai acheté « La vraie vie de Kevin » en raison de l’homonymie avec Baptiste… et parce que je redoutais que mon petit-fils ne s’appelle Kevin! Etaient-ce des raisons suffisantes? La preuve que oui, mon petit-fils ne se prénomme pas Kevin, il a un mois et je lui mets le roman de Baptiste de côté pour plus tard. Encore bravo!