On va nous dire que l’homme qui est entré, ce matin, dans les locaux de Libération, armé d’un fusil à pompe, et qui a fait feu, est un déséquilibré. On va nous dire qu’il faut être fou, dérangé ou, pourquoi pas, désespéré pour tirer ainsi pour tuer. Et nous aurons très vite droit aux mises en garde rituelles sur les risques de la surinterprétation d’un épisode qui devra, selon certains, rester de l’ordre du fait divers – d’autant qu’il s’est reproduit, quelques heures plus tard, devant les locaux de la Société Générale, dans le quartier de la Défense. On aura tort. Car ce qui vient de se produire rue Béranger est un événement, au contraire, de toute première importance politique. Qu’on puisse, dans la France d’aujourd’hui, tirer à bout portant sur un journaliste et le blesser très grièvement, est un témoignage de plus de cet affolement des repères, de ce vacillement des tabous et des interdits, de cette déliquescence du vivre-ensemble auxquels nous assistons depuis quelques temps. Et il y a dans cet acte d’une violence inouïe quelque chose qui, hélas, consone trop bien avec trop d’incidents récents pour ne pas être un mauvais signe des temps. Temps de brutalité et de fureur. Temps de la haine et du mépris. Temps où, levée des tabous et haine du politiquement correct aidant, on peut tout dire et, par conséquent, tout faire. Le journal dirigé par Nicolas Demorand est à la pointe du combat contre les nouveaux visages que prennent la bêtise et l’infamie. Il n’est donc pas tout à fait inexplicable qu’il soit dans la ligne de mire de ceux dont cette infamie a, d’une manière ou d’une autre, incendié la raison. Mais que cela ne soit pas inexplicable le rend plus inexcusable encore – et impose, ici, à La Règle du Jeu, une fraternelle solidarité.

2 Commentaires

  1. Il est légitime de s’indigner pour cet acte odieux. Néanmoins je ne suis pas du tout certain que toute cette hystérie médiatique et politique autour de l’acte d’un déséquilibré serve vraiment la cause de la paix sociale et de la démocratie. Il faut raison garder. C’est vraiment regarder la « somalisation » actuelle du monde avec le déclin des Etats et la montée en puissance des mafias par le petit trou de la serrure, ce qui ne présage rien de rassurant pour notre avenir commun. Nous sommes décidément à côté de nos pompes (sans jeu de mot).

  2. Bonjour amis,

    Oui, c’est vrai, je suis d’accord (beaucoup!):

    « Temps de brutalité et de fureur. Temps de la haine et du mépris. Temps où, levée des tabous et haine du politiquement correct aidant, on peut tout dire et, par conséquent, tout faire. »

    Oui, nous devons faire quelque chose. Félicitations, « La Règle du Jeu! »

    Vous pouvez faire la différence, si vous continuez dans cette voie!

    Dimanche, 24 nov/13., je suis au votre séminaire.

    Vous avez gagné un nouvel adepte.

    Félicitations!

    Arthur Matos