Un attentat à la voiture piégée a été perpétré hier matin contre l’ambassade de France à Tripoli.
Deux gendarmes français ont été blessés. En raison de l’heure matinale, le carnage espéré n’a pas eu lieu. Le gouvernement libyen a immédiatement condamné cet acte contre un pays ami qui a contribué de manière décisive à libérer le pays de la tyrannie de Kadhafi, il y a à peine deux ans.
Deux ans après, le symbole est lourd de sens. Il afflige tous ceux, à Tripoli comme à Paris, qui ont gardé à l’esprit et au coeur la fraternité née de la guerre de libération.
Faut-il parler de retournement ? Qui, à Tripoli, en veut à la France ?
Pas la population, pas le peuple libyen. Nul n’a oublié l’intervention aérienne française, qui sauva Benghazi en mars 2011 du massacre à l’artillerie lourde, pulvérisa les résidences et les bunkers du dictateur, martela les colonnes kadhafistes six mois durant, jusqu’à stopper la fuite du chef libyen dans les faubourgs de Syrte, le 20 octobre 2011. A la différence de la Tunisie, le sentiment anti-français n’est en rien une donnée politique, et Sarkozy a été reçu en mars à Tripoli puis Benghazi, deux ans après l’intervention occidentale, avec reconnaissance.
Deux pistes. La poignée d’ex-kadhafistes, ultimes desperados de la dictature défunte. Perdus pour perdus, ils pourraient, demain, tenter de s’en prendre à d’autres témoins de la présence occidentale, lieux d’enseignement, entreprises, sites pétroliers. Et puis les vaincus de l’Adrar, les quelques rescapés libyens et autres djihadistes, de retour de la guerre au Mali, se livrant au terrorisme à domicile, ici pour prix de leur déroute sans appel devant les forces françaises.
Dans le premier cas, on peut avancer qu’il s’agirait d’un baroud d’honneur. Un baroud teinté de sang.
Dans le second, la menace est réelle. Les adversaires du pouvoir actuel à Tripoli, issu des urnes il y a un an et aux mains des libéraux emmenés par le Premier Ministre Ali Zeidan, n’ont en rien désarmé. Forts des rescapés de l’Adrar, les islamistes tentés par le djihad restent en embuscade. Outre les irréductibles du kadhafisme, certaines milices révolutionnaires continuent de défier les autorités, faute que la police, encore balbutiante, et l’armée en formation puissent les intégrer en nombre.
Deux ans après, le printemps libyen n’est pas un vain mot. Mais rien n’est joué en Libye. Et si le pire n’est pas toujours sûr, le pays, au cœur des tempêtes arabes à ses frontières, n’est pas stabilisé, n’est, moins que jamais, à l’abri de rien.
L’axe Paris-Tripoli, forgé il y a deux ans dans la guerre, n’en est que plus à préserver, dans la paix incertaine et les menaces qui viennent d’être signifiées à nous-mêmes et nos amis libyens.