Le Point de cette semaine publie un entretien entre Jean-François Copé et Jacques-Alain Miller. Cette « conversation sans tabou » qui a pour titre « Quand Jacques-Alain Miller se penche sur le cas Copé » laisse penser qu’il s’agit d’un moment où l’homme se livre. Mais l’homme est un politique et c’est sans doute cette leçon qu’il livre avant tout ici : il n’est justement pas un cas. C’est ainsi qu’il décide de converser non pas de son « cas » avec un analyste, mais de celui de la France.
Kantorowicz dans Les Deux corps du roi, a théorisé l’essence de la sacralité du pouvoir, conjonction d’un corps physique et mortel à celui, mystique et éternel de la nation. Régis Debray évoquait, dans un article du Monde de 2011, les destinées de cette thèse et comment, selon lui, un président comme Nicolas Sarkozy en montrait la faillite, expliquant que : derrière De Gaulle, on pouvait encore voir la République, mais que derrière Sarkozy, on ne voyait rien d’autre que lui.
Le corps de la nation aurait ainsi été gommé, à force d’être malmené par le corps physique de celui qui exhibait son intimité sans pudeur et jouait du tutoiement de l’homme de rue. Alors que le signifiant maître qui venait épingler cette horreur de la sacralité de la fonction sous Sarkozy était « hyperprésident », c’est « normal » qui vient chez Hollande signer l’envers d’un malaise analogue : cette difficulté à incarner autre chose « qu’eux-mêmes ». L’un est tenté de distribuer des bourre-pifs au salon de l’agriculture, l’autre fait tranquillement ses courses au supermarché du coin.
Jean-François Copé, marque dans cet entretien un écart par rapport à cette position. Le corps « physique » de celui qui regarde vers la fonction présidentielle s’esquive dans le dialogue avec l’analyste, il est occulté par le corps de la nation. Cette position permet entre autres à Copé de ne pas s’y montrer asservi au diktat contemporain du « être soi-même ». C’est de cette distance, du point où le discours quitte l’axe imaginaire, qu’émerge la possibilité qu’il y ait un au-delà du corps du roi qui vienne rencontrer la nation et, par là même, que l’authenticité d’un dire puisse émerger.
Le point que Copé fait valoir lorsqu’il indique que son « parcours initiatique n’est pas encore terminé » peut constituer un appui pour qui se situerait sur l’ornière : ni dans le tout dire de l’hyperprésident, ni dans le rien dire de celui qui s’abrite derrière la mystique de la nation.
Retrouvez ici, les réflexions croisées de Régis Debray, Denis Podalydés et Olivier Py sur la fonction présidentielle et la nature du corps politique.
Je ne m’échinerai plus à rappeler au PS que son combat contre l’adversaire fréquentable ne souffrira pas l’amalgame avec l’infâme sans que la diabolisation de l’un profite, dans la refoulée, à l’autre. Certes, le PDG de la droite mondialiste se ridiculise en faisant une fixette sur l’idée qu’au prochain meeting, on ne puisse s’empêcher de l’imaginer à poil, dépouillé de tout pouvoir efficient, derrière son pupitre. Un fantasme dont je note qu’il est allé lui-même le fourrer dans le crâne de ceux qui lui reprochaient son manque de sex-appeal. Cela suffit-il à conférer à sa parole, ou à celle qu’il porte à bouts de bras, le moteur d’un véhicule du néonazisme soft? Nous n’aurons la médiocrité ni de le craindre ni de le croire. En revanche, insinuer que la politique anecdotique d’un gaullisme décapité serait aussi nocive pour la France que la politique de la terre brûlée que nous promet Brunehilde, héroïne télécommandée d’un électorat nourri au sein crétin syncrétique de l’heroic fantasy, me forcerait à me désolidariser de femmes ou d’hommes qui sembleraient plus inquiets de voir la droite triompher au Municipales que l’extrême droite s’implanter durablement au cœur de la cité du Déifié. Des femmes et des hommes, bien moins pressés de présenter une image de soi stimulante et rassembleuse devant le temple pulvérisé de la démocratie que d’aggraver le chaos en invitant le bon peuple à persister dans la défiance que la Madone du Tiers-Payant souhaite bien qu’il continue à éprouver envers la sale gueule de l’autre. Le fait que Nicolas Bay juge contradictoire que Jean-François Copé adresse à ses militants, d’un côté, «des signaux avec un discours droitier» et que de l’autre, «il leur pose un interdit définitif concernant les alliances», explique-t-il qu’un fossé se soit creusé entre la base de l’UMP et sa direction nationale? Eh bien, pardon si pour ma part, je ne suis pas en phase avec cette analyse du stratège court sur tête. Je continue à penser que Copé cessera de renforcer les thèses du FN à l’instant même où ses opposants s’opposeront à ce que le ventriloque nationaliste les quenellise jusqu’aux mâchoires. La gauche, pourtant hostile au modèle impérialiste de l’assimilation, devrait se garder de nazifier ses compagnons de route républicains. Car si certains n’hésiteront pas à jouer la carte du puritanisme boulevardier afin d’ébranler le pouvoir en place, ils le feront avec les accents de sincérité d’un trémolo de Maria Pacôme entre deux éclats de rire. Entendons-nous bien sur ce point. Je ne sous-estime pas le danger que représentent pour l’avenir fédéral de l’Europe les hyènes du Grand Inquisiteur, et c’est parce que ma tolérance envers les moqueurs et passeurs à tabac de Caroline Fourest n’a jamais dépassé le zéro que je m’obstine à préserver l’image de la république pluraliste, avec voire sans son consentement. Tout comme il faut aller déterrer les dégueulasseries nationalistes dans les archives de la petite Bébête immonde qui monte, qui monte, qui monte, je préconise que les détracteurs du président branlant de la Droite faible confrontent Copé avec Copé, qu’ils fassent remonter à la surface le vrai visage de la droite républicaine, qu’ils l’empêchent de nous empêcher de toucher à son corpus idéologique profond.