La foule bien organisée des randonneurs de ce dimanche 13 janvier m’a fait penser aux pages forts drôles de la Psychopathologie de la vie quotidienne dans lesquelles Freud compare l’amour au service militaire. Tout manquement, comme l’oubli, est matière grave : Dulcinée pensera qu’on ne l’aime plus et l’armée que l’on se fiche d’elle. Horreur !
La plume malicieuse de Freud montre que les dames, pourtant grandes sectatrices de l’amour, peuvent aussi être très indisciplinées : l’une perd son alliance en voyage de noces, l’autre ne reconnaît pas en rue le mari qu’elle vient d’épouser, etc. Où ont-elles la tête ? Manifestement à autre chose… que Freud nommera plus tard tendance homosexuelle du névrosé : les femmes pensent aux femmes qu’elles trouvent plus femmes qu’elles, et l’Œdipe féminin a une fâcheuse tendance à négliger l’homme… Lacan, plus freudien que nature, c’est-à-dire malicieux pour deux, dira hétérosexuel celui ou celle qui aime les femmes : les femmes sont toujours autres, fut-ce pour elles-mêmes.
L’amour c’est fort bien, mais il y a quelque chose derrière lui qui ne se laisse pas faire et dont on ne se sépare jamais tout à fait : la jouissance qui abolit la différence des sexes, et ne veut rien d’autre que se satisfaire. Son message n’est qu’un infernal sarcasme : mariage pour tous, mais divorce pour personne ! … sinon par la psychanalyse, et encore ce n’est pas garanti ! Ironie de l’histoire, la psychanalyse qui faisait tant divorcer se transforme, grâce aux lectures papales de Freud (1), en providence des ménages ! Si Freud est en passe d’être ordonné père de l’Église, les meilleurs d’entre nous ont peut-être une chance de devenir cardinaux. Le jour se lève !
Et la Belgique dans tout ça ? Cette terre d’hérésies, pionnière en matière de mariage homosexuel, est pour le moment exemplaire. Nos statistiques sont éloquentes : le taux de divorces homosexuel est pour 2010 de 20,75 %, alors que son pendant hétéro s’élève à 68,56 % pour la même période. Conclusion, mariage homosexuel mariage heureux ! (2) Les esprits chagrins n’aimant que les mauvaises nouvelles, diront évidemment que les homos, qui ne peuvent se marier que depuis 2003, témoignent de l’enthousiasme des néophytes et n’ont pas encore eu le temps de divorcer. Mais en attendant, l’Église, qui a vitupéré contre le divorce bien avant le mariage pour tous, peut trouver matière à consolation. Proclamons donc urbi et orbi : Belgique pour tous et silence dans les rangs !
1 Miller, J.-A., « Mariage homosexuel : l’Église avec Freud ? », Le Point, 17 janvier 2013.
2 Malgré ses louables efforts, la Belgique fait moins bien qu’Israël où l’on aurait inventé l’adage suivant à mariage homo et divorce impossible ! (Voir Caroz, G., « Sur le mariage homosexuel en Israël », La règle du jeu, 18 janvier 2013)