Quand on piétine presque deux heures place de la Bastille avant de pouvoir commencer à défiler, c’est casse-pied mais ça signifie qu’on est très nombreux. Autre signe qui ne trompe pas : les portables ne passent plus. Alors, combien étions-nous ce dimanche à manifester pour l’égalité des droits (au mariage, à la filiation…) jusqu’au jardins du Luxembourg ? La Préfecture a dit 60 000, les organisateurs 150 000. Difficile à savoir, peut-être un chiffre entre les deux. Ce qui fait beaucoup. Ce qui fait plaisir.
Par-delà le succès numérique de la mobilisation, la réussite de celle-ci a résidé dans le beau mélange social des manifestants. Tout d’abord l’éventail des âges était vaste : depuis environ un an (les bébés de couples homos) à quelque 85 fois plus. Ensuite, et c’était particulièrement réjouissant, on se serait parfois cru dans un cortège syndical grâce à la présence de Mesdames et Messieurs Tout le Monde. Il est vrai qu’une multitude d’associations, partis (de gauche et de gauche de la gauche) et de syndicats avaient appelé à soutenir l’appel de l’Inter-LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans). C’était une sorte de France «normale» qui défilait, cette France qui, selon le dernier sondage Ifop, est désormais favorable à 60 % au mariage pour tous, et à 46 % (allez, encore un effort !) à l’adoption sans discrimination. Le centre de gravité politique des manifestants penchait plutôt à gauche, même si on notait la présence de Roselyne Bachelot et de Gay Lib, mouvement lié à l’UMP. Plusieurs rangs d’élus ceints de leur écharpe tricolore donnaient un caractère un peu solennel à la manifestation. La participation des mélenchonistes, du NPA et de divers groupes d’extrême gauche pouvait sembler paradoxale au vu des régimes ou partis peu enclins à tolérer les homosexuels (euphémisme) que ces courants soutiennent à l’étranger. Mais tout le monde a droit à ses contradictions, et celle-ci est plutôt bonne à prendre.
La présence en force du Beit Haverim (gays et lesbiennes juifs) et la participation des activistes de David et Jonathan (l’équivalent chez les chrétiens) faisait comme un joyeux pied-de-nez aux tristes déclarations hostiles du grand rabbin de France et de Monseigneur Vingt-Trois. Majoritaires dans le défilé, les homos garçons et filles étaient particulièrement en verve. Parmi les milliers de pancartes aux textes à l’ironie désopilante ou cinglante à l’égard des « anti » (et ciblant parfois le chef de l’Etat pour ses hésitations), félicitations spéciales à celles qui proclamaient « Mieux vaut une paire de mères qu’un père de merde » et « L’UMP a 2 papas ».
Le bon résultat des mobilisations en province et à Paris paraît indiquer que les pro et anti-droits égaux font à peu près jeu égal pour le moment. Les opposants au projet de loi se mobilisent à nouveau le 13 janvier prochain, tandis que ceux qui le soutiennent (et pour beaucoup espèrent qu’il ira plus loin en matière de droits à avoir ou faire des enfants) marcheront encore le dimanche 27 janvier. L’avant-veille du jour où le texte de la future loi commencera à être discuté au Parlement. Pas question de relâcher la pression d’ici-là.
Tandis que les empires défaits suivent leur involution au rythme de balancier de la corde homophobe, respectant le tempo nataliste qu’avaient eu à régler leurs politiques de décimation, l’antimassorète ajoute des libertés au bas d’une liste conçue pour s’allonger sur une cyberpeau qu’il n’a même plus à coudre, au bout du rouleau. Un déséquilibre menace de s’instaurer entre ces mondes et leurs modes. Il causera un court-jus au pacemaker d’un incontinent qui de mon temps s’émouvait de l’inexorable extinction desdits peuples premiers partout où il n’y avait que du séparatisme pour les défendre. L’européide et son philhellénisme seront entraînés dans le naufrage des attitudes morbides de leurs cohéritiers jouant déjà à la baballe avec le crâne du dernier roi dont ils se disputent les attributs. Les rois et reines d’Europe, autrement dit, l’Europe démocratique va devoir réagir si elle souhaite se remettre à flot. Reprendre les formes de lampes dont elle avive la flamme. Répandre sur les nouvelles générations ce que d’autres nouvelles avaient chargé la sienne de pérenniser, peu importe le niveau où chacun de ses membres se situerait sur l’échelle de la connaissance. L’égalité des sexes a mis un terme au modèle de la pondeuse avec la fin de la vie de basse cour. L’égalité de la sexualité pourrait infliger un coup fatal au démographème du monde libre. En l’état, la PMA universelle fournirait une pédale de frein inespérée au déclin démographique annoncé de l’Europe et un accélérateur sans équivalent du réveil des nations philhellènes. Avec néanmoins un bémol à la clé : cela pourrait ressembler à du nationalisme. Nous laisserons-nous une fois encore sucer l’os de la tête par la menteuse irréligieuse?
On a souvent donné l’immigration comme solution au déclin démographique de l’Europe. Cet antischème part du postulat que le peuple nouveau des nations anciennes dériverait d’une voie de disparition et que le continent tombal de son enfouissement ne parviendrait à éviter un retour à la vie sauvage qu’à l’expresse condition d’un renfort de populations qui, par chance, n’auraient pas dévallé la pente culturelle décadente de sa Cité fameuse, dont l’humiliante et de surcroît spectaculaire domination couronnait le présage d’un retour d’élastique. Il y a au moins un élément de vérité dans ce tableau exécuté en brute. Les Européens sont seuls responsables de leur chute du désir de se perpétuer. Il est possible qu’ils aient craint un moment d’engendrer le monstre d’inhumanité que leur avait révélé l’embouchure de la mondialisation, – les guerres sont des laboratoires. – Quoi qu’il en soit, l’instinct de conservation pousse toujours son déclic avant le clic irréversible. Et comme de juste, rien ne trépasse comme prévu. Car ce sont les homosexuels dont on redoutait tant que leurs comportements antinaturels entraînassent l’extinction de l’espèce, qui aujourd’hui contrebalancent par un foutu instinct de vie la pulsion de mort de l’homme à femmes ou de la femme à hommes, compétiteurs frustrés d’avoir indexé leur réussite privée sur une réussite publique estimée à la valeur constamment en hausse d’un bonheur qu’ils mesurent au dépassement des signes extérieurs de richesse d’autrui.
Je sais qu’une soustraction à l’imprimatur chromosomique de la vingt-troisième paire que tout ambivalent hérite de ses procréateurs, a fortiori pour la femelle qui se trouvera dépourvue de l’Y de son père contrairement au mâle à qui la mère va transmettre son X, engendrerait chez lui une chute de cette conscience humaniste déjà si difficile à tirer vers le haut; l’autre commence par l’autre sexe. Je sais aussi qu’il sera impossible de déshumaniser la vraie nature de l’homme. Et puis, à ceux qui savent les ravages que peut faire sur leurs fils l’égoïsme des pères prêts à tuer le premier rejeton qui leur arrachera le statut de bambin tout-terrain, il n’est besoin d’apprendre que la présence physique n’a jamais constitué une garantie contre l’absence. Au revers du travers, sitôt arraché aux siens, sitôt l’autophage brille par son absence comme la flamme du sang dans la lame du couteau. La présence de l’absent est envahissante. Elle aveugle de tous les manquements que la personne qui ne vous calcule pas ont pu générer. Ne craignons pas que ce cher disparu disparaisse de nos vies. Il ne nous lâchera pas car nous ne le lâcherons jamais. Du fait que nous n’aurons jamais réussi à compter à ses yeux, pas un seul jour nous n’oublierons de recenser son ombre.
Les homos en ont bavé. Leur amour fut traqué, moqué, son humanité leur fut confisquée, ils eurent à souffrir d’un regard d’incompréhension fondamentale que l’on ne saurait mieux apparenter qu’au racisme qui bestialise l’homme qui bestialise l’homme. À la lumière défaite, le géniteur de la procréature médicalement assistée aura eu l’insigne honnêteté de ne pas prétendre à quelque chose au dessus de ses moyens. Il aura engendré, point final. Aussi, son patrimoine génétique ne se laissera pas réduire au dernier irresponsable de sa transmission. L’âme du donneur planera comme un ange sur la famille homoparentale. Prégnante par son absence, sa sexuation opposée ne fait pas opposition à l’orientation sexuelle des couples qu’elle fertilise. Elle représente un soutien. Elle les soutient d’en haut comme une ombre vous porte au-delà de vous-même.
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