La Commission de contrôle de l’UMP l’a proclamé : Jean-François Copé est le nouveau Président de l’UMP. Fillon pourra contester, menacer, accuser, tempêter ; ses lieutenants pourront crier à la fraude ; ses électeurs hurler à l’élection volée. Mais on voit mal comment cette décision, émanant de la seule institution interne que les deux candidats se sont accordés à reconnaître comme légitime tout au long de cette campagne, puisse être remise en cause. Assurément viendra donc le moment où les plus fervents soutiens de l’ancien premier Ministre déclareront qu’une injustice éventuelle pour Fillon reste préférable à un désordre certain pour la droite toute entière.
Il n’en demeure pas moins que Jean-François Copé a gagné dans un entre-deux situé entre le passage en force et l’élection. Profitant du coude-à-coude dans les urnes, Jean-François Copé a subtilement contraint la commission de contrôle de l’UMP à le déclarer vainqueur de cette élection.
Récusons tout d’abord les variations argumentatives sur la victoire de la démocratie. Sa victoire, Copé l’a obtenue au finish à moins de 100 voix d’écart pour 176 000 votants, après avoir porté et été la cible d’accusations d’irrégularités. Si l’on comptabilise les bulletins nuls et les suffrages accordés à Fillon, Copé ne franchit même pas la barre des 50%. Globalement la règle démocratique a sans doute joué son rôle pour placer les deux candidats dans un mouchoir de poche, mais elle ne pèse en rien dans la désignation du vainqueur. Comme l’a reconnu lui-même le Sénateur Patrice Gélard, Président de la commission de contrôle de l’UMP : « Nous avons dû constater que nos statuts étaient inadaptés aux exigences de la démocratie interne de notre mouvement ».
Des dires mêmes du Président de cette commission, l’UMP a dû improviser des règles pour choisir son vainqueur. C’est donc bien de cela dont il s’agit : Jean-François Copé s’est glissé dans les espaces laissés vacants par les statuts de l’UMP pour arracher sa victoire. Sa désignation, Copé l’a gagnée avec une pichenette. En annonçant sa victoire dès dimanche soir, il a donné à l’UMP la chiquenaude qu’il manquait pour l’emporter.
De fait, plusieurs éléments auront concouru à ce que la COCOE ne le désavoue pas.
Pendant la campagne tout d’abord : Jean-François Copé a su, du début à la fin, mettre à profit sa proximité avec l’appareil UMP. Qui se souvient par exemple des difficultés évoquées par Fillon pour récupérer les listings d’électeurs ? L’avantage que confère le soutien tacite de l’appareil politique est souvent important pendant une campagne électorale. Il devient déterminant au moment où une réunion de caciques doit désigner le vainqueur.
Le jour même de l’élection ensuite ; Copé a lancé et réussi une vaste opération d’occupation médiatique le jour J. En faisant porter par ses lieutenants dès le dimanche après-midi des accusations de fraudes massives à Nice, accusations relayées en boucle sur les chaînes d’information continue, il a créé un climat de tension propice aux manœuvres autoritaires telles que la proclamation prématurée d’un résultat.
Au soir des résultats enfin : Copé a su tirer parti de l’effet de surprise que constituait ce score très serré et a voulu opérer ce que les linguistes appellent un acte de langage, ou une parole créatrice d’une réalité nouvelle. En politique, pour qu’un acte de langage soit réussi il faut que les conditions institutionnelles soient réunies : c’est le cas par exemple d’un maire qui déclare « unis par les liens du mariage » mais qui ne peut le faire qu’en mairie et devant témoins. Dans le cas présent, profitant du flou créé par cette situation inattendue, Copé a réalisé et réussi un « coup de poker langagier ». Sachant les résultats très serrés, Copé a annoncé sa victoire et ce faisant a accentué la pression sur la Commission chargée de la proclamation des résultats.
Le principal enseignement de ce scrutin c’est que la victoire de Jean-François Copé est confortée par les résultats des motions. Les militants UMP ont voté en nombre, et ont placé les motions les plus « décomplexées » en tête. Conçue comme la moissonneuse-lieuse de la droite républicaine il y a 10 ans, l’UMP a montré hier les limites de sa dépendance au principe du chef naturel et incontesté. À bien y observer, plus rien ne rassemble aujourd’hui des personnalités politiques aussi différentes que la gaulliste Michèle Alliot-Marie, le libéral Hervé Novelli ou le populiste Mariani, en dehors de l’idée qu’ « ensemble tout devient possible ».