Sous les ors de la République, avec la salle des fêtes de l’Elysée pour cadre, Hollande s’est donc adressé à la France. D’Elkabach aux correspondants du New-York Times, un impressionnant parterre de journalistes attendait de pied ferme le président de la République. D’emblée, le ton fut combatif. Sans faire de miracle, à grands coups de media-training, Hollande a fait du Hollande. Le leitmotiv de l’intervention du jour était en fait très simple : répondre à l’impression de vide entourant son action à la tête de l’Etat depuis six mois. La situation est grave répéta un Président affirmant entendre les critiques, y compris celles provenant de ceux pensant que le politique ne peut désormais plus rien. Puis, prenant des accents presque sarkozystes, Hollande enchaina : « Nous vivons bien plus qu’une crise, nous vivons un changement du monde. Et, c’est pourquoi depuis six mois, j’ai fait mes choix et je m’y tiens sans avoir besoin de prendre je ne sais quel tournant, je ne sais quel virage car ces choix sont conformes à mes engagements, à mes principes et surtout, aux intérêts de la France. » Les contextes sont évidemment différents mais ce qui frappe immédiatement en analysant les premiers pas des deux derniers Présidents à l’Elysée est bien leur besoin commun de se construire un personnage charismatique, au dessus des partis, fidèle à l’héritage d’anciens chefs marquants, Mitterrand ou De Gaulle en tête… Disons-le tout de suite sans lui faire offense, Hollande n’est pas de cette race-là. On le notait déjà lors de la campagne présidentielle, du fait d’un discours désespérément lisse, le désormais président de la République n’arrive pas à captiver son auditoire sur la longueur. 2h24 de discours puis d’échanges avec les journalistes, c’est trop !

Du bon et du moins bon mais surtout rien de spectaculaire. Voilà ce que nous avons vu mardi 13 novembre à l’Elysée. Vous en vouliez plus ? Cela aurait été périlleux. En direct sur toutes les chaînes infos de France, le président de la République a annoncé que les réformes étaient en cours, que le contexte était difficile mais que l’action entamée voilà six mois porterait ses fruits. Faisant fi des critiques de la presse à son encontre (“hollande-bashing”), François Hollande a réclamé du temps. Il est vrai que les médias girouettes font avec ce nouveau Président ce qu’ils firent cinq ans plus tôt avec Sarkozy : juger trop tôt… En réponse à cette impatience de médias avides de petites phrases, une déclaration se distingue d’entre les autres : « L’état de l’opinion aujourd’hui importe peu. Ce qui importe, c’est l’état de la France au terme du quinquennat ». Là, loin de l’honni bling-bling, l’attitude est présidentielle et la communication efficace.

Quid du Premier Ministre que l’on dit, ça et là, menacé? La réponse est précise: « J’ai choisi Jean-Marc Ayrault car j’ai une grande confiance en lui. Il est sérieux, c’est important, il est loyal, c’est nécessaire, il est concret. Il sait ce que décider veut dire. Je lui renouvelle ici toute ma confiance. » Dans le reste de l’intervention, il fut néanmoins fort peu question de Jean-Marc Ayrault. S’agit-il d’un désaveu public à peine masqué ? Reste que le nom de Louis Gallois, auteur d’un récent rapport remarqué, fut plus de fois énoncé que celui du premier maillon de l’action gouvernementale. Certains tireront de cet acte manqué toutes les conclusions qui s’imposent. Pour l’heure, Ayrault reste et Hollande de préciser combien la politique est un art difficile.

A mi-conférence, après avoir précisé que les hausses d’impôts dénoncées par le mur de l’argent ne constituaient pas des spoliations, François Hollande a semblé enterrer la notion de “Président normal”. C’était attendu. Puis l’Europe, omniprésente même quand elle ne fut pas expressément citée, occupa les esprits. Le président de la République a salué les difficiles efforts entrepris par l’actuel gouvernement grec pour faire face à la crise. Des pauvres aux riches, il n’y a qu’un pas. Répondant à une question sur d’éventuelles tensions avec le voisin allemand, Hollande a choisi la clarté: « Les rapports avec l’Allemagne sont bons. »

 

Même si l’on regrettera avec Vincent Giret du journal Libération l’enterrement de la promesse sur le droit de vote des étrangers, Hollande s’en est globalement bien tiré. Et c’est désormais une autre question qui interroge les observateurs : et si finalement le plus gros chantier d’Hollande n’était pas de convaincre la presse mais bien son propre camp ?