Alors que les analyses vont bon train sur les répercussions géostratégiques liées aux risques de régionalisations ou  d’internationalisation du conflit syrien, à l’intérieur du pays les affrontements semblent hélas prendre une orientation de plus en plus confessionnelle. En témoignent notamment les exactions répétées à l’encontre des Arméniens (chrétiens), qui ont pourtant déclaré leur neutralité dans cette guerre. Le 30 octobre, sept membres de cette communauté ont été enlevés près d’Alep. La veille, son église était bombardée tandis que les quartiers arméniens subissent depuis une semaine des tirs nourris. Des milliers de familles ont été contraintes à fuir leur foyer attaqué. Depuis le début de l’année, 3000 personnes ont dû demander l’asile en Arménie.

Cette situation est d’autant plus révoltante qu’elle résulte d’une série d’agressions dont il faut bien constater, et regretter, qu’elles émanent de forces censées renverser un pouvoir dictatorial au nom d’un idéal de liberté.  Les méthodes et le ciblage à caractère confessionnel et anti-civil de leurs actions ne préfigurent en rien la noblesse de leurs buts proclamés. S’agit-il pour ces groupes plus ou moins incontrôlés qui se situent dans la mouvance de l’Armée syrienne libre de faire payer aux minorités qui refusent de s’impliquer dans cette guerre leurs propres souffrances, celles infligées par le régime Assad ? Visent-ils cyniquement à prendre ces communautés en otage ? Ces exactions trahissent-elles la chienlit qui prévaut dans les rangs de l’opposition et l’impuissance du commandement de l’armée libre à imposer son autorité sur tous ceux qui combattent  sous sa bannière ? Dans tous les cas, sa gestion de ces événements dramatiques sème le trouble et engendre des résultats consternants. Le XXe siècle a été trop riche en justes luttes dévoyées pour qu’on soit dupe de tout laxisme à l’égard des comportements criminels. À plus forte raison dans le contexte délétère d’éradication des ultimes poches non musulmanes de la région.

La communauté arménienne, forte de 80 000 âmes, a proclamé sa neutralité dans ce conflit.  Elle se refuse à faire couler le sang de ces Syriens qui, toutes obédiences confondues, leur ont ouvert les portes de leur pays au lendemain du génocide de 1915. Cette option n’est pas un non-choix. Il s’agit d’un engagement pacifiste.  Doit-il fatalement entraîner des représailles ?

Le commandement de l’Armée syrienne libre se doit en tout cas de prendre ses responsabilités face à cette situation s’il ne veut pas faire le lit du régime Assad qui se targue quant à lui de garantir la laïcité et de protéger les minorités. Il en va de la réputation démocratique de l’opposition, des espoirs émancipateurs qu’elle est censée incarner. Mais cette obligation morale vaut également pour les puissances occidentales qui lui apportent leur soutien au nom de la défense des droits de l’homme. La voix de la France tirerait avantage à s’éclaircir et à se renforcer si elle ambitionne d’atteindre à plus de justesse et d’efficacité dans ce domaine. A cet égard ses positionnements envers Assad ne perdraient rien de leur légitimité à s’accompagner d’une politique d’endiguement des persécutions commises par l’autre camp. A moins de considérer que l’instauration de la démocratie passe par l’élimination des minorités non musulmanes.  Selon les bonnes vieilles méthodes du fameux « modèle turc », très en vogue actuellement. Tout un programme.

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