Ombline n’est ni vraiment un film sur l’enfermement, ni un plaidoyer pour la liberté. C’est un va-et-vient incessant entre le monde clos de la prison et le sentiment de plénitude apporté par la naissance d’un enfant. Ce va-et-vient peut aussi bien être intérieur qu’extérieur, il inscrit le film au-delà du social, pour lui conférer un aspect quasi universel.
Mélanie Thierry incarne une jeune femme incarcérée pour une durée de trois ans, qui apprend qu’elle est enceinte alors que débute son incarcération. Acclamée par les dizaines de détenues tambourinant sur les portes d’acier, elle est transportée à l’hôpital pour accoucher de son fils, Lucas. Ombline découvre qu’il sera son seul salut, sa raison d’être dans cet univers glacé. La loi prévoit que l’on peut élever son enfant en prison jusqu’à dix-huit mois. Lucas donne un sens à sa peine, c’est pour lui qu’elle va se battre, afin de le garder auprès d’elle. Il ne doit pas ressentir qu’il est enfermé ; il faut qu’il ait le sentiment d’être né libre. Après quelques erreurs, qui la conduiront au mitard, Ombline parviendra à instaurer entre ces murs une lueur de liberté.
Le film est un face à face presque constant entre Mélanie Thierry et la caméra, objectif braqué sur elle, tandis qu’elle doit sans cesse repousser les murs qui l’enserrent. Elle cogne des poings et de la tête sur ces parois, dans une tension fluctuante qui insuffle au film la vie. Elle meut son corps dans cet espace réduit, comme si elle devait le rentabiliser au maximum. Mélanie Thierry semble parfaite pour tenir ce rôle, tant elle porte la grandeur d’une Mademoiselle de Montpensier qui aurait en même temps le franc-parler d’une prolétaire.
Parmi les autres comédiens, beaucoup sont des découvertes, comme le rôle de la codétenue Yamina, ou Catherine Salée apparue au cinéma dans Nue Propriété.
Ombline est le premier long-métrage de Stéphane Cazes, jeune réalisateur fraîchement diplômé d’une école de cinéma. Il parle du milieu carcéral en juste connaissance de cause, pour avoir donné des cours d’alphabétisation dans des prisons, par le bais de l’association GENEPI. L’équipe qui le seconde est non moins expérimentée. Virginie Saint-Martin assure la direction de la photographie après avoir signé une quinzaine de films, dont Le Tango Rashevski. Tourné pour partie en décors naturels à la prison Saint-Michel de Toulouse, le film n’est pas une illustration de la vie carcérale, mais le récit d’une destinée propulsée à une vitesse folle, qui fait oublier les lieux-mêmes de l’action, pour refonder notre vision de la détention.
Ombline ne dénonce pas une situation mais se place juste au cœur de la vie dans ses conditions les moins vulgaires et les plus vraies, non pour crier à l’injustice mais pour nous faire part d’une destinée apte à transcender tous les territoires, seraient-ils tragiquement inhumains.