François Hollande a été élu par une majorité des Français qui ont rejeté le discours de peur et de haine que certains voulaient imposer au pays.
Au règne de l’apparence et à l’entêtement dans l’échec, il a souhaité voir se substituer la sérénité de la mise en place d’une politique jetant les bases d’une France à nouveau forte et généreuse fidèle à ses principes d’humanisme et d’universalité.
Le choix de Madame Christiane Taubira comme ministre de la Justice a été fidèle à cette promesse.
Rétablir un ministère qui ne soit pas une simple annexe du ministère de l’Intérieur était une exigence.
Si l’ordre public doit être assuré ce n’est pas au détriment de l’équité et de la dignité. Son objectif est la paix publique, non pas la soumission dans la répression.
La sécurité du ressort du ministère de l’Intérieur, la justice de celui de la garde des Sceaux.
Ils sont complémentaires dans leurs diversités de leurs actions. Mais en tout état de cause, il vaut mieux éviter la délinquance que d’avoir à la réprimer. Il vaut mieux, éduquer, détecter les troubles du comportement, améliorer le dialogue entre les citoyens, résorber les tensions,
En résumé, traiter les causes des passages à l’acte de toute nature, qu’exiler en détention des êtres brisés ou aigris et rancuniers.
Le premier devoir d’un état est la sécurité des personnes, sécurité physique, psychique et économique. La réaction à postériori est déjà une preuve d’échec. Celui-ci est flagrant quand est observé une demande renouvelée de durcissement des politiques répressives en raison de leur inefficacité. Le sentiment d’insécurité demeure et il est parfois délibérément cultivé, amalgamant insécurité réelle et causes multiples du mal être dans une société en crise.
Aucune politique de prévention n’a été réellement mise en place jusqu’à présent pour réduire la délinquance et éviter ainsi une dérive carcérale de la société.
Tout est à faire dans le domaine de la justice, privée délibérément pendant des décennies des moyens matériels, soumises à la suspicion des représentants politique, négligée dans sa nécessaire adaptation aux enjeux contemporains.
Une politique pénale doit être intégrée à une politique générale incluant les questions de santé, d’environnement, d’éducation et de travail.
Imaginer la délinquance comme un phénomène strictement individuel dont le traitement consisterait en un durcissement permanent et croissant de la répression est un aveuglement.
C’est ce à quoi s’attèle Madame Christiane Taubira avec lucidité, courage et détermination en dénonçant la culture de la sanction qui a tenu lieu jusqu’à présent lieu de dogme en termes de politique pénale.
Il faut lui permettre de l’aller de l’avant pour :
– redonner au système pénitentiaire les moyens de contrôler et d’éduquer en échappant à l’inflation quantitative ;
– rappeler que la liberté doit être la règle et la prison l’exception ;
– privilégier les peines alternatives en fournissant des moyens de l’exécuter ;
– restituer aux Magistrats l’indépendance nécessaire pour déterminer les sanctions adaptées à chacun ;
– ne pas oublier que les adolescents n’ont pas, sauf exception, la maturité de ceux qui ont la libre détermination de leurs actes et que leur éducation doit être prioritaire leur permettant d’intégrer que le respect des autres est la condition indépassable de l’estime de soi ;
– avoir présent à l’esprit d’une façon permanente les victimes en leur permettant d’abord de ne jamais l’être et tout au moins d’avoir leur tragédie effectivement prise en charge.
Cela exige la mise en place d’une politique de prévention et le rétablissement de la fonction de juger en étendant les possibilités effectives des sanctions non carcérales.
En lieu et place les opposants à cette politique éructent, multiplient les accusations de laxisme et d’irresponsabilité quand ils n’attribuent pas à la garde des Sceaux des intentions ou des pulsions plus méprisables.
Réprimons, réprimons, exigent-ils, comme s’il devait en rester autre chose que l’échec et la désolation.
Madame Taubira n’est pas seule, elle a à ses côtés toutes les voix oubliées de ceux pour lesquels l’avenir n’est pas une impasse. La criminalité est un sujet suffisamment grave pour ne pas être laissée aux errements des discours démagogiques dont le but est tout autre que de la résorber.
Nous possédons des intervenants sociaux, compétents et dévoués auxquels il manque seulement les moyens effectifs d’agir. Les sciences du comportement et de la société ont suffisamment évolué pour être performantes, même en matière de délinquance.
Nous assistons à un redressement de la politique judiciaire ou la raison reprend le dessus sur les émotions et leurs manipulations. La seule question qui demeure est de savoir si cette politique sera plus forte que ceux qui veulent, par la menace et l’intimidation, l’empêcher d’advenir. Nous en faisons le pari en même temps que nous en prenons l’engagement.
Patrick Klugman et Lef Forster, avocats à la Cour.
Si je resserre l’objectif sur le crime d’adolescence, j’ai du mal à imaginer qu’un être si peu éloigné de l’enfance ait eu le temps de se noyer le cœur au point qu’il ne lui soit plus possible de le faire repartir. Je sais bien, les mineurs ne sont plus des minots. Quand les adultes se départissent des sentiments et revêtent la lime à peau des sensations, le convertisseur s’emballe. Qui vole un œuf viole un bœuf. Et s’il existe une source de perversion des fraîches méninges, je la situerais davantage que dans la mouise économique, aussi déterminante qu’elle fût, au mégagore de l’intermonde, qui s’offre au premier venu, dont l’âge ne lui dit rien. Rien ne pourra changer cela. À moins que… attends! on vire à l’État totalitaire absolu, la loi inhumaniste des temps déshumanisés oblige les fabricants d’ordinateurs à intégrer dans leurs machines un capteur biométrique, et nos vies se dissolvent bêtement, à travers un trou de serrure orwellien, oh ouhaAaAaAis! En attendant cette fin, un enfant en bas âge peut désormais monter sur la chaise de bureau d’où sa mère a bondi en sursaut, le temps qu’elle descende l’escalier, ouvre la porte au facteur, remonte l’escalier, et même si les probabilités sont faibles, des millions d’images d’atrocité sont là, face à lui, tapies dans l’orbe de l’a-terre atterrante. L’éducation des parents prévaut pour ceux qu’ils éduquent. Et là encore, la misère ne va pas empédoclement se coller au déchet. Il y a des profs d’université, des médecins, des juges, des policiers qui délaissent leurs enfants des semaines, voire des mois, des années déterminantes, à en crever, et puis si j’en crève pas, à m’flinguer vite fait, bien fait. Les sensations, vous comprenez? Carpe diem : le slogan des nunuches néonietzschéennes. Ce soir y a ça ici. D’accord, mais le ce soir fait-il de l’ici et du ça le lieu et la chose?
BOURREZ-VOUS DE VOUS-MÊME. JOUEZ AVEC VOUS-MÊME. La balançoire commerciale annuelle penche vers le gros patapouf. Il s’empiffre de patates, se tâte et patatras! Impossible même de remonter au premier ciel sans partenaire de jeu. Mais aussi, comment voudrait-elle prendre place à l’autre bout de la planche savonneuse, à équidistance d’un pivot d’émulation partagé avec moi, quand je suis là, louchant et bave aux lèvres sur son goûter, incapable de lui offrir autre chose qu’une inévitable projection de vomi dès la première secousse?
Le faire-plaisir est un axe essentiel de la civilisation idéale. En tant que citoyen de la famille nationale, le premier inconnu est un proche auquel, dans la mesure de mon énergie individuelle, je peux apporter une relative et néanmoins relationnelle seconde de réconfort, ou bien, continuer d’aggraver notre cas en lui communiquant ma frousse égocentrique. En tant que citoyen de la famille internationale, et cætera. Mais il est difficile de rendre à qui vous donne si l’on a rien à transmettre. Et l’on se sait ne rien posséder de suffisamment valable à offrir en retour des trésors qui vous sont prodigués dès lors que l’on compare le degré d’attention dont on a maléficié au cours des premières années de sa propre existence avec le degré d’attention dont celui ou celle qui vous en témoigne induit à l’amour surdimensionné, j’allais dire disproportionné, qu’il ou elle aura dû recevoir avant que d’être en mesure d’en transvaser le contenu. La mise en parallèle de ces infants défunts qui vont se pavaner sur leurs décades empilées en totem renforce par contraste la grisaille d’une vie commencée dans l’indifférence quasi générale. Ce choc se répercute sur chaque bienfait renouvelé, assignant bientôt à l’ami bienveillant un rôle d’électrochoc, lequel impossible-à-aimer bien loin d’éveiller le malade affectif à la conscience d’un autre soi va lui maintenir la tête enfoncée dans le corps des névroses.
«Alors, quoi? Y’a rien à faire!»
Au contraire, il y a tout à faire. Entendez-moi… ce que je vous dis, c’est que tout ce qu’il y a à faire, c’est tout. Il faut juste faire, et pour ce faire, comprendre que chacun est essentiel au tout, lequel ne peut se faire tout seul, mais ne se fait que par chacun. L’être humain a horreur d’être compté pour rien. Il déteste être aimé de haut. Donnez-lui le sentiment que ce qu’il fait est essentiel, et il fera quelque chose qui vous sera essentielle. Entendez-moi… je ne vous dis pas de lui dire qu’il l’est, je vous dis de vous comporter de telle sorte qu’il en soit convaincu. Or, ceux qui longtemps furent traités comme des chiens ont fini par acquérir la qualité de leur identité adoptive. Ils sentent tout de suite quand une caresse arrive dans le prolongement d’une intention brutale.
«Ce soir y a ça ici.
– Désolé, j’ai autre chose de prévu. Vous me raconterez…»
La vision de Mme Taubira est saine, certes. Pour que cette vision devienne une réalité éfficace, il me semble qu’ établir un pont à deux bras entre le ministère de la Justice, le ministère de l’éducation, et celui des affaires sociales est une solution incontournable, bien que concevable à moyen terme voir à long terme. Et le pari est plus que vital, reformuler les bases d’une société où la question de l’éthique serait concrétisée par une transmission des lois, de l’enseignement, de la protection et du conseil au citoyen. En effet la répression est dévastatrice, et l’entreprise d’un remaniement sociétal incompatible avec le laxisme. Cela demande donc une profonde réflexion de nos politiques, qui ne peuvent en assumer la charge sans les appuis de nos experts, auxquels je le pense nous devrions octroyer un ministère.
Madame le Garde des Sceaux est loin d’être seule. Son indépendance d’avec les bas instincts rejoint celle de la loi, et vivre en une telle compagnie vous emplit d’un sentiment de plénitude sans égal. Mais comment ne pas éprouver d’ici l’inégalité profonde à laquelle sont soumises les dimensions humaines tiraillées entre les deux plateaux du bien et du mal.
Effectivement, maître Klugman, «le respect des autres est la condition indépassable de l’estime de soi». Et la formule mérite qu’on la renverse à l’infini comme entre deux murs de miroirs. Car il est impossible de faire naître un tel sentiment à coups de trique. Il faut donc que l’éducateur soit un modèle de civilité accessible au délinquant en perte de repères.
Mais il y a un point sur lequel il faut s’arrêter avant que d’être mis sous arrêt. Le sentiment d’impunité se confond avec l’état d’insensibilité. La vieille loi du talion si diabolisée par ceux qui ne cherchent pas à se replacer avec elle dans le stade d’évolution des civilisations qui l’avaient adoptée, ne visait que cela. Endurer une peine équivalente, – savoir, – faire ressentir de la peine à celui ou celle qui avait généré la souffrance d’autrui dans la plus grande indifférence. Comprendre, prendre en soi une part de la souffrance humaine, mesurer le prix de la vie en soi, la sienne comme celle des autres. L’homme ne peut pas désirer faire le bien s’il n’apprend pas à éprouver de l’aversion envers le mal. Le mal ne doit pas lui plaire. Il faut que cesse l’habitude qu’il a prise de désirer forniquer avec lui à longueur de journée. Pour ce faire, le mal doit se retourner contre lui. L’idéal serait que le mal se fasse ressentir par la voie de la conscience plutôt que sous le coup d’une épreuve exclusivement physique. Ce dernier point oblige le juge à équilibrer la peine qu’il cherche à provoquer chez le sans-cœur. L’exemplarité, à nouveau. On ne saurait réchauffer le cœur d’un homme ou d’une femme sans lui prouver d’emblée que c’est son bien autant que celui des autres que nous recherchons (je dis «nous» car la Justice nous implique tous) dans la sanction que nous lui administrons. J’évoquerais un «cercle vertueux». Formule royale…