La vérité, à mon humble avis, nous l’avons tous reléguée aux ordures. Encombrante, gênante, hideuse puisque peu flatteuse, réclamée à corps et à cris par tous, conchiée en sourdine par tout un chacun, en vérité, cette garce nous flanquait la frousse et de l’urticaire en sus ! Elle réfutait nos croyances, passait nos rêves à tabac, piétinait nos illusions du bout du talon ! Bref, nous avions toutes les raisons du monde d’en finir avec elle. Grâce à dieu, du moins ce qu’il en reste, ce temps-là est terminé. Désormais, retour à notre bonne vieille scolastique dont l’axiome premier pourrait se résumer comme suit : il faut croire avant de comprendre. Comprendre, c’est-à-dire, prouver – peu importe comment – que tu as raison de croire ce que tu crois. Car, en vérité, il n’y a d’autre objectivité que ta croyance.

Les médias ? De simples chiens de garde du système dont ils dépendent. Pour preuves ? Voici Arlette Chabot faisant la bise à Charles Pasqua, voici Michele Cotta serrant la pince d’Elie Barnavi, voici Anne Sinclair main dans la main avec son cher et tendre DSK ! Par Saint-Paul, ne vous l’avais-je pas dit, ces protozoaires n’ont pu, ne peuvent, ne pourront jamais penser librement. Ce que j’aime dans la croyance ? Son côté irréfutable, genre : je me passe fort bien de preuves comme de tout raisonnement. Pas besoin d’y souscrire en s’astiquant les méninges, ça va de soi, c’est écrit tracé comme une lettre à musique. Ce qui me fout en pétard ? Que cette gue-guerre idéologique ne dise pas son nom, que l’on s’échine à maquiller de pures et simples réquisitoires en pseudo-reportages-libres-et-indépendants-tant-pis-si-je-me-trompe. Accessoirement, oui, en effet, m’horripile que l’on me prenne pour un gorien à demi demeuré !

Les stipendiés ou ulcérés du système, les monstres et les saints hommes, les uns et les autres aspirant à la palme de l’objectivité, voilà ti pas un sujet de reportage en soi ? Y’a-t-il un œil d’aigle dans la salle ? Un bipède pensant qui réellement n’ait rien à perdre ? Voici notre cancer : nous voudrions tellement que la réalité se plie à notre vision du monde que nous en oublions que c’est elle qui aura le dernier mot. S’il vous reste une once de courage pour aller au-devant de la vérité – qui est effroyable bien entendu – brûler votre carte du parti, quitter toute espérance, comme toute croyance consistant à croire qu’il n’y a aucun espoir, assumez le fait d’être un clown dans un monde lui-même clownesque en diable, plantez du cœur dans vos raisonnements et inversement. N’opposez pas subjectivité et objectivité. Écoutez les solitaires, les asociaux, les sauvages, et contredisez-les vous-mêmes en solitaires, asociaux et sauvages. N’acquiescez pas stupidement à tout ce qui prétend vous vouloir du bien. Envoyez-moi paître. Goûtez cette liberté chèrement acquise. Le temps est court. Comme ces injonctions idiotes. L’insurgé à l’heure où je vous parle ? Un gros matou étendu de tout son long depuis une heure squattant un banc sur ma terrasse…

3 Commentaires

  1. Comprendre quelque chose ? Comprendre cet article « c’est prouver – peu importe comment – que tu as raison de croire ce que tu crois » – peu importe ce que tu crois. Il faut donc croire dans cet article, croire dans son invraisemblance transcendantale qui donne à voir une réalité indépassable mais dépassée de manière limpide.

    Comment ne pas expérimenter la plus pure des révélations à la lecture d’une règle qui établit le jeu et se justifie par elle-même ? Il ne faut pas comprendre qui est visé par la règle de la raison pure car ses ennemis n’ont pas de visage, ils sont tapis dans l’ombre et ne peuvent se montrer au grand jour sous peine d’être sanctionnés immédiatement par la réalité qui aura le dernier mot. Il ne faut pas comprendre mais croire dans la dénonciation transcendantale de la vermine invisible qui rampe sous les talons carrés de notre bienfaiteur, vermine prête à bondir pour effacer les traces de craies du cercle rassurant de la raison au sein duquel nous sommes réfugiés. Croyons dans ce danger qui nous guette pour mieux de pas comprendre ce que serait l’effacement de notre chaleureux refuge.

    J’ai compris la règle du jeu parce que je crois qu’elle a le dernier mot ; je deviens chat, m’allonge en terrasse et ronronne sous les caresses de mon maître. Je suis confiant.