On est en droit de s’étonner qu’une semaine après les attentats antimilitaristes de Montauban (où sont morts des musulmans) et les attentats antisémites de Toulouse (où sont morts des enfants), Le Monde des livres (daté du vendredi 30 mars 2012) ait cru bon de proposer (ce fut aussi le cas du Point) à un écrivain de se mettre « dans la tête du tueur », à savoir : lire dans les pensées de Mohamed Merah. Cet exercice appelle plusieurs commentaires, tous désagréables.

Il est intéressant, bien que peut être inutile, de rappeler que Le Monde des livres fait intégralement partie du Monde, du Monde tout court, qu’il est un supplément du Monde (« Ne peut être vendu séparément »). Et que par conséquent, il semble ici prendre le relai idéologique de ce que le reste du quotidien, dont c’est pourtant le rôle, ne semble pouvoir exprimer au grand jour, ne semble vouloir afficher clairement : Mohamed Merah, devrait bénéficier de circonstances atténuantes : « (…) la nuit, quand les fils à papa se gobergeaient, entourés de donzelles à la croupe rebondie, jolies meufs, affalés autour de comptoirs ou entrés dans des boîtes de nuit où j’étais refoulé une fois sur deux, voire deux fois sur deux lorsque le videur, un putain de Black ou d’Arabe retourné comme ces paras de Montauban qui me ressemblaient et ne me ressemblaient pas et que j’ai troué[s] pour leur apprendre que nous n’étions pas du même monde. » La barbarie dont il a fait preuve, autrement dit, ne serait pas complètement de sa faute. C’est la société qui l’a exclu, c’est la politique d’ostracisme pratiquée au plus haut niveau qui est, dans les grandes lignes, coresponsable du massacre. Mais Le Monde est trop propre sur lui, dans ses habits du soir, pour décliner cette thèse de manière strictement éditoriale. Il va donc, avec une perversité notable, utiliser un supplément pour faire le sale boulot à sa place — et le supplément le plus inoffensif qui soit en apparence : celui des livres. Il s’agit, avant que la doxa du Monde ne s’affirme en une (ce qui ne saurait tarder), de préparer le terrain dans les pages anodines. Le Monde des livres a vocation de rendre compte de la manière dont les écrivains, dans leurs romans, conçoivent la réalité, les événements, les attentats : pas de faire de leurs pages une tribune improvisée où les écrivains deviennent des commentateurs en direct de l’actualité ; pour cela, il y a les pages « Idées », les pages « Opinions », les pages « Débats ». Mais les pages « Débats » présentaient, ici, un inconvénient : elles sont trop identifiées comme des pages déconnectées de la ligne éditoriale ; elles ne sauraient en aucun cas traduire la tendance idéologique du journal. Publier les positions d’un écrivain dans les pages littéraires a donc l’avantage de fondre sa prose dans un réceptacle adapté et cohérent : les journalistes décryptent l’actualité dans la partie journalistique du quotidien, les écrivains décryptent cette même actualité dans la partie littéraire. Ce qui crée une sorte d’équivalence dans la légitimité : l’écrivain, parce qu’écrivant dans le supplément littéraire, devient en quelque sorte intégré à la rédaction. Son avis vaut donc article — il n’est plus un électron libre exprimant une liberté indépendante ; il est raccroché au journal.

D’ailleurs, il est bien spécifié ceci, sous le titre spectaculaire Moi, Mohamed Merah qu’illustre un dessin (tons rouge, fumées, silhouettes, têtes de mort, visage de Ben Laden), tout aussi racoleur, tout aussi prostitutionnel, qui semble sorti d’un exemplaire de Métal hurlant des années 80 : « À l’invitation du Monde des livres, l’écrivain Salim Bachi, auteur de Moi, Khaled Kelkal, est entré dans la tête du tueur, mort le 22 mars à Toulouse. » C’est donc « à l’invitation du Monde des livres » que Salim Bachi a écrit son texte. Effectivement, Le Monde tout court, Le Monde-Monde ne pouvait peut-être pas, ne pouvait sans doute pas, étant donné la proximité de l’événement, se permettre d’inviter quiconque d’autre qu’un écrivain, ni d’inviter ailleurs que dans cette annexe peu lue qu’est ce supplément : n’empêche que le mot « invitation » ne trompe pas. Quand on invite un écrivain, Salim Bachi, qui s’est autrefois mis « dans la peau » de Khaled Kelkal, on sait très bien ce qu’il adviendra : on sait, quasiment à la virgule près, quel texte nous sera remis. La perversité continue le chemin entamé : à une demande assise dans la réalité, on apporte une réponse qualifiée de fiction. Le tour de passe-passe est grossier : le même texte, dont la teneur eût choqué (du moins l’espère-t-on) quelques lecteurs s’il avait été publié en d’autres endroits du journal, en des colonnes non littéraires, ne peut choquer ici puisque son contenu est immédiatement, est officiellement neutralisé par cette petite barre noire qui le précède, sur laquelle est inscrit ceci : « Fiction ». Un éditorial maquillé en fiction, c’est toujours ça de pris. L’inacceptable, ainsi travesti, vaut ligne de conduite, vaut fil rouge de pensée. Bien joué. Tariq Ramadan doit faire partie des lecteurs du Monde heureux : il y a signé, en quelque sorte, sans la rédiger, via un prête-nom et un drôle de tour de prestidigitation, une éclatante tribune, illustrée qui plus est. Et en une. Pas en une du véritable Monde, mais en une de cette excroissance du Monde qu’est le supplément littéraire « délittérarisé » pour l’occasion. On rajoute même un peu d’outrance pour que la fiction garde sa belle parure de fiction — on injecte des facilités, des insanités, pour qu’il ne vienne à l’esprit de personne d’intenter le genre de procès que je suis pourtant en train d’intenter. Sur le jeu pervers, un écran de fumée est jeté.

Nul n’a pensé à demander à un écrivain de se mettre dans la peau de la petite Miriam Monsonego, 7 ans, qui fut tirée par les cheveux par Merah avant que ce dernier ne lui explose la cervelle avec un pistolet automatique, à bout touchant. Nul ne peut se mettre dans la peau, nul ne peut se placer dans la tête (éclatée), dans le cerveau (réduit en bouillie de sang) de cette petite fille (ou des deux autres enfants), nul surtout ne voudrait le faire — mais pour Merah, aucun problème, on accepte la pige, on répond favorablement à l’invitation. Et on y répond rapidement : parce que l’explication est toute prête. L’explication, somme toute, était déjà là avant qu’il ne commette ses crimes dégueulasses. La preuve en est que Salim Bachi, Le Monde des livres en fait l’aveu, n’a plus qu’à remplacer le nom de Khaled Kelkal par celui de Mohamed Merah : Moi, Mohamed Merah n’est que l’actualisation, comme un programme actualise mécaniquement un logiciel, de Moi, Khaled Kelkal. On voit ici que, dans l’esprit du Monde comme dans l’esprit de Bachi (qui sont en adéquation de pensée puisque l’invité a, stricto sensu, répondu à une invitation bien précise), il y a interchangeabilité des deux terroristes, indépendamment des différences et, surtout, des dix-sept années qui séparent leurs actes. L’explication sociologisante, psychologisante de 1995 vaudrait donc aussi pour celle de 2012, comme si entre-temps le monde avait été figé, comme si rien n’avait changé, comme si les choses et la réalité n’étaient qu’un décor immuable dans lequel la société française n’était qu’une machine à créer incessamment les mêmes inégalités, à isoler les mêmes catégories, à ostraciser infiniment les mêmes profils sans jamais envisager de solutions neuves ; comme si, entre-temps, le terrorisme lui-même ne s’était pas modifié, comme s’il n’avait pas muté. Interchanger les deux terroristes, c’est confondre le XXe siècle et le XXIe, mélanger un monde d’avant Al-Qaïda et un monde d’après — un monde d’avant la guerre avec un monde de pendant la guerre. Depuis le 11 Septembre 2001, une organisation, et non plus un pays, a déclaré la guerre à l’Occident ; c’est une troisième guerre mondiale, qu’on ne nomme jamais ainsi parce qu’on n’y reconnaît pas les modalités des guerres de jadis, des guerres nation contre nation, avec un début, un milieu et une fin, et surtout, des géographies déterminées, des cibles clairement identifiées de part et d’autre. Merah n’est pas un simple avatar de Kelkal ; ils n’appartiennent pas au même siècle. Kelkal faisait un djihad en temps de paix — dans un monde en paix qui ressemblait parfois à un monde en guerre, Merah fait un djihad en temps de guerre — dans un monde en guerre qui ressemble parfois à un monde en paix.

En comparant les deux, on sait ce qu’on fait : on souligne les ressemblances, la déshérence sociale, dûe aux humiliations de la société française envers une population qu’elle se refuse à intégrer et qu’elle stigmatise à longueur de journée au lieu que de lui tendre la main. L’explication kelkalienne a valeur d’idéal type weberien pour expliquer Merah et ceux qui, hélas, ne manqueront pas de suivre. Ainsi, plutôt que de penser le nouveau, la part d’inédit dans le cas Merah, on applique la grille de lecture de l’ancien monde : et le bourreau, alors, sans cesser il est vrai d’être bourreau, est malgré tout doté lui aussi d’un statut de victime. C’est une victime qui a fait des victimes. Les petits enfants morts sont victimes d’une victime. Les victimes du sort (et de la barbarie) sont le résultat d’une victime de la société (et de l’incurie). Il n’y aurait donc plus sur le terrain de ces scènes atroces qu’un ballet de victimes, un rapport étrange de victimes entre elles, qu’un processus cancéreux de cellules victimes dégénérant. Il n’y a plus aucun responsable : si ce n’est nous, nous tous, ceux qui ont la chance de pouvoir entrer en boîte de nuit et à Polytechnique, ce qui semble à peu de choses près, pour Le Monde des livres et Salim Bachi, être la même chose. D’ailleurs, lisez bien : « À l’invitation du Monde des livres, l’écrivain Salim Bachi, auteur de Moi, Khaled Kelkal, est entré dans la tête du tueur, mort le 22 mars à Toulouse. » Celui qui est mort, c’est le tueur. Celui dont la date de décès est ici précisée, imprimée, rappelée, ce n’est pas Miriam, ce n’est pas Arieh Sandler, ni Gabriel Sandler, ce n’est pas Jonathan Sandler, ni ces pauvres militaires, mais Merah. C’est Merah qui est mort.

Enfin, Le Monde des livres, adoubé par Le Monde tout court, vaguement conscient, non pas que son discours soit indigne mais que quelques-uns pourraient le trouver indigne, publie deux remarquables textes, l’un signé Olivier Rolin (intitulé « Tribune »), l’autre Marc Weitzmann (baptisé « analyse ») — relégués en page deux, et qu’on sent fort bien avoir été publiés pour amortir le choc. La « fiction » de Salim Bachi est ainsi contrebalancée par deux textes (vraiment parfaits) qui, eux, sont situés dans la réalité. Preuve supplémentaire que cette soi-disant prose littéraire de Bachi n’est pas (du tout) fictionnelle : auquel cas, deux autres fictions, signées Rolin, Weitzmann (eux-mêmes romanciers), eussent pu faire un match équitable avec l’auteur de la une du supplément. Auteur qui, notons-le, également, est à peu près inconnu, non seulement du grand public, mais également du milieu littéraire — ce qui ne fait que renforcer l’impression de malaise : on aura été, d’une part, chercher une petite main pour exécuter la basse besogne (préparer les esprits, incidemment, à accepter la thèse immonde selon laquelle Merah est le pur produit de choix politiques nationaux) ; et, d’autre part, par l’utilisation d’un écrivain sans grande notoriété, on aura commis un papier signé, non d’une prestigieuse plume issue de la fiction, mais d’un nom pratiquement aussi anonyme que celui d’un journaliste. CQFD.

13 Commentaires

  1. je pense qu’il faut cesser de trouver des circonstances atténuantes aux terroristes islamistes (l’exclusion, la politique d’ostracisme, les difficulté d’insertion etc). Non seulement ils ne le méritent pas, mais en plus elles sont fausses.
    Un grand nombre de terroristes, à commencer par Ben Laden, avaient tout pour être heureux. Des millions sur le compte en banque, un beau parcours professionnel, une famille etc. L’islamisme radical peut toucher tout le monde (toutes les couches de la société j’entends)
    D’autre part Merah roulait dans de belles voitures, il avait acheté pour 20.000€ d’armes (personnellement je ne pourrai pas me le permettre). Il ne vivait pas dans une cité HLM mais dans un quartier pavillonnaire. La pauvreté et l’exclusion ne font pas le terroriste. Cessons de lui trouver des excuses et d’essayer d’entrer dans sa peau!!!! C’est un criminel qui a tué de sang froid. Il ne mérite meme pas que l’on parle autant de lui.
    Merci Monsieur Moix pour vos articles.

  2. Peut-être n’était-ce ni le moment ou le lieux pour un tel excercise littéraire, mais votre réaction montre une certaine mauvaise foi davantage que des motivations secrètement antisémites du Monde.
    Qu’un assassin se justifie me semble tout à fait normal, que ce soit une recherche de justice, de vengeance, de pureté, de légitime défense – les assassins trouvent toujours des raisons. Doit-on condamner celui qui les évoque ou l’assassin qui s’en prévaut? Chacun cherche à légitimmer sa propre violence, qu’elle soit à Oslo, Toulouse, Gaza, Irak, ou en Libye. Que ce soit une ceinture d’explosifs ou une bombe atomique chacun se justifie sa propre violence – sinon comment vivre avec?
    Mohammed Merah n’est pas différent d’autres assassins comme Breivik ou Richard Durn, ou les multiple licenciés qui sont revenu tuer leur patron ces dernières années ici ou ailleurs. Les méchanisms sont les mêmes : une fragilité psychologique nourri par des rationalisations qui semblent abbérrantes pour nous, mais qui existent.
    Vos contorsions intéllectuelles reflète l’étendu de votre mauvaise conscience davantage qu’un message sournoisement antisémite du Monde ou de l’auteur. Venant d’un provocateur comme vous une telle hypersensibilité me surprend

  3. M.Moix,
    ce qu’il faut reprocher à l’auteur, ce n’est pas de prendre le point de vue de l’assassin (Robert Merle l’a fait dans La Mort est mon métier sans qu’on l’accuse de la moindre sympathie pour le commandant d’Auschwitz) ni d’imaginer les pauvres excuses que Merah pouvait s’inventer pour justifier sa dérive meurtrière – à moins d’avoir été un Saint Fond ou un Curvial, se délectant du Mal, l’assassin devait bien s’inventer des raisons de croire qu’il faisait le Bien. Ce qui est inacceptable, c’est de jeter un voile « pudique » sur l’acte lui-même, de renoncer à décrire, dans son horrible simplicité, le meurtre de sang froid d’une fillette. Car c’est bien dans le rapprochement de l’acte avec ses justifications que l’inanité de celles-ci apparaît : « je suis jeté d’une boite de nuit, donc je flingue une fillette juive » – qui peut y croire une seconde ? En décrivant par le menu la suite des événements et réflexions qui conduisent Merah jusqu’à la posture du bourreau, mais en reculant devant le moment fatal où il s’agit de montrer l’acte lui-même, l’auteur fait preuve d’une lâcheté qui condamne son texte : loin de jeter une lumière, celui-ci dissimule le vrai.

  4. Victimiser Merah comme étant une victime de la société, c’est lui offrir une explication qui légitimiserait en quelques sortes ses actes plus que barbares qu’il a commis, ce qui est absurde !
    Si chaque personne victime de la société agissait comme lui, notre monde serait totalement dépourvu de toutes ses valeurs et d’éthique, forte heureusement nous n’en sommes pas là et j’espère que jamais nous y serons !
    Pour ma part, le problème est bien plus profond et grave. Pour se permettre de comprendre ce qui a pu pousser cet homme ( au départ) à devenir un tueur-terroriste, il faudrait pouvoir analyser tout son parcours de vie dans les moindres détails !

  5. Les premiers jours après les derniers jours, on ne veut faire qu’une chose, empêcher que tout soit fait pour que cette chose ne soit pas faite, je parle de mettre au jour l’idéologie à l’œuvre dans l’exécution sommaire de sept personnes dont trois enfants en bas âge, au nom de l’islam. Une fois que le Jihâd a montré son visage au-dessus d’une marionnette, on peut alors redescendre un instant et se préoccuper du vide que constituait une vie prête à se laisser envahir par un tel pourrissement. Savoir de quoi était constituée la pensée du lobotomisé n’a d’intérêt que psychiatrique. Cette pensée n’était forcément qu’un vaste foutoir. Le contenu d’un foutoir n’a rien d’intéressant, si ce n’est la pollution que génère sa putrescence obligatoire. L’oxymore de ce vivier morbide ressemble à la scatification nécessaire du soldat destiné à crever comme une merde au prochain champ de bataille, Kubrick lui a fait clore son Full Metal Jacket. Le principal, encore, toujours, n’est pas le moyen mais la fin de toute chose. La résistance d’un nazi à la république n’identifie pas la résistance d’un républicain au nazisme. Ce qui nous intéresse n’est pas une façon de se battre, mais pourquoi on le fait. Ici, maintenant, l’instauration d’un califat mondial. Veux-je cela? Vais-je laisser advenir cela? Vais-je devoir m’élever contre cela? Comment cela? Ceci étant dit et cela étant fait, revenons à la chair à canon car en effet, sans elle, rien ne saurait y faire.
    Il n’est pas de génération spontanée du crime. Je n’ai jamais compris qu’on déleste un méchant de sa part de responsabilité dans le mal qu’il a commis, je ne comprends pas davantage que l’on coupe de toute culpabilité ceux qui détenaient la responsabilité de son éducation. En l’espèce, il y a d’abord celui qui n’est pas là. Qu’on pourrait dénommer «le génitueur», – de prime abord, je n’ai pas voulu tâter du pied la réaction scandaleuse de ce père qui ne voyait d’inhumain que la France au bout de la spirale mortifère où son fils l’avait attirée, je me disais qu’il essayait comme il pouvait de surmonter le choc d’une perte insoutenable, qu’il n’avait pas trouvé de meilleur moyen pour s’en sortir que son détournement de culpabilité vers les victimes d’un bourreau qu’il avait mis au monde, et puis, les semaines qui passent, et rien qui vienne, pas une amorce de mot qui déborde de la bouche du semeur de terreur pour ceux que le déjà mort arracha à la vie avant d’aller se conformer à sa réalité. Cet empressement à trouver un responsable dans cette tragédie dont le rideau était tombé sur son enfant cloué au sol. Ce vieil homme prononçant un jugement depuis un autre continent d’où il avait privé son rejeton de père et de repère. Avec sa virilité matinée d’idéologie que l’absence avait cristallisée. Dont la haine radicale, – l’État français qu’il a illégalement attaqué en justice avant que de devoir se rabattre sur le RAID en soupèsera la masse, – et savamment entretenue, – par quoi? par qui? – lui aura communiqué sa radicalité brouillée, embrouillée tout comme la bouillie sanglante d’une parole de célèbre moudjahida évoquant une Algérie précoloniale régie par le mektoub dont elle et ses frères d’armes auraient reconquis le libre arbitre, une Algérie berbère prétendument accoucheuse d’un Al-Andalus dont le rayonnement des Omeyyades provenait au demeurant du berceau arabique et que les Almohades, après que la conquête du Maghreb par les armées mahométanes les avait comme c’est souvent le cas nourris au grain du fanatisme, plongèrent dans l’obscurantisme le plus total, poussant Averroès à prendre le large et à sauver sur un autre rivage et sa peau et son rêve de confrontation du religieux au philosophique, une Algérie où le colon aurait empêché l’indigène de parler une langue arabe que mon propre grand-père avait apprise aux cours du soir afin d’ajouter à la clientèle de son imprimerie algéroise la population arabisante, une Algérie dont l’émir Abd el-Kader ou le cheikh El Mokrani avaient certes héroïquement résisté à l’envahisseur européen, mais au nom d’un Jihâd qui en cas de victoire eût réservé à madame Drif le sort que subissent actuellement les femmes de Tombouctou, une contradiction de plus quand Zohra la communiste n’eût jamais pu ôter sous leur joug ce haïk que le chef de la ZAA lui avait fait enfiler afin qu’elle y dissimule sadite bombinette. Il pourrait sembler que je me suis laissé aller à une cascade de digressions… Il pourrait en effet. Zohra Drif est un pur produit de l’éducation nationale et de la république française. J’allais dire, c’est dit, or justement ça ne l’est pas.
    Les profs n’y arriveront pas seuls. Le meilleur des pédagogues ne remplacera jamais ni le père ni la mère d’une femme ou d’un homme si le Pédagogue de Clément en Personne(s), après avoir patienté deux mille ans au bout du Philon, S’y est arraché les dents.
    Nous avons assisté en direct à cette scène invisible, scène de néant où la mère du monstre qui était finalement bien pire qu’un monstre puisque c’était un homme, a refusé de parler à son fils assiégé. La raison, ou le prétexte, relayés, ou avancés, par l’Intérieur : elle n’aurait plus aucune influence sur lui. Eh bien, je trouve assez terrible que la chute nihiliste de cet homme se soit achevée dans les ténèbres d’un grand vide de parole où une mère aura plongé son fils jusqu’aux derniers mètres où la vie qu’elle lui avait transmise risquait à tout moment de tourner court. Une mère normalement constituée, une mère douée d’un instinct maternel inhérent au lien que la nature a noué entre elle et son enfant, au minimum se morfondrait à l’idée que la chair de sa chair se soit ainsi détruite en détruisant la chair des autres, au maximum se reconnaîtrait une responsabilité dans la dérive affreuse de sa progéniture, toutes choses que cette dame aurait faites aux dires de son avocat Me Jean-Yves Gougnaud. Ce qu’elle n’aura pas fait, en revanche, c’est d’éprouver l’urgente nécessité de lui demander pardon pour n’avoir pas su l’empêcher de se perdre à ce point. Elle ne sera pas allée jusqu’à s’interdire son impuissance à réaliser l’impossible. La crainte étant, évidemment, que la dramatique ajoutant au dramatique, les abonnés de Disney Channel ne nous en eussent aussitôt fait un Scarface en peluche et ne fussent au pas de course allés manifester la morve au nez contre l’horrible massacre d’État, déposant des milliers de bougies à la mémoire de leur nounours que c’est pas sa faute s’il a des griffes qui lui sont poussées qui peuvent faire mal sans faire exprès. Je me souviens de Manhunter (1986), adaptation par Michael Mann d’un roman intitulé Red Dragon que son auteur, Thomas Harris, déclinerait ensuite sous la forme d’une tétralogie cinématographiable tournant autour d’un fameux personnage de psychiatre cannibale, avec l’héroïne très Eighties de Brazil et le futur acteur de la série à succès CIS où ce dernier s’emprisonnera dans son premier grand rôle. À la fin, le profiler du FBI était tiraillé entre deux sentiments opposés : une compassion pour l’enfant broyé par le trauma qu’était devenu le tueur; une détermination à interrompre coûte que coûte sa trajectoire criminelle, ce qui impliquait en dernière instance qu’on mette fin à ses actes par le biais de ses jours. Or. Explorer un profil psychologique revient pour beaucoup à justifier ce que l’on s’est expliqué. Vous prenez un «je comprends», vous rajoutez deux yeux tristes saupoudrés d’un sourire lèvres en dedans, le tout incrusté dans un dodelinement diagonal de la tête, et vous obtenez un splendide «je pardonne» à déguster sur place. Or est-ce que ceci ressortit de cela? Non. Assurément pas. Éclaircir la chaîne des événements prismatiques ayant pu conduire un enfant de la République française à déclarer la guerre aux Infidèles de Qui n’aura pour vocation que de débusquer les fautes, qui à plusieurs reprises, jusqu’à en user le faisceau jusqu’au dernier nerf, ont fait riper les universaux de l’esprit au cours de son ascension escarpée.
    Non, les profs ne réussiront pas, non pas sans le rabbin, le curé ou l’imam, ceux-ci n’y parviendraient pas davantage qu’eux, mais sans le père et/ou la mère biologiques ou recompositeurs, elle et/ou lui qui ont vu s’élever tout seul un être de leur espèce, et ont montré ce qu’ils valaient au premier trébuchement de leur petit bipède. Mon souhait, avant que tout se bousille, serait que les enfants perdus des beaux comme des bas quartiers, – n’oublions pas que les Croisades ne se jouaient pas en solitaire, mais à deux, voire à trois, et plus si antipathie, – rattrapent le temps passé en dehors de leur enfance. Dans ce dessein, j’imagine que l’éducation nationale veuille les mettre à contribution. Leur confier une mission porteuse d’illuminantes retombées. Une mise à l’épreuve leur faisant éprouver un lien tissé de leurs propres mains. J’aimerais que les adolescents redescendent en primaire donner un coup de main aux instituteurs. Que ces derniers leur confient des responsabilités auprès de ces enfants qu’ils étaient encore trois ou quatre ans plus tôt. Apprendre à réconcilier les petits frères et sœurs après que l’affirmation des uns se fut assise sur la négation des autres. Apprendre à leur apprendre telle ou telle base ou nuance des humanités définies de concert avec le maître ou la maîtresse d’une école qui en deviendrait d’un coup tellement moins écrasante…! Réveiller le père ou la mère en soi-même, depuis l’initiation jusqu’à l’instinct, en sorte qu’aucune de ces deux forces fondamentales de l’Homme ne vienne à manquer à l’avenir d’un humain. Voilà ma proposition. Ma mesure dépassant ma mesure. Mon idée pour faire barrage à la vague brune. La peur de renverser une goutte d’huile sur l’enfer donne tout le temps au niveau d’huile et au niveau de feu d’augmenter en chacun de leurs récipiendaires. Si les adultes persistent dans leurs enfantillages, l’heure est peut-être venue de miser sur la maturité des enfants.

  6. Donc, quid de “penser le nouveau, la part d’inédit dans le cas Merah”.
    On ne saura pas; enfin pas avec vous.

    ps: dire ou écrire que Merah devait probablement se complaire en « victime de la société », ce n’est pas lui donner le statut de victime. Je le pense (qu’il devait probablement…) ET je ne pense pas une seconde qu’il fut victime de quoi que ce soit. CQFD

    Je vais suivre les articles du Monde et on fera le bilan ensuite !

  7. Le Monde est un journal qui d’une manière très subtile fait systématiquement l’apologie du meurtre de juifs et des meurtres de l’islam depuis des années. C’est sûr que ce n’est pas fait à la manière d’un discours de Ben Laden mais c’est du très bon Goebels et je pèse absolument mes mots (lisez son journal personnel !).

    Si vous croyez que les films de propagande nazie appelaient directement aux meurtre vous vous fourrez le doigt dans l’oeil, c’était exactement du même niveau que le Monde.

    Comme les gens sont des moutons (ce que sait tout spécialiste en relation humaines) les gens et surtout les juifs (qui lisent beaucoup) deviennent formatés comme il faut avec le temps.

    AINSI QUAND ON PARLE DU MEURTRE DE PETITS ENFANTS ON PARLE DE FUSILLADE.

    terme impropre, la fusillade est un échange de coup de feux ! idem pour les protagonistes, personnalisation de l’assassin (on raconte sa vie on connait son nom sa famille ect ect) les victimes elles ont a peine leur nom cité.

    Si les gens s’étaient bougés il y a 10 ans avec les israéliens, le meurtre des juifs en europe par les islamistes (conformément au coran et à la vie de Mahomet) n’aurait pas pu se faire aussi ostensiblement.

    Si vous n’êtes pas content de ce que j’écris c’est la même chose, personne n’est content de savoir qu’il risque d’aller au crématoire aussi par sa propre bêtise ou lâcheté, ceux qui prévenaient du destin tragique qui se profilait aux juifs se faisaient casser la gueule.

    Donc allez y.

    • D’abord remercier Moix pour sa pertinente et profonde réflexion, et acquiescer à votre terrible conclusion : le pire est cette  » impression » de vivre aujourd’hui en milieu hostile, sournois, que ce qui était empreint d’incrédulité dans nos têtes, devienne certitude.
      Dites-nous, ami mais31, que vous n’êtes pas juif, pour que l’on sache que d’autres que nous ressentes nos craintes et notre désarroi, que nous ne sommes pas seuls à être « paranos » comme disent les salauds.

      Schlomo

      cf ce que dit-l’ane plus haut…

  8. Je vous remercie, Monsieur Moix de mettre en exergue ce que je suis loin d’appréhender toute seule!
    Où peut-on vous écouter?

  9. merci pour oser critiquer le monde , ce journal ? qui n’est que le miroir d’une société aveugle , empoisonnée aux parfums du droitdelhommisme tendance hessel
    on tue des enfants juifs…la réaction est l’islamophobie…!

    le qatar va finir par nous retirer sa caution culturelle

    merci , continuez à résister

  10. Bonsoir. N’avez vous jamais le sentiment d’en faire trop dans la dénonciation que vous faites de la banaliation des crimes antisémites ? N’avez vous jamais la sensation que vous cédez facilement aux sirènes d’un terrorisme intellectuel qui, au lieu de critiquer les choses sur le fond, les rejettent sur leur simple forme, peut être pour éviter la discussion, la controverse, le débat ? Les rejettent avec violence, comme pour mieux vous convaincre de la noblesse de votre cause, de la justesse de votre opinion, qui ne saurait supporter la moindre nuance, sous peine de « dépasser la ligne rouge », de « banaliser le mal absolu », de « tuer une seconde fois ». Pourquoi décrire avec froideur le crime si ce n’est pour rappeller à chacun l’horreur du crime et donc pour culpabiliser quiquonque ne serait pas d’accord avec vous puisque c’est justement au nom de cette horreur que vous vous indignez ? Merci

    • Comment nuancez-vous un assassinat et préméditation ? Résistance ? Frustration ?
      Est-ce que les Juifs sortis des camps ou non ont assassinés les enfants allemands, français, canadiens ?
      Seuls des musulmans se permettent de désigner, condamner et executer qui ils veulent.

      Il s’agit dans cet article de désigner un journal qui apporte son soutienà leur cause et démonte le mécanisme mis en œuvre.
      C’est en ne le faisant pas ou en le contestant comme vous le faites que les Merah et leurs commanditaires peuvent agir sachant d’avance trouver des « consciences médiatiques » qui se feront leurs avocats.