On n’a pas le droit, en France, d’arrêter préventivement un individu sans avoir recueilli à son encontre des charges lourdes. On se félicitera de cette situation qui permet d’éviter toute bavure et qui est en parfaite adéquation avec les valeurs attendues d’un État de droit, d’une part, et d’une République, d’autre part. Toutefois, il est un domaine où cette loi, immédiatement, perd toute sa validité. Ce domaine, c’est le terrorisme. On nous explique ainsi qu’ils sont une centaine en Europe, et une dizaine en France, presque tous « salafistes », à partir en Afghanistan, au nom du djihad, effectuer des stages chez les Talibans. A leur retour, ces « stagiaires », parmi lesquels, je le répète, quelques Français, rentrent – et rentrent, disons-le, en toute impunité. Nous entendons bien qu’ils sont éventuellement convoqués par les autorités, qu’on leur pose quelques questions, qu’ils sont dûment fichés et « surveillés ». Or, cela ne suffit pas. Si cela suffisait, il n’y aurait pas eu six morts absurdes, atroces, inutiles, gratuites, immondes en une semaine.

Le problème, c’est la loi. Il faut punir, et sévèrement, quiconque participe à ces stages djihadistes, indépendamment de tout passage à l’acte. Car enfin, je ne sache pas que ces apprentis islamistes vont participer à ces formations extrêmes et intensives remplis de bonnes intentions. Il est des cas de figure où l’intention constitue un crime en soi. Aller faire un stage chez les Talibans, c’est aller asseoir, c’est aller affirmer son intention de commettre des actions terroristes. L’intention terroriste est déjà un acte. Oui,le propre du terrorisme, c’est cela : que son intention soit déjà une action. La loi punit le voleur d’une paire de chaussettes chez Prisunic : l’acte a eu lieu, il est délictueux, la peine s’applique. Soit. C’est un acte. C’est commis. C’est acté. Cela a eu lieu. Mais cette même loi ne punit pas quelqu’un qui va prendre des leçons de tuerie, de barbarie, chez Al Qaïda. Il y a là, on le voit, des intentions plus graves que des actes.

Dans le cas, spécial, du terrorisme, il faut punir ce qui peut avoir lieu : car c’est l’esprit même du terrorisme que de se présenter, en épée de Damoclès permanente, comme une possibilité perpétuelle de catastrophe. Le stage salafiste, le stage afghan, c’est du stage de tuerie latente. C’est du stage de barbarie potentielle. On se rend dans ces camps, justement, précisément, pour apprendre à transformer ses intentions en actions. Que nul n’entre ici s’il n’est mal intentionné. Les entraîneurs eux-mêmes, lit-on, accueillent avec méfiance les nouvelles recrues européennes : ils ont peur que leurs intentions ne soient pas totalement affirmées. Que l’action terroriste ait réellement lieu ou non doit être, par conséquent, de par la nature même du terrorisme (qui est à la fois énergie cinétique et énergie potentielle, à la fois acte et spectre qui flotte) considéré comme un faux problème. L’essence du terrorisme, qui est menace, qui est perspective, qui « sème » la panique, exige que l’intention soit incluse dans l’action et que l’action soit incluse dans l’intention. Il s’agit donc de les appréhender par une même sanction.

Le passage à l’acte n’est qu’une modalité du terrorisme. Un de ses visages possibles. Le terrorisme terrorise, tautologie qui exprime que le passage à l’acte est lui-même conçu comme parangon, comme tremplin d’actes possiblement à venir. Tout acte terroriste fait naître de nouvelles intentions. Ce n’est pas simplement une question d’intention qui se transforme en acte, mais d’acte qui se transforme, à la manière d’un canevas, en intentions neuves. Le terrorisme tue par le mal concret qu’il fait lorsqu’il y a des victimes avérées, et par le mal abstrait qu’il laisse supposer qu’il fera à des victimes en attente (vous, moi, tout le monde, n’importe qui). C’est une hydre à deux têtes : le passage à l’acte et l’imminence théorique du passage à l’acte.

Dans le terrorisme, l’intention est dans l’acte et l’acte est dans l’intention. L’acte est intention et l’intention, acte. L’acte va se muer en actes à venir, suscitant des vocations, se muant en nombreux avatars. Le terrorisme ne détruit pas seulement le présent : il contamine le futur.

Il faut donc que la loi se décide à sévir, avec rigueur, contre ces stagiaires de l’immonde. Et que ces stages en eux-mêmes soient considérés comme des crimes en soi.

12 Commentaires

  1. Mr Moix aurait donc l’oreille de l’ Elysée… Vite, ouvrons le champagne ! LOL
    Et si Mr Sarkozy commençait d’ abord par demander des comptes à ses amis du Qatar qui financent nombre de salafistes en même temps qu’ ils s’ achètent le PSG ou des participations dans Total ?
    Au fait, est-ce vrai qu’ avec la politique de N. Sarkozy les investisseurs Qatar ne paient pas d’ impôts en France quand ils investissent chez nous, et ce pendant 5 ans ???

  2. Je lis toujours attentivement vos articles M. Moix mais je trouve que de parler des actes sans parler des motivations, c’est livrer un gâteau réussi sans en donner la recette. Vous savez que la lutte contre le terrorisme est la priorité de l’état d’Israël et que les USA et l’Europe n’ont pas pris mesure de la gravité de cette escalade inhumaine, avant le 11 sept. Parler des motivations, c’est parler d’antisémitisme, d’antisionisme et exposer un bilan des terreaux fertilisés des banlieues, où la haine du juif passe en boucle, serait dans vos cordes. Mais non, sujet tabou des médias… J’attends avec impatience de vous lire pour avoir votre sentiment sur la question.

  3. Je tiens à préciser que ce que je trouvais grotesque ci-dessus, c’était bien l’attitude du tueur et non celle des policiers qui ont effectué leur travail de manière professionnelle.

  4. Il faudrait que ces stagiaires djihadistes soient rémunérés à 50 % du SMIC, sinon leurs conditions de travail me semblent vraiment injustes.

  5. Monsieur Moix,

    votre idée est louable mais elle demande pour trouver un commencement d’application (ce qui importe puisque la loi en plus de sa portée morale poursuit un objectif pratique) un travail législatif qui entraînera de longs débats (avec arguties oiseuses à la clef) or il existe déjà un cadre juridique qui pourrait s’appliquer au travers de la justice militaire. Si l’on veut bien considérer l’acte que pose le djihadiste et se demander « que commet-il précisément ? » quoi d’autre sinon un acte de haute trahison. La sanction en cas de conflit ouvert avec une puissance étrangère est l’exécution par balle. L’application de cette sanction aurait mis à la funeste « carrière » de l’assassin de Montauban et de Toulouse beaucoup plus tôt, dès sa sortie du territoire Afghan par exemple.

    Un « stagiaire djihadiste » s’apprête, par définition, puisqu’il apprend à le faire – volontairement, à tourner ses armes contre son pays en particulier contre des militaires français, lorsqu’il est un ressortissant français puisque la France a choisi le camp adverse à celui des talibans et autres factieux. Que commet le « djihadiste » si ce n’est un acte de haute trahison aggravé d’intelligence avec l’ennemi ? Le fait est d’autant plus aisé à établir quand ces « leçons » ont pour cadre un théâtre d’opération où se trouve positionnée l’armée française en ordre de bataille comme c’est le cas en Afghanistan, pays dans lequel le code militaire doit pouvoir s’appliquer à tous les ressortissants français ne disposant d’un ordre de mission spécifique pour y justifier leur présence, mis à part les militaires, évidemment, les diplomates, les journalistes et les personnels humanitaires accrédités.

    Aurait-on toléré pendant les deux premiers conflits mondiaux qu’un tourisme de trahison continua de faire florès avec l’Allemagne de Bismark ou celle de Hitler ?

    Il faut donc, toute affaire cessante, et cela dans le respect du gouvernement Afghan et de nos partenaires coalisés, quoique l’on pense de ces derniers, appliquer et faire appliquer le code militaire français dans le périmètre qui est dévolu à l’armée française et cela dans toute sa rigueur en considérant, avec la clarté qu’impose l’état de guerre que – oui – la France est en guerre avec la sédition afghane et tous ces soutiens d »où qu’ils proviennent – surtout de France – et faire mentir définitivement monsieur Morin, ex ministre des armées, qui déclara naguère devant un parterre d’officiers médusés « nous ne sommes pas là pour gagner ! ».

    Une guerre se déroule en Afghanistan, la France y participe, la justice militaire doit prendre le relais pour ce qui concerne les activités de nos ressortissants qui entrent ou sortent de ce théâtre d’opération et cela ne devrait pas être négociable.

  6. @ Asermourt « Les décisions du chef de l’État en terme de durcissement de la loi »
    Ah bon? on a déjà changé de République? C’est pas le Parlement qui vote les lois?

  7. L’autre est toujours insuffisant de son propre point de vue. Forcément, il lui manque ce point de vue, qui en l’espèce prime sur tout autre. Il n’y a pas à se sentir coupable de ce travers du Moi, tout le monde en a un, et il fonctionne de la même façon pour chacun. Mais après un léger examen de la conscience, on peut à l’occasion tenter de corriger ce défaut de distanciement pouvant faire stationner durablement le passager du train de Vie à son propre quai. Au lieu, par exemple, de refuser jusqu’aux bienfaits de l’autre dans la seule optique d’y substituer les siens, je préférerais les comprendre et puis, les compléter, je dirais même leur apporter ce qui manquait à sa contribution personnelle pour avoir su conserver d’elle ce qu’il y en avait justement à parfaire.
    Les décisions du chef de l’État en terme de durcissement de la loi concernant tout ce qui de près ou de loin aura trait à l’importation du fondamentalisme islamique sur le sol républicain doivent non seulement être ratifiées par François Hollande, mais elles doivent l’être au nom d’un consensus ne souffrant pas la moindre compétition entre les deux potentiels présidents de la République française. Le candidat socialiste ne devra pas, sur ce point de campagne, s’en tenir au principe d’évitement du nom de l’adversaire, car en cette occurrence, Nicolas Sarkozy n’est pas un adversaire du peuple menacé, par la racine ou par la frange, de radicalisation autour d’une idéologie mêlant l’atrocité de la guerre et l’absoluité de la sainteté. La Geste de Hollande serait déjà triomphale parce qu’irréversible à partir du moment où il aurait montré au camp adverse comme au sien propre qu’il n’a pas peur de] tomber d’accord avec [Sarkozy, – cette dernière proposition est évidemment réversible.
    Et puis, une petite note dont je n’ignore pas que la rareté ne dénote pas une dissonance d’avec le reste des thèmes abordés. Mais tout de même… L’offensive nécessaire contre la montée de l’extrême droite ne nécessiterait-elle pas un contrebalancement? Car au sujet du terrorisme qui opère dans les branches armées de quelques organisations politiques mises aux bancs des nations, c’est très enraciné dans un coin de la gauche que depuis de très longues années l’on n’a de cesse que de justifier ce mode de combat politique avec lequel certaines sources, et non des moindres, partagent au moins deux caractéristiques de la doctrine : le dogmatisme et le totalitarisme. Combien de fois ai-je entendu d’anciens camarades requalifier des attentats aveugles de système de défense ultime auquel l’Establishment aurait poussé ceux qui y recourraient? Alors soit, il y a d’autres urgences méritant que l’on dérange SOS Médecins, et l’on attendra sans doute que redescende toute seule la température du Front international. Mais il ne me semblerait pas tout à fait inutile que la parole socialiste ne craigne plus de froisser la sensibilité partielle de la portion gauchiste de son électorat, qu’il la nomme et lui attribue la grille de lecture qu’elle propage, les responsabilités que ce faisant elle se fait porter, d’en clamer aussi sa condamnation et s’il le faut, de la hurler, au risque de manquer de voix.

  8. Tout a fait d’accord avec vous M. Moix.
    C’est à la base du problème qu’il faut commencer par sévir et sévèrement, pas seulement quand il est déjà trop tard…
    Quand je pense que ces futurs terroristes partent pour s’entraîner à apprendre à nous tuer, puis rentrent et continuent à vivre tout à fait librement, jusqu’au jour où ils désirent passer à l’acte…ça paraît dingue !
    Et dire qu’en ce moment, ce terroriste fait attendre tout le monde à Toulouse avant de se rendre pour que toute l’intention soit portée sur lui, c’est scandaleux, c’est une honte, c’est tellement grotesque qu’il n’y a pas de mots assez forts une fois de plus !

  9. J’aime beaucoup Yann Moix, mais juridiquement, ce texte est une bouillie inculte. Relisez Kelsen, Portalis…