Portrait d’un extrémiste

Anders Behring Breivik est un jeune Norvégien de 32 ans. Selon ses amis de lycée, il n’était pas particulièrement solitaire, il était très élégant et plutôt bon à l’école. Un monsieur-tout-le-monde comme le décrivent ses voisins. D’autres évoquent, en revanche, l’enfance difficile de Breivik, ce dernier ayant été très touché par la séparation de ses parents.

Breivik se dit protestant, confession qu’il adopte de plein gré à l’âge de 15 ans. Il se réclame d’une forme de “christianisme identitaire”, ainsi que d’un christianisme de croisade, résolument hostile à l’islam et au multiculturalisme. Admire Conan le barbare, Charles Martel et Vladmir Poutine. C’est un ancien membre de la droite populiste norvégienne, le FRP, parti du Progrès (sic!) dont il se désolidarise en 2007 le jugeant trop timoré et trop peu radical.

« Il pense qu’il est en guerre et que quand on est en guerre on peut faire ce genre de choses sans plaider coupable », a dit son avocat lors d’une conférence de presse, lequel estime qu’ « il vit dans sa bulle » et que « toute cette affaire suggère qu’il est dément ».

Dans un entretien accordé au Figaro, le docteur Daniel Zagury estime en revanche qu’il n’y a aucune raison de penser, à priori, que le tueur relève d’une irresponsabilité pénale. « Sur le plan médico-légal, il s’agit d’un acte qui a été longuement préparé et qui repose sur une idéologie haineuse.”

Sur son compte Twitter, il n’a posté qu’un seul message remontant au 17 juillet, une citation du philosophe anglais John Stuart Mill : « Une personne avec une croyance a autant de force que 100.000 personnes qui n’ont que des intérêts ». Selon les médias norvégiens, les interventions d’Anders Behring Breivik sur le site www.document.no témoignent de points de vue nationalistes et de son hostilité à une société multiculturelle. La télévision publique NRK note néanmoins qu’il y prenait ses distances à l’égard du néonazisme. Dans un message posté en 2009 sur le site de débat, Behring Breivik faisait part de ses frustrations à l’égard du parti populiste dont il avait été membre : « Le problème avec le FrP dans la durée, c’est que dans sa soif de vouloir satisfaire les attentes multiculturelles et les idéaux suicidaires de l’humanisme, il a de bien des façons jeté le bébé avec l’eau du bain », écrivait-il. « La résistance se limite à écouter les agences de relations publiques et à sortir deux ou trois déclarations avant chaque élection pour s’assurer les voix de la base », ajoutait-il…

Anders Behring Breivik est en l’occurrence l’auteur d’un manifeste qu’il a pris soin de mettre en ligne et d’envoyer à 1003 adresses e-mails une heure et demi avant l’explosion qui a soufflé le centre d’Oslo. Un manifeste de 1518 pages intitulé : «  2083, une déclaration d’indépendance européenne ». Il y déploie sa “philosophie”, livre ses motivations politiques, son obsession de l’islam et sa crainte de la “féminisation” de l’Europe. Comme on peut le lire dans Le Monde du 26 juillet, pour Breivik «  L’ère du dialogue avec ces élites est finie, depuis l’intervention, en 1999, de l’OTAN en Serbie, en soutien aux Kosovars. « Il n’y a pas de démocratie en Europe », juge-t-il, estimant que le poids de l’idéologie officielle couplée à « l’importation d’électeurs », avec l’immigration, interdisent aux « conservateurs culturels » tout espoir d’arriver un jour au pouvoir. « Le temps de la résistance armée est venu », en conclut-il page 801 de son manifeste. »

En se penchant sur le document, certains ont remarqué de nombreux emprunts aux écrits et notamment au manifeste de Theodore Kaczynski, le terroriste américain des années 80 plus connu sous le nom d’Unabomber. Comme l’atteste l’exemple suivant, où seule la cible a changé :

« Une des manifestations les plus répandues de la folie de notre monde est le gauchisme. Un débat sur la psychologie du gauchisme pourrait servir d’introduction à la discussion sur les problèmes de la société moderne en général ». Unabomber, 1995.

« Une des manifestations les plus répandues de la folie de notre monde est le multiculturalisme. Un débat sur la psychologie du multiculturalisme pourrait servir d’introduction à la discussion sur les problèmes de la société moderne en général ». Anders Breivik, 2011.

Selon le Spiegel, Breivik était à la tête d’une ferme biologique au nord de la capitale, ce qui aurait pu lui donner accès à des produits chimiques susceptibles d’être utilisés pour la confection d’explosifs. Les listes fiscales, ouvertes à la consultation publique en Norvège, montrent qu’il n’avait aucun revenu pour l’année 2009 et des sommes extrêmement modiques au cours des années précédentes.

Proche des milieux d’extrême-droite, amateur de jeux vidéos violents, Breivik possédait plusieurs armes enregistrées en son nom, dont un fusil automatique. Il fréquentait assidûment un club de tir à Oslo.

Revêtu d’un pull portant le sigle « Police », le tireur aurait, selon des témoins, appelé les jeunes à s’approcher de lui avant d’ouvrir le feu, puis a achevé des blessés et ciblé des personnes qui s’enfuyaient à la nage.

Ce massacre a causé la mort de plus 80 personnes vendredi dernier.

Anders Behring Breivik se dit prêt à passer sa vie en prison.