A l’âge de 27 ans, Amy Winehouse est morte et voilà que tout le monde reparle du Club 27 comme si il s’agissait d’une malédiction. Tout le monde oublie seulement qu’Amy Winehouse était déjà morte depuis longtemps. Elle n’est pas décédée le 23 juillet dans son appartement de Camden. Non ! Amy Winehouse est morte depuis le 14 Septembre, date de son 27ème anniversaire. A ce moment-là tout le monde avait compris qu’elle ne passerait pas l’année. Tout le monde, à commencer par elle-même…
Quelque part entre Londres et New-York, il est donc un club mystérieux où l’on entre en pleine gloire et duquel on ne sort jamais plus. Sur la porte d’entrée de ce Panthéon énigmatique, un écriteau, implacable, précise : « It’s better to burn out than to fade away ». Mieux vaut s’embraser, exploser en vol, que se consumer à petit feu. Paroles de Neil Young. Reprises dans sa lettre de suicide par un certain Kurt Cobain. Tout s’éclaire (ou tout s’assombrit soudain). Lire cela tient du miracle, vraiment je mesure ma chance, d’habitude personne ne le peut.
Le Club 27, depuis longtemps je cherchais à comprendre, seulement personne n’a jamais été capable de me l’expliquer. J’ai demandé partout, à tout le monde. J’ai lu des livres, vu des films. Jamais de réponse. Ni à la rédaction de Rolling Stone, ni ailleurs. Les Premiers disaient : « le club 27, c’est comme le Graal, on ne l’atteint jamais vraiment. Ce club est une quête mythique, un chemin intérieur, rien d’absolument, matériellement, concret ; de la personnalisation abstraite. »
Les Autres, eh bien les autres ne prenaient pas de pincettes. Ils sirotaient encore un peu plus de vin à la manière de la Winehouse puis pouffaient de rire et passaient à autre chose. Ils n’y croyaient simplement pas, riant et articulant avec excès : « on-ne-me-l’avait-encore-jamais-faite-celle-là ! Le club 27, tu crois vraiment que ça existe petit ? Et puis quoi encore ! »
Enfin, il y avait les Derniers. Les Derniers ne trouvaient rien de comique à l’affaire. Ils avaient peur que je n’aille pas bien, ils disaient « Là haut ça ne tourne pas rond. Si tu penses au Club 27 c’est forcement que ça ne va pas. J’ai été jeune avant toi, j’avais les mêmes démons, à moi on ne la fait pas ! ». Alors les aînés me regardaient l’air effrayé, bon dieu mais qu’est-ce qu’il lui prend ? Ils pensaient avoir compris, ils croyaient que tout se répétait, que les fantômes de leur passé revenaient ici, chez moi comme chez Amy, maintenant. Comme les Derniers flippaient..! Il faut les comprendre. Ceux-là croisent tout le temps des personnes bizarres, ils ont fait de la route. Autour d’eux, jadis, quelques très proches amis usés par des décennies d’excès. Drogue et Alcool. A gogo. Jusqu’à en mourir. Alors ils ont l’habitude. Ils ont l’habitude sauf que moi je n’avais que vingt-quatre ans. Vingt-quatre ans, vraiment trop jeune, ça ne leur plaisait pas que ça commence si tôt… S’inquiétant, ils disaient du haut de cet air prévenant qui jurait tellement avec leur allure : « Le Club 27, tu ferais mieux de ne plus y penser. Ils sont tous morts dans la force de l’âge à force de trop se persuader que cela existait. Ils se sont brulés les ailes à cause de cette croyance débile ». Paroles de Didier Chalechat. Et de continuer sur un air faussement persuasif : « Tu ne veux pas te brûler les ailes toi, hein? Tu veux t’installer et durer, c’est ce qu’il faut faire, oui, c’est bien ce qu’il faut faire… ». Alors pour achever leur travail de persuasion, Ils m’ont emmené voir deux critiques Rock mythiques, Frederock Lemarquis et Patraque Heudeulyn. Je me rappelle très bien de ce moment. Kabel était venu me chercher avec son Range Rover vert anglais. Il s’était garé place d’Israël, en double file devant le café où il avait jadis ses habitudes. On avait avalé deux expressos chacun, en vitesse. Avant le départ, il m’avait brieffé sur ce qui allait se passer : la cure de désintoxication, rehab façon Amy, les divagations des personnages sur leur état actuel. Lorsqu’ils étaient bien lunés, l’échange pouvait être merveilleux. D’autres fois, ils n’arrivaient même pas à articuler deux mots tellement le manque leur creusait le ventre, le cerveau et l’esprit. A dix heures et demie, nous sommes partis. Je me suis enfoncé tout au fond du siège passager et j’ai dû dire quelques mots sur le Range Rover de Kabel. Sur la route, dès le periph’ passé, il se mit à pleuvoir. Un solide classique de Springsteen tournait dans l’autoradio…
Puis on écoutait la radio. Kabel, je ne sais comment, captait les bonnes stations rock londoniennes dans sa voiture. Les Who, Page et Plant et les Stones. Une de ces merveilles improbables que l’on ne rencontre que dans la presse rock. Kabel au volant et moi à côté. Et soudain un flash info : « Sad day for England as Amy Winehouse goes back to black ». La phrase, puissamment littéraire, follement métaphorique nous a scotché aux sièges de la Range. À cette minute très précise, le ciel se teintait de ce gris caractéristique d’Outre-Manche et le crachin parisien était en adéquation avec l’humeur.
Que dire de plus sinon qu’Amy Winehouse cohabitait avec ses démons ? Elle tentait de les gérer, bon an, mal an. Souvent ses fantômes lui donnaient une allure furieusement rock and roll et alors Amy, mine enfarinée, tatouages sur le bras, faisait la Une des journaux. D’autres fois, ils l’enfonçaient dans un gouffre sans fin ; de ces moments subsistent quelques clichés relatant la déchéance.
Récemment, les affaires se sont (encore plus) compliquées. En concert le 18 juin à Belgrade, devant 20 000 personnes, Amy n’était plus que l’ombre d’elle-même. Oh, certes, les spectateurs la connaissaient, ils avaient l’habitude ! Amy l’avait déjà fait ce coup (son classique) : monter saoule sur scène, marcher sans pudeur, complètement désarticulée, jusqu’au micro. Mais cette fois, comme fatiguée de ses excès, la foule ne riait plus. Tandis qu’elle oubliait les paroles de ses chansons, les choristes assuraient le spectacle : show must go on, consigne de la direction… Sa vie, oui, était affaire de débauches et de profusion. Qui de nos jours, dans notre société si policée, entreprend d’aller si loin dans l’excès? Vivre « à la Winehouse » est une utopie doublée d’une triple malédiction. C’est à la fois refuser d’accepter ce que l’on est (une jewish princess de lower-class), ne pas saisir l’étendue de son incroyable talent et craindre terriblement l’avenir.
Amy Winehouse se savait donc condamnée. Elle voulait que sa vingt-septième année soit la dernière. Son vœu est exaucé.
« Entre ici Amy Winehouse avec ton terrible cortège, avec ceux qui sont morts, Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Alain Wilson. Rejoins maintenant le Panthéon du Rock and Roll. »
Je comprends Amy et son escalade morbide. J’ai encore trois ans pour trouver une solution…
bonjour
Je suis la plus grandes fan de Amy Winehouse
et elle est morte 23 juillet dans son appartement.
Personnellement je trouve sa inioble de dir le club 27
quand on est mort on est mort et point bare c est tou!
Bon merci
j’ai beaucoup de respect pour cet femme…………… elle a su montrer une autre fasse a la musik
Un déchet de moins sur notre planète.
Les fauves de la scène souterraine de Londres ne la quittent jamais. Au premières heures du millénaire, je me trouvais au Bull and Gate à Kentish Town, dans le nord de Camden où Plastic Heroes remplissait une cuve de décibels de plomb, j’y passais une partie de mon temps avec mon frère, leader du groupe, dans l’arrondissement où miss Winehouse faisait ses premiers pas, elle, dans les jazz clubs. L’alcool n’est pas une affaire de goût, dans ces parages. Il est un soubassement de la civilisation. Ici, on boit to socialize. Allez au pub, c’est la seule direction que l’on connaisse une fois sorti de chez soi. Refuser la coupe d’hydromel blond ou brun, ce serait vécu par les indigènes comme s’abstenir de tremper ses lèvres dans la coupe de vin à une table de Seder où vous avez pris place, sur la «chaise vide». C’est peut-être pour ça que Pessah ne recommence pas avant l’an prochain. Et que la dose de calice n’excède pas la mesure au-delà de quoi le délice vous délite. Je bois, donc. Tu bois. Il ou elle boit. Nous ne titubons plus car pour cela il faut se voir tituber. La seule chose, c’est que je ne sais plus très bien si je suis chez R., j’ignore ce qui a bien pu se passer, mais je jurerais que tout à l’heure, un mur séparait la cuisine du living room. C’est toi qui l’as démoli? Shhhhhhit! Un vagabond vient me remercier pour la soirée, je lui dit : «You’re welcome! – You’re french?» Sans doute mon « re » qui m’a trahi. Et puis, je le vois pleurer, il me parle d’Omaha Beach, son visage se crispe sur un laborieux «Petaine» avant de me tapoter le bras d’un «Sorry, man! It’s not against you…» Le lendemain midi, on a rancard avec R. (with english accent). Elle veut me présenter son père, qu’elle dit être un génie. Faut dire qu’il a ouvert un magasin de disque à Notting Hill dans les années 80, et qu’aujourd’hui, il en possède cinq sur le même trottoir. Je vais avoir du mal à rivaliser. Je suis sur le canapé entre R. et Celiah. Déjà 1:45 AM. R. demande à Celiah ou à moi : «À quel moment, you think, on peut dire qu’on a un problème avec l’alcool.» Celiah – silence. Moi : «À mon avis, le jour où tu traverses une épreuve vraiment dure à surmonter, si tu ne peux pas te passer d’alcool c’est que ça commence à merder.» R. dans un sourire angoissé : «Alors, tout va bien pour le moment.» Plus tard, sur le point de la quitter, je lui dis que ce serait bien qu’on se voie un soir de la semaine, avant que je ne rentre à Paris. Elle me dit que ce serait bien. Je lui propose lundi soir. Elle me dit qu’elle préférerait jeudi. Lundi soir, elle ne peut pas. Elle a un rancard. Nous sommes des chiens errants coincés dans une grange à la recherche de notre instinct. Sam. Doug. Ethan. Steve. Une nuit, le téléphone sonne. La police a trouvé le numéro de Celiah dans le portefeuille de Doug. On l’a retrouvé mort sur son lit. Bad trip. Depuis mars 2003, sa courbe de morosité ne s’arrêtait plus de grimper. Il était anglais, pourtant, avec une mère irakienne? qu’est-ce que ça faisait! Aucune famille pour Doug hormis Celiah. Elle va devoir régler toute la paperasse au commissariat, et puis organiser les funérailles, choisir un cercueil pour Doug, son ami de vingt ans.
Je brule, je flambe, j’embrase, je consume parfois, une Vie de hauts et de bas, mais toujours formidable, et nouvelle chaque jour, et belle de chaque rencontre, et énivrante des parfums des fleurs et des femmes….Il y a 70 ans que ça flamboie. J’en veux encore et encore. Satan, si tu es là, je te vends mon Âme pour 1000 ans de plus…. Qu’avais-je donc vécu à 27 ans ? RIEN encore, ou si peu …
On pense que je me consume…c’est faux. Je suis fatiguée, c’est tout. Basquiat!
Mon cher jeune ami,
Vous avez eu l’obligeance de me citer dans votre (quelque peu ésotérique) article. Du moins m’attribuez-vous deux phrases que j’ai peut-être prononcées, ou que j’aurais pu prononcer, ou qu’il ne me serait jamais venu à l’idée de prononcer, allez savoir… En tout cas, cher Laurent-David, dites-vous bien qu’on ne choisit jamais de se brûler les ailes. Un beau jour on découvre qu’on s’est mis à le faire. Ça vient tout seul, sans qu’on s’en rende compte. On ne se dit pas « Tiens, et si je me déglinguais ? », on ne pense pas « Aïe, je crois bien que ça va être la mort au bout du chemin. » Notez bien, d’ailleurs, que tout le monde n’y laisse pas sa peau. Certains sont à-la-mort, d’autres non. La preuve : je vous écris ces quelques mots. Notre Jewish Soul Princess, quant à elle, n’est pas morte d’abus de drogue ou d’alcool. Elle est morte parce qu’elle n’arrivait plus à vivre. Ce n’est ni une qualité ni un défaut. C’est juste comme ça.
Je n’oserais conclure en tentant de vous dissuader de vous livrer à tous les excès. Faites comme bon vous semble. Si vous avez le goût de la vie, vous tiendrez jusqu’à 120 ans.
Bien à vous,
Didier Chalechat.
Have a good long long flight, sweet little Grande Dame with a pointing down left eye!
« Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Alain Wilson »
Alain Wilson?????
C’est qui????