Imaginez que Barack Obama, un an avant la dernière élection présidentielle américaine, ait été arrêté par la police française, accusé de viol par une femme de chambre d’un hôtel parisien, et traité comme Dominique Strauss-Kahn.

Eût-il été innocenté, il aurait perdu toute chance d’être élu. Supposez même qu’Obama l’ait emporté: dans cette hypothèse, l’élection n’aurait pas moins été faussée.

Le travail des images du candidat humilié, avili, ravalé à l’état de bête de cirque, de monstre sexuel, de fou dangereux, dans l’esprit des électeurs américains, ne se serait pas effacé avec la fin de l’affaire. Le souvenir du traitement dégradant d’Obama par l’appareil policier et judiciaire français aurait continué d’altérer, de la manière la plus sordide qui soit, le processus démocratique de l’élection présidentielle américaine et son enjeu fondamental. Car ce n’est pas seulement la carrière politique d’un homme qui aurait été remise en cause, mais la faculté pour les électeurs d’estimer justement les mérites du meilleur candidat.

Pariez que l’arrestation d’Obama à Paris et le spectacle qu’il aurait offert, menotté sur les marches du Palais de Justice ou en pyjama dans une cellule moisie, auraient provoqué un tollé aux Etats-Unis, et pas seulement parmi ses partisans.

Un candidat à une élection présidentielle dans un Etat démocratique, même s’il ne s’est pas encore officiellement déclaré, quand l’élection approche et prend un tournant décisif, quand il se place en tête des sondages, en position d’être élu, est « investi » à double titre. Il répond évidemment de ses propres actes: s’il est soupçonné d’avoir commis un crime, il est normal qu’il s’en explique avec la police et la justice. Mais il ne répond pas moins de ses actes politiques, et des intérêts stratégiques, sociaux, éthiques, culturels, économiques, diplomatiques qu’il défend — intérêts considérables; il porte des attentes, des espoirs, des perspectives de changement à quoi adhèrent des millions d’électeurs; cet homme incarne, de fait, la légitimité démocratique d’un chef d’Etat potentiel ; légitimité virtuelle, mais mesurable à sa popularité nationale, à l’appui massif des militants de son parti, à l’estime de ses adversaires politiques ; légitimité incontestable pour peu que l’on conçoive comment fonctionne une véritable démocratie.

Pourquoi la police et la justice américaines ont-elles délibérément nié cette légitimité à Dominique Strauss-Kahn en agissant d’une manière aussi spectaculaire, aussi inefficace, aussi stupide ?

Quand la liberté, pour un citoyen, d’élire le candidat de son choix à une élection aussi déterminante est en jeu, on reste prudent. On garde à l’esprit que les conditions d’une telle affaire sont exceptionnelles. On n’est pas assez naïf pour ne pas songe, aussi,r à une manipulation, à un chantage, à un trucage. On commande des investigations, des vérifications d’urgence. On n’attend pas un mois pour se rendre compte que l’accusatrice d’un crime aussi grave n’est guère crédible, alors qu’on aurait pu facilement le constater dès le lendemain du dépôt de sa plainte. On mesure la portée de ses actes. Sans conscience de ses responsabilités, une démocratie n’est plus tout à fait démocratique.

Car il y a deux moyens de détruire la démocratie : le totalitarisme et les jeux du Cirque.

5 Commentaires

  1. « Un coup monté contre DSK » Tout le monde y a pensé (en France bien sûr).
    Vrai ou faux le doute plane sur DSK mais aussi sur tous ceux (à droite comme à gauche) qui avaient peur de son élection à la Présidence.
    Saura-t-on un jour « le fin mot » de cette histoire?
    Je l’espère, et cela fera comme un boomerang à ceux qui ont déclenché ce cataclysme!
    aedwige

  2. comparaison ridicule,obama n’aurait pas eu de relation sexuel avec une femme de chambre.

  3. Investigation, il y en avait: traces d’ ADN, évidences sur les corps des deux personnes d’une lutte féroce, témoignages des autres employées. Donc, soupçon d’un crime, et pas le moindre. L’accusé est chargé et –oui, selon la pratique policière en usage commun–menotté. (Est-ce que le philosophe a protesté cet usage barbare en d’autres instances, ou seulement celui de son ami?) Mais les investigations continuent: pas le lendemain (pensée idiote) mais au cours d’un mois, on découvre, pas que le crime ne soit commis, mais que l’accusatrice n’est pas fiable, et donc pas convaincante en tant que témoin. On s’avance–soigneusement– vers un non lieu. Processus tout à fait normale, correcte en chaque détail–sauf que l’accusé est trop important, trop estimé par ses amis (genre BHL) pour qu’il soit mis en examen. Non, un tel homme, avec de tels amis, en dépit de toute évidence, doit sûrement rester au-dessus de la justice, immunisé par un tel copinage. Éclatante théorie de la justice, monsieur le philosophe. Bravo!

  4. Et oui et oui, qui n’a pas pensé qu’un coup monté de Sarkozy ou de l’entourage de DSK même ait été à l’origine de tout ce remue-ménage? Parce que c’est effectivement très étrange que tout cela intervienne à des moment clés de la carrière de DSK. Je tiens à préciser que je ne prends pas position pour ou contre DSK, je suppose juste.