Hossein Derakhshan, surnommé le « Blogfather iranien », a vu sa peine de 19 ans et demi de prison confirmée par le tribunal d’appel de Téhéran, vient-on d’apprendre auprès de Sandrine Murcia, compagne française du blogueur iranien.

« Je viens d’avoir sa famille au téléphone depuis Téhéran », confie Sandrine Murcia à la Règle du jeu. « Elle est effondrée. C’est la peine la plus lourde jamais prononcée contre un journaliste iranien ».

Le 28 septembre 2010, Hossein Derakhshan avait été condamné à dix-neuf ans et demi d’emprisonnement, cinq ans d’interdiction d’adhésion à tout parti politique et d’activité dans les médias, pour « collaboration avec des États ennemis, propagande contre le Régime islamique, propagande en faveur de groupuscules contre-révolutionnaires, insulte envers des saintetés ainsi que la création de sites obscènes ».

« Hossein n’a aucune raison de se trouver en prison », s’indigne Sandrine Murcia. « Il n’a commis aucun crime. Cette peine est tout simplement inacceptable. C’est un message très fort que le gouvernement iranien souhaite envoyer au cyber espace iranien ».

Journaliste réformateur puis blogueur à son départ d’Iran pour le Canada en 2000, Hossein Derakhshan est l’auteur à 26 ans d’un des premiers blogs en persan à destination de l’Iran, « Sardabir: khodam » ou « Rédac chef : moi-même » où il chronique l’Iran d’aujourd’hui et informe sur les dernières technologies. Son fait d’armes, un « guide de création du blog en persan », qui va permettre à nombre de ses jeunes compatriotes de s’exprimer sur le Net, faisant aujourd’hui de l’Iran un des premiers pays au monde en nombre de blogs.

En parallèle, il collabore avec de prestigieux titres tels que le Guardian, le Washington Post , Newsweek et le New-York Times , où il croque avec originalité l’Iran pour faire connaître la réalité de son pays au monde entier.

En 2006, il décide même de se rendre à deux reprises en Israël, afin de tenter de mener un dialogue entre les peuples iraniens et israéliens », et leur trouve de « nombreux points communs ».

Mais la rhétorique guerrière de George W. Bush envers l’Iran, ainsi que le fameux « Bomb Iran » prononcé par son vice-président Dick Cheney en 2007, vont faire ressurgir son nationalisme iranien exacerbé.

blogfather
Hossein Derakhshan, surnommé le « Blogfather iranien »,

Dès lors, le Blogfather se met à dénoncer la diabolisation médiatique occidentale contre l’Iran, défend le droit de son pays à acquérir l’arme atomique pour pouvoir se protéger d’une attaque, et apporte son soutien au président ultraconservateur iranien Mahmoud Ahmadinejad.

Un soutien de poids dont les autorités iraniennes ne tiendront pas compte. Novembre 2008, deux semaines après son retour en Iran, Hossein Derakhshan est arrêté et envoyé en cellule d’isolement (au trou) dans la funeste prison politique d’Evin de Téhéran. Il y est toujours retenu.

« Les autorités iraniennes n’ont cessé de répéter aux parents de Hossein Derakhshan que le cas de leur fils allait s’arranger, à condition qu’ils ne parlent pas aux médias », explique la compagne française du blogueur. « On leur faisait croire qu’il bénéficierait d’une réduction de peine. On voit le résultat aujourd’hui ».

Hossein Derakhshan avait pourtant bénéficié depuis le début de l’année de trois autorisations de sortie provisoire de prison, d’une durée n’excédant pas les deux jours, et dont la dernière avait été accordée en avril. Mais la nouvelle de la confirmation de la peine en appel a fini d’anéantir les derniers espoirs de la famille.

Une dernière lueur subsiste néanmoins. L’Iran s’apprête à fêter dans les semaines à venir la naissance de l’Imam Ali, au cours de laquelle le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a pour habitude de gracier un certain nombre de détenus. Selon Sandrine Murcia, on aurait suggéré à la famille de Hossein Derakhshan que leur fils pourrait en faire partie à condition de garder le silence.

« Je ne veux même pas y penser », s’insurge-t-elle. « Cela fait aujourd’hui deux ans et demi que Hossein est en prison et voilà le résultat ». Mais la jeune femme refuse de se laisser abattre.

Il n’existerait aujourd’hui plus qu’un seul et unique moyen de faire sortir son compagnon. « Il est indispensable que des personnalités prennent publiquement position en faveur de Hossein, car on sait par expérience que des pressions internationales exercées sur le gouvernement iranien embarrassent Téhéran ». Un ultime espoir pour empêcher que le blogfather ne passe les 20 prochaines années de sa vie derrière des barreaux.