Jorge Semprún, que la Règle du jeu était fière de compter parmi les membres de son comité éditorial, est disparu hier à l’âge de 87 ans, à Paris.
Les hommages se multiplient, à la mesure de la grande vie et de la grande oeuvre qui fut la sienne.
L’édition en ligne de ce mercredi matin de la Règle du Jeu rend public le « respectuieux et fraternel salut » que Bernard-Henri Lévy devait lui adresser, en sa présence, le 28 juin prochain, au Musée du Prado à Madrid.
« Qui, aujourd’hui, peut se targuer d’être cet écrivain total, demande en particulier Bernard-Henri Lévy ? »
Il évoque « un Semprun qui, même si, selon le mot célèbre, son héritage ne fut précédé d’aucun testament, est bien, dans mon esprit comme, je crois, dans celui de l’époque, l’héritier de l’Espagne rouge »
« Nul, dit-il encore. n’aura poussé si loin que lui, et l’exigence du témoignage, et la réflexion sur le principe, les règles et, naturellement, les limites du dit témoignage« .
Il évoque « le conteur entêté, un peu fou, dont l’œuvre est comme la réécriture interminable de quelques scènes d’un passé qui ne s’est jamais décidé à passer. »
Il salue le « très très grand prosateur dont on sait déjà qu’il restera comme l’un des plus puissants, des plus inventifs et des plus neufs de la littérature de la seconde moitié du XX° siècle et du début du siècle suivant. »
Quant à son engagement pour l’Europe, il le qualifie en ces termes:
« Semprun le passeur;
Semprun comme un passage;
Semprun comme une prodigieuse tour de Babel, bruissant de toutes ces langues de l’Europe; il est une Europe à lui tout seul; il était l’esprit européen incarné »
Et ceci, enfin « Voilà un homme qui, depuis un demi-siècle, vit entre la France et l’Espagne. Voilà un écrivain qui est né Espagnol, mais qui parlait le néerlandais à 16 ans, l’allemand à 20 et qui rédige, depuis, la plupart de ses livres en français. Et voilà – c’est peut-être le plus troublant – un intellectuel engagé qui, au sortir de l’adolescence, met sa vie en péril pour défendre une France qu’il devait bien, j’imagine, tenir un peu pour sa patrie et qui, arrivé à l’âge de la maturité, se met, en devenant ministre, au service d’une Espagne qui devait bien, pour qu’il le fît, être, elle aussi, une sorte de deuxième patrie. »
BIBLIOGRAPHIE.
Aux éditions Gallimard :
Le grand voyage, roman, 1963 Prix Formentor
L’évanouissement, roman, 1967
La deuxième mort de Ramon Mercader, roman, 1969 Prix Fémina
La montagne blanche, roman, 1986
L’écriture ou la vie, souvenirs, 1994
Prix Fémina Vacaresco Adieu, vive clarté… blanche, 1998
Le retour de Carola Neher, le Manteau d’Arlequin, 1998
Chez d’autres éditeurs :
Autobiographie de Federico Sanchez, réédité en Points-Seuil en 1996
Quel beau dimanche! Grasset 1980
L’Algarabie, Fayard 1991, Gallimard Folio 1997
Netchaïev est de retour, Lattès 1991
Federico Sanchez vous salue bien, Grasset 1993
Mal et modernité, Climats 1995
Jorge Semprun est du nombre infime des hommes de mon temps, qui m’ont aidé à devenir un homme.