L’anti-diabétique Mediator aurait fait, en 33 ans, entre 500 et 2000 morts en France. Il a été détourné dans le cadre de cure d’amaigrissement. Son interdiction sur le marché remonte à 2009. Mais qui doit indemniser les victimes ? Qui est responsable ? Le laboratoire pharmaceutique, les médecins qui ont prescrit “abusivement” ce médicament ?

Patrick Pelloux : Le problème avec ce fameux Mediator c’est qu’il cache le problème plus vaste que pose aujourd’hui l’industrie pharmaceutique.

Cela fait des années que l’on sait que certains responsables de laboratoires sont davantage préoccupés par la rentabilité de leur produit que par la santé des gens. Je ne veux absolument pas dire que tous les chercheurs des laboratoires sont pris dans le profit financier exclusif ni qu’il faut stopper la recherche, bien entendu, mais il ne faut pas perdre de vue qu’une bataille, à échelle mondiale, se joue en ce moment autour des médicaments. L’industrie pharmaceutique est un géant économique engrangeant aujourd’hui beaucoup plus de bénéfices que l’industrie automobile qui n’est plus à la première place ! Les enjeux économiques et géopolitiques sont considérables.

Notez que le laboratoire Servier qui a conçu le Mediator est l’un des derniers laboratoires français. Mais d’ici à faire n’importe quoi sous prétexte que c’est « le » laboratoire français il y a deux mondes. L’influence de Jacques Servier a dépassé les bornes du convenable en devenant une puissance politique,;comme certains membres du Conseil d’Administration de Servier qui ont été très actifs au sein de la commission santé de l’UMP ! Mais hélas ces influences sont banales car le loobing des industriels pharmaceutiques au niveau du parlement européen est l’un des plus actifs !

Syndicats voire certains avocats de victimes affirment que l’on aurait menti ou caché la dangerosité de ce produit, qu’en pensez-vous ?

Le médecin qui fait une prescription en adéquation avec les indications, n’est pas responsable des conséquences d’un médicament dont, de surcroît, on lui vente l’innocuité. Toutefois le danger est le risque que les médecins soient dans une culture de marché qui les amène à se focaliser davantage sur les médicaments. Les demandes de certains patients, eux-mêmes victimes de cette culture et de ses modes, font oublier la vocation première de la médecine : guérir une personne plutôt que de traiter une maladie, donner le traitement le plus adéquat, réévaluer les traitements régulièrement. D’autre part, il me semble important de rappeler que la médecine est en perpétuelle évolution. Les certitudes d’aujourd’hui seront peut-être les erreurs de demain.

Par ailleurs, il est urgent, absolument indispensable, d’en finir avec un système pervers qui fait en sorte que les agences chargées d’autoriser la mise sur le marché d’un médicament soient financées par l’industrie pharmaceutique elle-même ! Ces manœuvres ne sont pas admissibles. Il existe, en effet, une promotion du médicament qui relève moins de la santé des personnes que d’enjeux commerciaux. Tout cela se joue dans le dos et aux dépens des malades. Ce phénomène rejoint le débat qui eut lieu, à l’époque, en Afrique du sud à propos des médicaments contre le SIDA. Ce gouvernement réclamait l’importation de médicaments génériques (meilleur marché) pour traiter et les firmes pharmaceutiques ont intenté un procès. L’Afrique du sud a gagné !

C’est un problème politique majeur et d’ampleur universelle qui pose la question de la transparence et de l’autonomie. Autonomie indispensable des agences du médicament, du corps médical comme des facultés de médecine et de la formation continue des médecins vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique.
Remettre la médecine dans l’université en son sens fondamental de l’universalité du savoir. C’est une réforme capitale pour les générations futures.

S’il y a une révolution à souhaiter en ce domaine, elle est là : dissocier intérêt privé et santé publique.

Quel est votre sentiment sur la manière dont Xavier Bertrand a traité ce dossier ?

Xavier Bertrand me semble plus indépendant que Roselyne Bachelot et Nora Berra qui ont travaillé toutes deux dans le milieu des laboratoires pharmaceutiques ! Par exemple : la commission parlementaire de la grippe h1n1 n’a pas été jusqu’au bout pour comprendre cette politique de la vaccination. On revient au problème de l’indépendance du personnel politique et à la question des conflits d’intérêts avec ces puissances financières qui sont les laboratoires.

Le principe de précaution est vain. Il ne doit pas bloquer la recherche ou la mise sur le marché d’un médicament qui a fait ses preuves. Ni, non plus, empêcher les politiques de prendre des “risques” s’ils sont calculés. Plus que le principe de précautionsnous devons accepter la notion des donneurs d’alerte et guetteurs du temps. Les acteurs de terrain ont une parole aussi ou plus fiable que certains experts.

Il y a des années, un rapport sur le Mediator le mettait déjà sérieusement en doute. On ne l’a pas pris en compte. C’est un problème de transparence et de respect des médecins qui alertent. Aux USA les donneurs d’alerte sont protégés. En France, ils sont conspués.


5 Commentaires

  1. Toute cette histoire est incroyablement triste.
    Comment peut-on laisser faire ça?
    Comment ce rapport a-t-il pu ne pas avoir fait l’objet d’une étude plus sérieuse??????? Vous imaginez ce que ça serait si ça arrivait aux Etats-Unis?
    Il y aurait des procès milliardaires….

  2. Faire payer les médecins, non mais quelle bêtise.
    Il n’y a que le gouvernement sarkozy pour y penser.

  3. C’est important d’arrêter de trouver un bouc émissaire autre que les laboratoires.
    Il est évident que c’est le profit qui gâche tout dans le milieux médical et ce depuis toujours.

  4. Que j’aime ce docteur!
    Toujours un regard mesuré et juste. Et puis je vous soutiens à fond dans la défense du service public.
    Merci de l’ouvrir régulièrement!!!!

  5. De toute façon, détourner l’application première d’un médicament ne pouvait rien présager de bon.